Un livre très court (à peine 80 pages) mais un livre choc, bouleversant, qui nous entraîne inexorablement dans un voyage au bout de l'enfer.
Rachid Benzine, écrivain et islamologue, se met à hauteur d'enfant pour raconter l'horreur et sensibiliser le lecteur au sort des enfants de djihadistes injustement "oubliés" dans des camps de la mort en Syrie ; ils s'y entassent dans des conditions abominables pratiquement sans aucun espoir de rapatriement.
C'est l'histoire d'un petit garçon de 8 ans, Fabien, bon élève de CE2 à l'école
Jacques Prévert de Sarcelles. Heureux de vivre, il aime sa famille, ses copains de toutes origines : Ariel, Bakayoko, ...., il se passionne pour le football et les joueurs de l'équipe de France, mais surtout il est épris de poésie. Il écrit lui-même de nombreux
poèmes, que son instituteur, Monsieur Tannier, l'invite à réciter devant toute la classe. Son jour de gloire est pour demain ! Hélas, ce jour ne viendra jamais. Les parents de Fabien, fraîchement convertis à l'islam, ont cédé aux discours utopiques de Daesh et décidé d'aller combattre en Syrie. Un long voyage les conduit tous les trois à Raqqa, sensé être le paradis tant rêvé de l'Etat Islamique.
Fabien, devenu Farid par la force des choses, raconte avec ses mots d'enfant et son regard innocent l'arrivée de sa famille, pleine d'espoir, au camp d'entraînement de Daesh, leur adaptation puis la dureté des conditions de vie, l'embrigadement, la violence quotidienne, la peur, la guerre, la mort... Pire encore sera le camp d'internement de al Hol, en Syrie kurde dont les conditions l'insalubrité et d'inhumanité dépassent l'imaginable.
Roman poignant, puissant, écrit à la première personne du singulier, avec réalisme et poésie. le style est simple, concis mais incisif. On sent à travers les mots de Fabien son innocence et son incompréhension devant les violences et les atrocités qui l'entourent. Pourquoi un tel déferlement ? Quels sont les enjeux ? Et comment des adultes peuvent-ils entrainer des enfants dans des conflits qui les dépassent ? Jusqu'où ira l'espèce humaine dans une telle monstruosité ?
On admire la force de Fabien, qui conserve aussi longtemps qu'il le peut une part de rêve et d'imagination et qui s'échappe par la poésie.
Un remède contre la violence et le fanatisme.