Celui-ci en était arrivé à ce point que la mort lui paraissait préférable à la dure existence qu'il menait
Dans de pareilles circonstances, nous avons, nous, la lettre, cette joie amère! nous écrivons à notre femme; nous envoyons des messagers à nos enfants. Mais Tom ne pouvait pas écrire : pour lui la poste n'existait pas. Pas un seul ami, pas un signal qui pût jeter un pont sur l'abîme de la séparation!
Est-il étrange alors que quelques larmes tombent sur les pages de sa Bible, posée sur une balle de coton, pendant que d'un doigt patient il s'avance lentement d'un mot à l'autre mot, découvrant l'une après l'autre les promesses de Dieu et nos espérances !
Comme tous ceux qui ont appris tard, Tom lisait lentement. Par bonheur pour lui, le livre qu'il tenait
était un de ceux qu'on peut lire lentement sans lui faire tort ; un livre dont les mots, comme des lingots d'or, ont besoin d'être pesés séparément, pour que l'esprit puisse en saisir l'inappréciable valeur!
Écoutons-le donc ! voyons comme il lit, s'arrêtant sur chaque mot et le prononçant tout haut :
«Que -votre -cœur -ne -se -trouble -point. - Dans -la - maison - de - mon - père - il y - a - plusieurs - demeures. - Je - vais - préparer - une - place - pour - vous."
Pour Tom, il y avait là tout ce qu'il lui fallait, une vérité si évidente et si divine, que la possibilité d'un doute n'entrait même pas dans son cerveau!
Il faut que cela soit vrai.; car, si cela n'était pas vrai, comment pourrait-il vivre?
La Bible de Tom n'avait point d'annotations à la marge ni de commentaires dus à de savants glossateurs. Cependant elle était enrichie de certaines marques et de points de repère de l'invention de Tom, qui lui servaient beaucoup plus que de savantes expositions.
Il avait l'habitude de se faire lire la Bible par les enfants de son maître; et surtout par le jeune Georges; et, pendant qu'on lisait, lui, avec une plume et de l'encre, faisait de grands et très visibles signes sur la page, aux endroits qui avaient charmé son oreille ou touché son cœur.
Sa Bible était ainsi annotée d'un bout à l'autre avec une incroyable variété et une inépuisable richesse de typographie.
Il y a ici-bas certaines âmes choisies, dont les chagrins rejaillissent en joies pour les autres, dont les espérances terrestres, mises au tombeau avec des larmes, sont la semence d'où sort la fleur qui guérit, le baume qui console l'infortune et la douleur.
Mon mari ne m'a jamais comprise, jamais appréciée, car les hommes sont tous foncièrement égoïstes et inconsidérés envers les femmes. Telle est du moins mon impression.
-- Oh ! Topsy, pauvre enfant, moi je t'aime ! s'écria Eva avec un élan d'âme passionnée ; et elle appuya avec tendresse sa main transparente sur l'épaule noire de Topsy.
La vie passe jour après jour ; ainsi s’écoulèrent deux années de l’existence de notre ami Tom. Il était séparé de tout ce que son cœur aimait ; il soupirait après tout ce qu’il avait laissé derrière lui, et cependant nous ne pouvons pas dire qu’il fût malheureux… La harpe des sentiments humains est ainsi tendue, que si un choc n’en brise pas à la fois toutes les cordes, il leur reste toujours quelques harmonies. Si nous jetons les yeux en arrière, vers les époques de nos épreuves et de nos malheurs, nous voyons que chaque heure, en passant, nous apporta ses douceurs et ses allègements, et que, si nous n’avons pas été complètement heureux, nous n’avons pas été non plus complètement malheureux…
Quelle loi, ma vieille ? Est-ce qu'il y a une loi qui empêche de secourir les gens qui se meurent de besoin ?
"Ah bah ! laissez faire les enfants... Topsy ne lui fera que du bien.
- Une enfant si dépravée ! Ne craignez-vous point qu'elle ne lui enseigne le mal ?
- Non ! c'est impossible... avec une autre enfant... peut-être ! mais le mal glisse sur le coeur d'Eva comme la rosée sur une feuille, sans y pénétrer.
La liberté ! idéal que tant de coeurs justes révèrent et pour lequel coula tant de sang.
Le bonheur dont il approchait lui semblait trop grand pour être réel, et il appréhendait il ne savait quelle catastrophe.