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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Un livre percutant, dérangeant, bouleversant, et partisan, à l'écriture incisive.
Ce court roman est un pamphlet contre l'obscurantisme et les dérives de l'islam radical, situé pendant le printemps arabe bien que l'auteur pense que cet terme est un néologisme: les Arabes ne connaissent que l'été et l'hiver.
A travers la vie de Nour, prostituée comme sa mère et sa grand-mère, se bat pour que sa fille ait une éducation et puisse sortir du carcan où les hommes veulent enfermer tous les individus de sexe féminin, représentantes du démon.
Elle se prend d'amitié pour un jeune poète homosexuel et tous les deux s'aident et s'apportent de la douceur et du rêve. Ils puisent aussi leurs forces l'un dans l'autre. Au fil des pages, on assiste à toutes les exactions qu''on commises ces assassins, agissant au nom d'Allah, les lapidations et tortures en tout genre: les tortionnaires ayant tous les droits.
Un livre éprouvant mais combien utile par sa dénonciation du sectarisme.
En arrière fond les cris de révolte de tous ceux qui réclament la liberté de vivre leurs différences, celle de s'exprimer, de s'émanciper, d'être en bonne intelligence, hommes et femmes apaisés.
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Encore un roman court et percutant dans cette sélection du Meilleur Roman Points 2022 décidément pleine de jolies surprises ! Dans les yeux du ciel, de Rachid Benzine.
« Ma mère a été dès sa naissance frappée d'une double peine : être belle et être pauvre. Et tout ça dans un pays lui-même frappé d'une double malédiction : être pauvre et être colonisé. » La voix de Nour sonne haut et clair lorsqu'elle prend la parole sous la plume sans concession ni angélisme de Rachid Benzine. En nous regardant dans les yeux, sans détourner le regard, même dans les moments les plus douloureux, même dans les moments les plus crus, sans agressivité mais avec une pointe d'insolence bravache, elle va, Shéhérazade de temps douloureux et perturbés, nous faire le récit des mille et une vicissitudes auxquelles sa vie l'a contrainte. Prostituée fille de prostituée dans un pays prêt à basculer d'un régime vicié par l'argent à un régime vrillé par la religion, elle nourrit ses rêves de l'amour tendre du seul homme qui ne veut pas de son corps et de l'espoir farouche que sa fille, elle, échappera au sort qui lui est promis pour se construire un destin.
Dans le pays sans nom où nous entraîne Rachid Benzine (et qui ressemble malheureusement à tant d'autres bien trop réels), nul ne saurait se soustraire à l'oeil inquisiteur et despotique du monstre tentaculaire qui fait office de gouvernement. Peur, suspicion, méfiance sont le lot quotidien de tous et malheur à celui ou celle qui oserait affirmer sa différence de quelque nature qu'elle soit et c'est justement l'angle que choisit l'auteur pour proposer à ses lecteurs une vue plongeante sur l'intenable. Ne cherchez ni lunettes roses ni filtre aux nuances exotiques pour atténuer la lumière crue posée sur les vies de Nour, Selma ou Sliman, sur les régimes abusifs ou les espoirs sans suite de toute une nation, dans un style tenu, dépouillé, d'une sobriété toute entière tournée vers l'essentielle, Rachid Benzine plante ses yeux Dans les yeux du ciel pour les tenir, comme les nôtres, grands ouverts sur ceux dont il s'est détourné. C'est poignant, douloureux, mais d'une étrange beauté.
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Nour est une pute, fille de pute, elle essaie tant bien que mal d'élever sa fille avec dignité, espérant lui offrir un autre avenir que le trottoir. Dans un pays musulman, à l'aube du printemps arabe, elle raconte à travers ses passes, la condition de la femme et la révolte naissante.

Accompagnée de Slimane, jeune étudiant qui aime les hommes, mais surtout poète engagé, Nour aspire à un monde meilleur, empreint de liberté, ou chacun pourrait s'épanouir à sa guise.

