Citations sur Gabriële (129)
Cette femme déplace des montagnes pour les autres mais il lui manque la force de pousser une porte pour elle-même.
L'histoire de l'art est faite de passions, de trahisons, d'amitiés déçues, d'hommes et de femmes malheureux en amour. L'histoire de l'art est faite d'une semence vitale, à l'image de ce tableau offert en 1946 par Marcel Duchamp à la femme dont il était amoureux, un tableau intitulé Paysage fautif qui est un jet de son sperme sur une bande de satin noir.
« Picabia se drogue et travaille, de jour comme de nuit, avec une Gabriële au ventre arrondi, comme penchée sur son épaule. Une sorte d’oiseau de compagnie si intelligent qu’il fait parfois un peu peur. Elle commente, il questionne ; il essaie, elle interroge. Ils habitent ensemble un intéressant royaume, leurs esprits s’agencent en d’innombrables pièces qu’ils visitent, excités, comme on court, grisés, dans des lieux interdits. (…) Ils débordent l’un sur l’autre, le cerveau de Gabriële apparaissant comme un réservoir de matière à étaler sur la toile. »
Un autre tabou.
Quand Francis Picabia est mort en 1953, Vicente, le dernier fils du couple Picabia, était déjà enterré dans le caveau familial depuis six ans. Si bien qu'il n'y avait plus de place pour mettre le corps de celui qui avait été son époux. Sans aucun état d'âme, Gabriële a alors fait exhumer le corps de son fils pour mettre celui de Francis à sa place. Pourquoi? Parce que, même après trente-cinq ans de séparation, Gabriële préférait Francis à tout autre homme sur terre, fût-il son fils.
Le corps de son fils Vicente, un pauvre corps, éternellement jeune, déplacé, nié.
Notre grand-père;
Ils partagent en effet cette intuition que l'art ne peut se réduire a une conception de la vie mais EST la vie
(...) car au fond, qu'importe le vrai du faux, du moment qu'il est poétique.
Marcel [Duchamp] ne s'alignera sur aucune doxa. Pour lui comme pour Francis [Picabia], en 1912, la peinture est déjà un pont vers l'ailleurs, elle n'est pas une fin, encore moins un sujet à étiquette. le jeune homme de 25 ans, encore abrité par ses frères au sein du groupe de Puteaux, va larguer les amarres. (p. 182)
Soudain, le fantôme de se grand-mère semble se tenir devant Gabrïele pour lui poser cette question désagréable : " Tu crois avoir accepté, en toute conscience, d'être l'outil d'un autre. Mais en vérité, ne serais-tu aps tombée en esclavage ? " Et Laure de Jussieu disparaît, laissant Gabrïele tourmentée. La réponse n'est pas toujours claire. Certains jours, elle se sent remplie de cette satisfaction que ressentent les hommes de l'ombre qui conseillent les chefs d'Etat. D'autres jours, elle se sent une femme, c'est-à-dire moins qu'un homme. (p. 150)
- Quand j'essaie d'imaginer Picabia enfant, je le trouve inquiétant. Trop précoce, trop triste, trop seul. Gabrïele , quand je l'imagine, elle est encore plus inquiétante, parce que je pense que c'était une petite fille trop forte. Une substance armée. Comme nous leur redonnons vie dans ce texte, j'ai l'impression qu'ils m'appartiennent, que ce sont mes enfants. Qu'il faut que je les prenne en charge et que je les comprenne. Qu'il faut que je les aime (p. 87)
Comme toutes les femmes enceintes pour la première fois, Gabriële se mange son enfance en pleine figure. Attendre un enfant oblige à interroger l'enfant qu'on a soi-même été. Pour l'éloigner un bonne fois pour toutes. Faire place nette à celui qui arrive.