L’image vraie du passé passe en un éclair. On ne peut retenir le passé que dans une image qui surgit et s’évanouit pour toujours à l’instant même où elle s’offre à la connaissance. « La vérité n’a pas de jambes pour s’enfuir devant nous » - ce mot de Gottfried Keller désigne, dans la conception historiciste de l’histoire, l’endroit exact où le matérialisme historique enfonce son coin. Car c’est une image irrécupérable du passé qui risque de s’évanouir avec chaque présent qui ne s’est pas reconnu visé par elle.
On sait qu’il était interdit aux Juifs de sonder l’avenir. La Torah et la prière, en revanche, leur enseignait la commémoration. La commémoration, pour eux, privait l’avenir des sortilèges auxquels succombent ceux qui cherchent à s’instruire auprès des devins. Mais l’avenir ne devenait pas pour autant, aux yeux des Juifs, un temps homogène et vide. Car en lui, chaque seconde était la porte étroite par laquelle le Messie pouvait entrer.
C’est une image irrécupérable du passé qui risque de s’évanouir avec chaque présent qui ne s’est pas reconnu visé par [la vérité].
[Lors d’un choc amoureux en pleine foule]
Le ravissement du citadin est moins coup de foudre qu’érotisme de la séparation.
Plus la part de l’élément de choc est importante dans les impressions singulières, plus la conscience, cherchant à se prémunir contre les excitations, doit être inlassablement aux aguets, plus elle y réussit enfin, et moins ces impressions entrent dans l’expérience ; elles répondent d’autant plus aux critères de l’expérience vécue. En fin de compte, l’apport spécifique de la défense contre le choc consiste peut-être à assigner à l’événement, au détriment de l’intégrité même de son contenu, une place temporelle précise dans la conscience. Ce serait la plus haute performance de la réflexion. Elle ferait de l’événement une expérience vécue.
On peut dire que [Brecht] reprend la vieille forme de la complainte pour se plaindre du fait tout nouveau qu’il n’y ait même plus de complainte.
L’illusion d’Eduard Fuchs] repose sur une idée largement répandue et qui doit être révisée, selon laquelle les révolutions bourgeoises, telles qu’elles sont célébrées par la bourgeoisie elle-même, forment l’arbre généalogique d’une révolution prolétarienne à venir.
En un mot, la culture existe à la manière d’une œuvre d’art « qui, peut-être, perturbe des formes entières de vie et des principes vitaux, qui peut avoir un effet désagrégeant et destructeur, mais dont nous éprouvons l’existence comme une chose plus sublime que toute réalité saine et vivante qu’elle détruit » [Alfred Weber].
L’habitude que nous avons, dans nos débats sur la culture, d’insister sur la dimension « créative » vise surtout à nous faire oublier combien le produit ainsi obtenu bénéficie peu au processus de production, combien il est exclusivement livré à la consommation.
Voilà l’esthétisation de la politique que pratique le fascisme. Le communisme y répond par la politisation de l’art.