« Un corps de femme, même le plus beau du monde, c'est toujours une forteresse assiégée. Qu'il soit contraint dans un vêtement à la pudeur pathologique, ou révélé par un déshabillé suggestif. Les hommes l'ont réduit à cela. Une prison qui enferme nos désirs, nos passions, notre fragilité, notre créativité. Qui enferme notre honte. Si souvent. »

Un court roman audacieux, puissant, écrit avec justesse et brio. Un véritable cri du coeur et du corps.
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Un court roman saisissant et bien mené sur la perception du printemps arabe de l'intérieur. le prix de la liberté, le prix de la guerre civil et surtout la puissance des extrémismes religieux dans les mondes arabes.
C'est aussi un ouvrage qui se veut clairement féministe et inclusif. Adopter le point de vue des putes c'est un parti pris, très réussi par ailleurs. Je n'ai toutefois pas pu m'empêcher de relever des réflexions gênantes (mais personne n'est parfait et ça relève de mon point de vue) Et notamment ce petit extrait : "Où en serait la planète si les putes ne remettaient pas dans le droit chemin des millions de dictateurs, de tueurs en puissance ou de pervers patentés ? En aspirant, en même temps que leur sève, leur violence. Plus ces hommes se défoulent en nous, moins ils sont cruels dans la vie."
Je n'aime pas beaucoup l'idée que ça renvoie des hommes - en tant que mâles - qui seraient intrinsèquement violents et que cette violence devrait nécessairement sortir. Des animaux sans contrôle ? Je ne remets pas en question l'existence de cette violence mais juste le fait que ce n'est pas, je pense, quelque chose qui soit naturelle ou inévitable, je pense que c'est culturel, structurel même, le système dominant perpétue ces situations abominables. À force de considérer que les hommes sont violents par nature ils se sentent le droit de l'être. On leur laisse une marge de pardon.
Cela étant dit, on est loin de l'auto-apitoiement dans cette fiction de récit de vie, ce n'est pas un portrait de la pute gentille et malheureuse, pas uniquement. On voit aussi toute la part d'ombre, la garce en elle, la jalousie, la méchanceté. C'est une femme abîmée dans tous les sens du terme.
Je relève encore, de-ci, de-là, des commentaires et des réflexions qui montrent encore à quel point le chemin est long pour la sororité, le personnage ici se désole de l'arrivée de "chair fraiche" non pas par empathie pour la vie de ces filles mais parce qu'elles lui font de l'ombre, la domination masculine a de beaux jours devant elle.
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C'est un roman court et épuré, dont la lecture m'a ébranlée. L'auteur nous donne à voir le printemps arabe de l'intérieur, à travers les yeux de Nour, prostituée de mère en fille. La violence humaine, l'hypocrisie, l'injustice, tout est décrit très frontalement. Ce réalisme peut être très dur à certain moment de la lecture mais il paraît aussi terriblement nécessaire.
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Nour est une femme égyptienne, la mère d'une adolescente de 13 ans, mais aussi une prostituée comme sa mère avant elle. Elle est prête à tous les sacrifices pour que sa fille puisse faire des études et qu'elle ne connaisse pas le même sort qu'elle. Au travers de sa vie et de son travail, elle nous livre un regard sur l'Egypte du début des années 2010, à l'aube de la révolution du Printemps arabe. C'est à la fois un véritable miroir d'une société embrasée et le cri de douleur d'une femme. Un cri qui exprime sans détour les souffrances, les espérances, les avancées mais aussi les retours en arrière. Une révolution permet-elle toujours d'évoluer vers une société meilleure ?

Rachid Benzine nous offre un roman sans concession habité par une écriture fluide et forte, une histoire à la fois mélancolique et lucide. Il ne s'agit pas de regretter un passé atroce mais de se méfier et de redouter un futur qui pourrait l'être bien plus.

Nour est sincère, parfois un peu naïve mais tout à fait entière. Elle assume parfois ses limites mais aussi ses réticences face à certains événements. Elle tente de prendre du recul mais ne peut échapper aux torrents d'émotions que le contexte révolutionnaire va provoquer. Elle est aussi humaine jusque dans ses imperfections, elle ne prend pas toujours les bonnes décisions mais en mesure souvent les conséquences avec lucidité.

C'est aussi et surtout un regard sur la place des femmes, mais également de toutes les personnes n'ayant pas la place dominante dans la société égyptienne (et dans bon nombre d'autres sociétés d'ailleurs). Quel sort subissaient dans l'ancien régime toutes les personnes opprimées ? Qu'est-ce qui les attend dans le régime post-révolutionnaire ? C'est au fond une constatation cruelle de réalisme : bien souvent les opprimé·e·s d'hier seront les mêmes opprimé·e·s de demain.

