L'amitié doit remplacer la haine, au lieu de penser par partis, syndicats, révolutions, il faut penser métier, famille, région ; le problème est de sauver en tout homme la valeur humaine.
Quand les abeilles bourdonnaient, quand les volets verts s’ouvraient dans l’odeur ensoleillée des glycines, déjà je partageais avec cette journée, qui pour les autres commençait à peine, un long passé secret. Après les effusions familiales et le petit déjeuner, je m’asseyais sous le catalpa, devant une table de fer, et je faisais mes devoirs de vacances ; j’aimais ces instants, où, faussement occupée par une tâche facile, je m’abandonnais aux rumeurs de l’été : le frémissement des guêpes, le caquetage des pintades, l’appel angoissé des paons, le murmure des feuillages ; le parfum des phlox se mêlait aux odeurs de caramel et de chocolat qui m’arrivaient par bouffées de la cuisine ; sur mon cahier dansaient des ronds de soleil. Chaque chose et moi-même nous avions notre place juste ici, maintenant, à jamais.”
Le fait est que je n’avais pas encore mis la main sur rien. Amour, action, œuvre littéraire : je me bornais à secouer des concepts dans ma tête ; je contestais abstraitement d’abstraites possibilités et j’en concluais à la navrante insignifiance de la réalité.
Ma place n'était ni dans les bars, ni dans les bibliothèques ; mais alors, où? Décidément je ne voyais de salut que dans la littérature ; je projetai un nouveau roman [...].
Je me disais que, tant qu'il y aura des livres, le bonheur m'était garanti.
Je ne constatais pas sans dépit mes déficiences ; il m’aurait plu d’exceller en tout. Mais elles tenaient à des raisons trop profondes pour qu’un éphémère éclat de volonté suffit à y remédier. Dès que j’avais su réfléchir, je m’étais découvert un pouvoir infini, et de dérisoires limites. Quand je dormais, le monde disparaissait ; il avait besoin de moi pour être vu, connu, compris ; je me sentais chargée d’une mission que j’accomplissais avec orgueil ; mais je ne supposais pas que mon corps imparfait dût y participer : au contraire, s’il intervenait, il risquait de tout gâcher.
Je me passais très bien de Dieu et si j'utilisais son nom, c'était pour désigner un vide qui avait à mes yeux l'éclat de la plénitude
J'aimerai le jour où un homme me subjuguera par son intelligence , sa culture et son autorité.
Pourquoi ai-je choisi d'écrire ? Enfant, je n'avais guère pris au sérieux mes gribouillages ; mon véritable souci avait été de connaître ; je me plaisais à rédiger mes compositions françaises, mais ces demoiselles me reprochaient mon style guindé ; je ne me sentais pas "douée". Cependant quand à quinze ans j'inscrivis sur l'album d'une amie, les prédilections, les projets qui étaient censés définir ma personnalité, à la question : " Que voulez-vous faire plus tard ? " je répondis d'un trait : "Être un écrivain célèbre."
Il me répéta que notre société ne respecte que les femmes mariées. Je ne me souciais pas d'être respectée.