Citations sur L'Arrière-saison (130)
- Voilà votre Southern Comfort. Ça, c’est nouveau. Vous ne buviez que de la bière avant.
- Vous avez une excellente mémoire, dites-moi, Benjamin. Mais que voulez-vous ? Avec l’âge, on prend des habitudes bourgeoises…
Ils s'observent avec tendresse, avec une sorte de gratitude. C'est un regard comme une reconnaissance de dettes. Un regard comme un pardon aussi , pour la douleur ou pour le manque. Un regard comme un regret enfin, de ce qui a été, de ce qui aurait pu être
Depuis l'annonce par Norman qu'il va se séparer de sa femme, qu'il va mettre un terme à ce fabuleux mariage qui tient depuis huit années, Louise attend que cela se produise. Puisqu'on lui a gentiment offert cette perspective, elle attend de la voir se concrétiser. Et l'impatience l'a vite gagnée. Nous sommes ainsi faits : une fois qu'on nous a indiqué quel cadeau nous allons recevoir, nous ne brûlons que d'une seule envie, c'est de le recevoir, et au plus vite, même si la date de l'anniversaire est encore lointaine.
On se tait parce qu'on ne sait pas faire autrement, parce qu'on est fabriquée comme ça, parce que c'est une fatalité à laquelle on n'échappe pas. On se tait parce qu'on n'a pas le courage de recoller les morceaux brisés, parce qu'on admet qu'on a perdu et que toute reconquête ne serait que provisoire et illusoire. On se tait parce que les larmes, ça coule sacrément mieux dans le silence.
En fin de compte, les souffrances font partie de l’existence, elles valent cent fois mieux que des moments insipides, elles sont le prix à payer pour affirmer ce qu’on est et accomplir ce qu’on a décidé.
C'est un regard comme une reconnaissance de dettes. Un regard comme un pardon aussi, pour la douleur ou pour le manque. Un regard comme un regret enfin, de ce qui a été, de ce qui aurait pu être.
Il essaye de comprendre comment deux jeunes gens, flamboyants et amoureux, dans l'appétit de leurs vingts ans et un peu plus, sont devenus ces trentenaires peut-être aigris, en tout cas amers, et qui, sans l'avouer, se consument dans le douloureux regret de ce qu'ils ont été.
Il est beaucoup trop tôt pour s’engager sur quoi que ce soit. L’important, c’est l’instant, sa fragilité et son intensité.
Donc, au début, elle sourit. C'est un sourire discret, presque imperceptible, de ceux qui se forment sur le visage parfois, sans qu'on le décide, qui surgissent sans qu'on les commande, qui ne semblent reliés à rien en particulier, qu'on ne saurait pas forcément expliquer. Voilà : c'est un sourire de presque rien, qui pourrait être le signal du bonheur.
Stephen a appelé Benjamin par son prénom de baptême dès que ce dernier, qui, ce jour-là, devait être impressionné pour décliner de la sorte son identité, s'est présenté à lui et n'a plus varié. Il a toujours tenu en horreur les diminutifs ou les surnoms, toujours estimé qu'on devait respecter le choix qu'avaient opéré les parents à la naissance de leurs enfants. Cela fait sans doute de lui quelqu'un de vieux jeu mais il s'en fiche. Il croit que la fidélité à l'état civil n'empêche pas la familiarité, mais qu'elle préserve d'une forme de vulgarité. Personne ne l'a contredit sur ce point. On a fini par s'habituer à cette incongruité, à ce snobisme, qu'on aurait tort d'assimiler à une distance de classe, à un mépris: c'est, au contraire, à n'en pas douter, une marque d'affection. Ben entend son véritable prénom pour la première fois depuis cinq ans.