« Un corps de femme, même le plus beau du monde, c'est toujours une forteresse assiégée. » (p.11)
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C'est Nour - la lumière - qui reçoit et qui raconte ; Nour qui, avec son terrible passé, n'a pas eu d'autres choix que de se prostituer pour vivre.
Son récit est d'abord intime et brutal. Elle n'épargne pas le lecteur des affres de son quotidien, de son combat pour rester digne malgré les meurtrissures.
Mais bientôt des événements qui agitent le pays la rattrapent. Sans être clairement identifiés, il est difficile, pour moi, de ne pas y voir le Hirak qui secoue l'Algérie de ces dernières années... Jusqu'ici calfeutré, le récit se politise et interroge le mouvement, les rêves et les travers qu'il va entraîner.
Le roman prend alors une belle épaisseur. La narratrice offre finalement le meilleur des points de vue pour comprendre les violents soubresauts qui bouleversent le pays.
Un roman contemporain, vif et douloureux. Un roman ramassé sur de courts chapitres, autour de peu de personnages. Un roman qui offre surtout un regard aguisé sur le monde d'aujourd'hui.
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Un petit livre. L'impression d'un petit rien, d'un en-cas littéraire qui sera consommé entre les heures où le soleil est à son zénith et le doux crépuscule d'été. Pourtant, je sais que ce roman va me hanter longtemps. Rachid Benzine met des mots, un visage et un corps sur la révolution des pays arabes, sur leur asservissement à un pouvoir toujours plus corrompu et tout particulièrement à l'écrasement du peuple, celui dont la foi n'est pas vindicative.
La femme, c'est elle qui trinque. La victime d'un gouvernement, des gouvernés et de la violence de tout un état.
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C'est le deuxième livre que je lis de cet auteur, et encore une fois un livre dur mais puissant par le message qu'il délivre.

L'auteur nous plonge dans le Printemps arabe avec le personnage de Nour, cette prostituée qui se bat pour sa vie et celle de sa fille. J'ai retrouvé sa plume pleine de réalisme, politique et directe. En décrivant la vie et les combats, les peurs, les questionnements de cette femme, il ne s'embarrasse pas de fioritures. Il ne cherche pas à embellir ou adoucir la réalité de la vie de cette femme. On découvre un quotidien ponctué de violence, de peur, d'humiliation, de machisme, d'homophobie.
Dans un pays où les femmes doivent se battre chaque jour pour leurs libertés, certaines scènes montrent la limite fragile entre l'objectivation de cette femme, tantôt "humaine" tantôt "jouet" dans les mains de certains hommes.

Un livre qui pousse un cri de liberté, celui d'une femme, mais aussi de toute une génération, qui s'est battue pour sa liberté, pour la liberté.
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Ce court roman se lit comme une longue métaphore. Passé l'ancrage biographique des premiers chapitres, dès lors que les événements passent de toile de fond à fil conducteur, je n'ai eu de cesse de prendre de la hauteur, sous l'impulsion de la plume directe de R. Benzine.
Alors, Nour est devenue Tunis, puis la Tunisie, puis le monde arabe. Son corps de prostituée a incarné symboliquement un peuple tout entier, vivant de ce qu'il peut, jouant avec le feu pour survivre, la peau souillée mais le coeur pur et la tête pieuse. Ses clients, tour à tour brutaux, sentimentaux, dominants toujours et souvent perdus dans leur identité sexuelle, sociale, spirituelle, des apparatchiks corrompus, de pauvres hères habitués au joug de la dictature, des opportunistes libertaires le lundi, intégristes le mardi, aimant les hommes la nuit et homophobes le jour, sont autant de facettes de ce peuple phallocrate.
Et Nour s'éprend de Slimane, le poète homosexuel, prostitué lui aussi et étendard de la révolution. Mais leur amour, pour sincère et profond qu'il soit reste platonique, comme si ce pays ne pouvais encore que rêver sa liberté, la caresser chastement sans jamais la consommer vraiment. Car ici le printemps demeurera infécond et la révolution s'en tiendra à son sens céleste de retour du même. Pourtant, le mouvement est amorcé et bientôt peut-être se changera-t-elle en évolution.
La langue de Benzine est crue et poétique, les personnages pathétiques et flamboyants, les actes, tristes et plein d'espoirs. Il nous offre une lecture violente lucide, sans jamais sombrer dans la désespérance.
Bref, je recommande +++ cette lecture aussi puissante dans le fond que facile dans la forme.
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