Voilà un roman de la mélancolie, tout en douceur, mais plus profond qu'il n'y parait.
Simon Lhumain vient de prendre sa retraite de psychanalyste, le moment est venu de faire ce voyage intime et de s'éloigner de sa vie et de sa ville en bordure d'océan pour aller vers l'inconnu.
Il a passé sa vie à écouter ses patients, il est temps de penser à lui.
« Toute sa vie passée à écouter les autres. Il n'écoute plus personne. Il y a là une paix profonde et une tristesse. »
Le voilà retiré dans une maison d'hôte tenue par des artistes et située sur les îles de Yaeyama au large du Japon. Autre culture, autres paysages, autre climat, de quoi se délester de son passé afin de retrouver une sorte de liberté.
Cette quête de liberté passe par la contemplation, la méditation et la nage dans les eaux chaudes.
« Il va nager. le corps dans l'eau pousse la peur devant lui. Toujours plus loin. Il retrouve le sentiment de force que donne la lente avancée à chaque brasse. »
Hôtes attentionnés et discrets, Monsieur et Madame Itô prennent soin de lui, respectent sa solitude et savent l'écouter lorsqu'il en ressent le besoin. Cette rencontre avec deux êtres sensibles, deux artistes, va l'aider à avancer en confiance dans sa retraite.
« Il a été lui aussi un havre pour les émotions insoutenables des autres. Il a su être ce havre. Toutes les tempêtes se calment. Il faut juste pouvoir attendre. Sentir qu'un autre est là, avec vous, pour traverser, c'est la seule aide. »
Bien sûr, il est question de psychanalyse puisque Simon revient sur l'histoire de certains de ses patients qui l'ont marqué ainsi que sur son propre vécu et sur des périodes clés de sa jeunesse, mais la psychanalyse de
Jeanne Benameur n'est pas que didactique, elle permet d'aller à la rencontre des personnages et elle tend vers la recherche d'une forme de sérénité et de libération de soi.
Auprès de Daisutke qui répare avec art les céramiques brisées, Simon trouve le chemin pour se réparer, prendre de la distance avec sa propre culpabilité et retrouver la joie intense de se servir de son corps.
Inutile de déflorer l'histoire, il faut se laisser porter par ce courant de bienveillance, d'écoute, et goûter à la sérénité du dépaysement. Il faut accepter quelques longueurs, mais n'y a-t-il pas le mot « patience » dans le titre ?
J'ai toujours autant de plaisir à retrouver la plume élégante de
Jeanne Benameur.
Son écriture lumineuse, ciselée et teintée de poésie accompagne avec talent ce récit intimiste.