Pendant les vacances, je passais régulièrement devant le restaurant « Paul et Virginie » de Wimereux, ce qui, inconsciemment, a provoqué en moi l'envie de découvrir cette histoire mythique. J'avais ces deux jeunes héros en tête, au même titre que d'autres couples maudits imprimés dans la mémoire collective, tels que Roméo et Juliette, Tristan et Iseult, Ulysse et Pénélope ou Colin et Chloé. Ces prénoms que le souvenir ne restitue que réunis à jamais en deux rimes indissociables. Mais du récit de Bernardin de Saint-Pierre, je ne connaissais pas grand-chose, je dois bien l'avouer.
Il y a certainement différentes manières d'aborder ce livre. On le présente souvent comme un « roman d'amour », alors qu'à mon avis, on ne peut le limiter à cette définition. Ce serait plutôt un roman pastoral, qui associe nature, religion et amour ( et plus une réflexion sur l'amour naissant, sur la puberté, sur le tourment, que sur l'Amour), et dont on devine dès les premières lignes une issue tragique.
Au passage, j'ai noté que Bernardin de Saint-Pierre a eu deux enfants de son premier mariage, appelés Paul et Virginie. Étonnant ! D'un deuxième mariage, il aura un fils, mort à 3 ans, qu'il baptise modestement Bernardin...
Le livre a été édité en 1788, aux portes de la révolution, à une époque où l'esclavage est une évidence depuis deux siècles, où l'aristocratie est dominante. Bernardin est un disciple de Rousseau, au moment où Les Lumières s'interrogent sur la tolérance, la liberté et l'égalité.
Que raconte ce très court récit d'à peine 139 pages qui se déroule vers 1740 ?
Paul et Virginie sont élevés comme frère et sœur, comme des jumeaux, par Marguerite et Mme de la Tour, deux mères monoparentales ayant fui l'Europe. Lui est un enfant adultérin, un enfant "sans naissance"; elle est bannie de sa riche famille française. Ils vivent sur l'Isle de France, future Maurice. L'existence est rude sur cet Éden tropical. La vertueuse famille travaille de ses mains, reste humble et est altruiste. Virginie, qui n'a qu'une douzaine d'années, se dressera courageusement contre la violence de l'esclavagisme. Les deux jeunes gens grandissent donc dans ce petit "paradis" terrestre, où la famille vit en autarcie, loin d'une société injuste et corrompue. « Il y avait alors tant de bonne foi et de simplicité dans cette île sans commerce, que les portes de beaucoup de maisons ne fermaient point à clef, et qu'une serrure était un objet de curiosité pour plusieurs Créoles. »
Le grain de sable dans cette apparente harmonie viendra de Virginie, qui va sentir naître des sentiments encore confus pour Paul, son frère, son jumeau. Et c'est le moment où elle va tout accepter, où elle va se laisser happer par une cruelle destinée, presque paralysée par une puberté qu'elle ne comprend pas. Elle est tourmentée par cette passion muette, et tellement solitaire et abandonnée, même si « déjà leurs mère parlaient de leur mariage sur leurs berceaux » ! Quand Paul comprendra la déchirure de Virginie, il sera déjà trop tard. Je laisse la fin intacte au futurs lecteurs.
Que penser de ce livre au final ? Je l'ai trouvé très inégal, mais je ne regrette pas de l'avoir lu. Comme l'écrit Jean Ehrard dans sa préface, l'auteur n'évite pas l'incohérence idéologique, n'hésitant franchement pas à se contredire sur la fin. Mais même si le style est désuet, naïf, doucereux et religieusement moralisateur, il reste un formidable reflet de la condition des femmes à cette époque, et une histoire attachante malgré tout. Ce livre se fait aussi l'écho non négligeable d'une pensée pré-1789, et de l'idéologie des Lumières. Mais l'histoire de Paul et Virginie était-elle viable sans une fin tragique ?
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Ce roman n'est pas qu'un divertissement littéraire, témoin d'une époque et d'un mouvement de pensée. Il accompagne heureusement un séjour à l'île Maurice. On retrouve la nature exubérante du centre du pays, les étendues plates avec des pics rocheux qui ponctuent le paysage, les rochers au bord de la mer. Et puis cette idée d'un paradis naturel où disparaissent les différences sociales fait rêver, encore maintenant !
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Ce qui suit est un avis hautement personnel ...
Si je devais le comparer à un livre aujourd'hui, se serait sûrement Twilight avec ses déclarations d'amours naïves et sans fins.
Il se peut que se soit un des grands classiques de la littérature mais il ne le sera pas dans ma bibliothèque.
L'histoire est très jolie, dans un cadre édénique. Une histoire d'amour très particulière, presque incestueuse nous est présentée... pour finir tragiquement.
C'est un livre qui s'apprécie cependant avec une distance de la part de l'auteur. Une distance de temps car nous ne vivons plus à cette époque et nous ne pouvons donc pas tout apprécié comme il l'a été, mais aussi une distance de regard car il faut bien le dire ... il n'est pas simple de s'identifier à cette histoire.
--> A lire comme un grand classique de la littérature.
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