Je suis une lectrice fidèle de
Tonino Benacquista mais je n'avais pas encore lu son tout premier livre (écrit en 1985).
C'est aujourd'hui chose faite ! Un vrai plaisir de lecture que de suivre les tribulations d'Antonio Polsinelli, embringué malgré lui dans la galère post-mortem que lui a léguée son ami d'enfance Dario, mort d'avoir trop naïvement cru à son "miracle" italien !
Bien que connaissant la verve de l'auteur, je suis époustouflée par le niveau d'écriture de ce premier livre et sa maestria en terme de progression scénaristique puisque ce livre se suit comme un vrai polar de cinéma. Tous les ingrédients du genre sont là, mais l'écriture est si visuelle et si olfactive qu'on se trouve littéralement plongé à la fois dans la vie misérable des émigrés italiens de la banlieue sud de Paris, dans la vie parisienne du personnage principal et la description de certains de ses lieux chauds, et dans la vie "couleur locale" des paysans du Mezzogiorno italien.
Les clichés sont là (le vin, le clergé, la Mafia...), mais pour notre plus grand bonheur, dès lors qu'ils donnent crédibilité, vie et action au propos.
De plus, et ce n'est pas là un élément le moins intéressant, on en apprend également plus sur la façon dont de pauvres Italiens qui n'avaient rien demandé à personne se sont de fait retrouvés embringués dans la drôle de guerre que Mussolini a menée contre la Grèce pour tenter de se l'approprier. Pendant quatre ans, ils se sont demandé ce qu'ils faisaient dans cette galère. C'est aussi ce que se demandera Antonio quand il retrouvera sur les terres de ses ancêtres, à Sora (Province de Frosinone) pour tenter de comprendre la raison d'être du legs de son ami et tenter de lui donner corps et vie.
Et le final, grandiose, à la façon de la Commedia dell'Arte ou du cinéma populaire italien, tel un pied-de-nez au suspense et à l'angoisse que le lecteur vient de vivre : un panégyrique appuyé sur l'art et la manière d'accommoder les pâtes !
Ce livre a reçu de nombreux prix : Prix de la littérature policière en 1991, le trophée 813 du meilleur roman et le Prix Mystère de la critique.