Un exercice (qui ne manque pas) de style !
La forme comme l'âme de fond.
L'auteur, dépressif, en plein confinement covidien, trouve refuge à la pointe extrême du Cap Ferret et s'adonne au jeu (je) de rédiger un livre atypique constitué de phrases décousues séparées entre-elles par deux lignes blanches dans l'espoir de trouver la phrase ultime sublimement entourée…de vide.
Seul l'espace est-il vide ?
La phrase comme une presqu'île jeté au travers d'une espèce de cadavre exquis tel un aqueduc, un ponton, une digue!
De cette digue s'aidera-t-il pour retenir des souvenirs engloutis ou cédera-t-elle pour que déferle en cataracte sa mémoire débordante ?
Digue est cette longue langue de terre qui s'abîme au Cap Ferret fermant le bassin d'Arcachon et qui donne son titre à ce court ouvrage un peu vaseux, naturelle bande de terre sablonneuse qui aurait encore mieux fait son office d'hommage si elle s'était étendue, lascive comme avec un amant, jusqu'à la pointe du Raz.
Après quelques pages d'hésitation (hésitation pronostiquée par l'auteur que j'ai failli envoyer valser), je me suis finalement laissé emporter un temps par ses déferlantes, à la force variable et inégale, l'irritation initiale de la forme trop prégnante temporairement noyée par quelques envolée de haute volée.
Une lecture comme une divagation, une vision trpuble de la lointaine silhouette incertaine d'une frêle embarcation mal amarrée embarquée par la marée depuis la grève.
Une idée chasse l'autre comme la rafale refoule le nuage, mais, puzzlées sur le blanc papier, elles finissent par prendre corps et tramer un récit sans qu'il soit question d'un roman, récit ancré sur la langue landaise de contraste comme sont encrés les noirs mots sur le blanc papier.
Quelques tics poétiques qui pile tombent à pic après le toc micmac dont on se moque (la barbe de l'auteur par exemple) forment cet hétérogène complexe littéraire de l'hétéro décomplexé littérateur, un brin ego, un brin mégalo, un brin poseur aussi.
De Gaule et Daho, Venise et New-York, disco et covid, des duos improbables chantent les louanges de l'auteur contrit d'avoir perdu ses souvenirs qu'on trie, involontaire, pour ne garder en mémoire parfois qu'évanescentes futilités.
Une confession sans concessions, une collection de compressions du temps passé, des feuilles noircies au stylo, ramassées à l'appel où père et mère à l'aura dégradée en prennent pour leur grade, amants et maîtresses y défilant comme fantassins au pas le 14 juillet.
Plume au vent océanique, l'auteur peopolisé depuis des lustres éclaire ses années mortes à la lueur chancelante de son parti pris stylistique, enfilant aphorismes et sentences comme perles de pluie venues d'un pays où il ne peut pas voguer à ses souhaits sur ses vagues médiatiques confisquées pour cause de confinement.
Dépression creusée au dessus d'une cabane de pêcheur dans le golfe de Gascogne, déplaisir solitaire ou intellectuelle forme masturbatoire de l'autobio jetée en pâture au gré des pensées anarchiquement surgies à l'assaut d'un cerveau assombri par les neurasthéniques cumulonimbus.
Il tente aussi de nous culpabiliser pour consommer des produits à fort indice carbone après nous avoir raconté ses frasques commises dans tout les coins de la planète, lancé à des vitesses inconsidérées, mais après tout, est-il à un paradoxe paroxystique près ?
Oscillation sinusoïdale d'un intérêt bousculé par l'alternance d'un fond captivant mis à mal par une forme agaçante puis d'une forme captivante mise à mal par un fond agaçant.
Une lecture en demi-teinte finalement, un noir et blanc en multiples nuances de gris, les gris de l'aigri romancier nombriliste, pauvre petit gosse riche doué, il faut l'avouer, pour manipuler la langue, pas seulement celle de terre qui fait
un barrage contre l'Atlantique en face de la dune du Pila et qu'un utopiste amoureux des lieux endigue au quotidien, Don Quichotte des temps modernes qui lutte contre le moulin des marées auquel la dernière partie de l'ouvrage s'intéresse avec bonheur.
Mon premier
Beigbeder, pas impatient d'en ouvrir un second !!!