AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,93

sur 21 notes
5
2 avis
4
4 avis
3
0 avis
2
0 avis
1
0 avis
Mongo Beti, à cause de ses idées dans « Main basse sur le Cameroun, » fut obligé de s'exiler en France, où il a subi la censure. Il continuera à écrire, sur la mort de Ruben Um Nyobé, en particulier, sera professeur agrégé de lettres latin/ grec à Rouen, et finalement rentrera dans son pays en 1991.
« Dans une société taillée à coups de serpe par la violence et au bénéfice de la mafia en place et surtout de ses parrains lointains, survie et probité étaient inconciliables. », dit-il dans « Trop de soleil tue l'amour ».

L'histoire, pour aller vite, est un enchainement de malheurs qui adviennent à Zam : vol de ses CD de jazz, découverte d'un mort dans son appartement, explosion d'un autre appartement, morts diverses, dont personne, au final, ne se soucie, la police ayant pour mot d'ordre absolu de ne pas faire d'enquête, le tout arrosé de whisky de contrebande, puis disparition de son amie,..
Qu'a fait le journaliste Zam pour mériter ça ? Il a dénoncé « les spoliations foncières subies par des communautés villageoises au bénéfice de grands du régime ou de firmes étrangères d'exploitation forestière que le gouvernement protégeait moyennant rétribution ».
Cependant, même avec la pensée de Mongo Beti en arrière plan, et de constantes références aux meurtres de Felix Moumié, de Lumumba, de Sankara , à la corruption généralisée, à cette Françafrique que nous connaissons, « Trop de soleil tue l'amour » n'est pas qu'une dénonciation. Ce serait plus un roman- feuilleton où rebondissements, péripéties de Zam, personnages hauts en couleur,( il faut imaginer les vieux édentés qui ont quatre femmes, plein d'enfants, et dont les filles n'ont qu'un recours : se prostituer, pour survivre), hypothèses farfelues, autodérision , la faim comme arme politique, votez pour moi, je vous donne un gigot, s'enchainent sur fond de brûlot politique « en passant »,
(Rebondissements, et aussi quelques longueurs, selon moi ).

Il a aussi pour objet une cocasse utilisation des expressions françaises utilisées à bon escient : « pédaler dans le couscous, coup de pied dans la fourmilière, mettre le feu aux poudres, prendre les choses en main, si l'on peut dire, entamer le parcours du combattant de la procédure légale, crever la gueule ouverte, ainsi que du parler local lié bien sûr au monde des villageois ;

Parmi les protagonistes, Eddie, mi avocat, mi voyou, a connu un « très beaucoup »traumatisme terrible, nous dit avec ironie Mongo Beti : rapatrié par charter , de par les lois Pasqua. Il envisage d'écrire un livre : « y a-t-il une vie après le charter ? » et essaie de soudoyer un policier en l'invitant dans un circuit ( gargote tenue par des veuves ).

Et puis, le toubab, qui vient « de traverser les mers » pour arriver en ce pays (que Mongo Beti par prudence, ne nomme pas Cameroun)le blanc qui essaie de s'intégrer : c'est sûrement un barbouze, il est chauve, un gros ventre qui ressort de sa chemise à fleurs, et il veut tout savoir sur ce qui se passe.

Pour apprécier tout le sel de ce « parler français et africain » ( sic!!)), quelques exemples savoureux :

Et vous, les Français, vous voulez faire la recolonisation maintenant ?
Tu es même comment ? … Qui t'a même appelé ? Qui t'a même demandé quoi ? Qui t'as demandé ta bouche même ?
Ekyié, on fait quoi comment, même ?
Mouf !( fous le camp)

Conclusion réaliste du livre : plutôt que des élections douteuses, qui risquent de poser des problèmes car » il ne faut pas oublier Amnesty International, le Fonds monétaire international, la Banque mondiale son acolyte, et puis le Parti socialiste français, le parti travailliste britannique, les Verts du monde entier, les journaux étrangers »…. mieux vaut ajourner les élections et déclarer le président élu à vie.

C'est plus sain, plus démocratique.
Commenter  J’apprécie          5210
Peut-on écrire un roman drôle sur la dictature et la violence, sur l'injustice sociale et l'insécurité qui en sont les conséquences? Peut-on dénoncer par le rire l'exploitation et la corruption? Peut-on aimer d'amour une pute? Si vous voulez trouver des réponses à ces questions, armez-vous de vos meilleurs CD de jazz, de vos meilleures bouteilles de Bordeaux, de Cognac et de Whisky et lisez Trop de soleil tue l'amour!
Commenter  J’apprécie          160
Zam travaille pour un journal indépendant, pas forcément tendre avec le président en place, ce qui peut se révéler quelque peu dangereux étant donné la nature du pouvoir, à forte tendance autocratique. En dehors de cette vie professionnelle engagée, il mène une vie assez tranquille en compagnie d'une bouteille de vin ou de whisky, écoute du jazz, se dispute comme un chiffonnier et se réconcilie avec l'élue de son coeur.

Zam n'est pas le plus virulent, loin de là, mais quelqu'un finit tout de même par s'intéresser d'un peu trop près à lui : on lui vole ses précieux disques de jazz, un cadavre est retrouvé dans son appartement, et il s'aperçoit qu'il est régulièrement suivi en voiture. le journaliste réveille alors tout son réseau de connaissances pour comprendre ce qui lui arrive.

Le ton du roman est assez aigre pour décrire le Cameroun post-colonial. Les espoirs de démocratie se sont rapidement envolés devant les réalités de la vie quotidienne : corruption, clientélisme, parti unique soutenu d'ailleurs par les mêmes puissances qui prônent des élections libres pour éviter de perdre l'exploitation de ressources durement acquises.

De tous les personnages du roman, Zam est celui qui m'a paradoxalement intéressé le moins. Son ami avocat, d'abord épris de grands idéaux mais qui a tourné au cynique, est nettement plus haut en couleur à mon avis. Quelques personnages secondaires, comme le policier livré à lui-même pour obtenir de quoi manger, ou le politicien haut placé, sont particulièrement piquants aussi.

Même si le rythme est parfois en dents de scie, j'ai plutôt apprécié ce roman, surtout pour ces tirades sur la passation de pouvoir. J'ai déjà vu à la bibliothèque que ce roman a une suite, je ne manquerai pas de me la procurer.
Commenter  J’apprécie          160
Ce n'est pas le côté policier qui fait la force de ce roman même si c'est la trame qui sert à nous faire découvrir une vue politique et sociale du Cameroun.

Zam, journaliste et amateur de jazz, est le pivot central du roman. C'est parce qu'il arrive des tas d'ennuis à Zam que l'on voit le duo police /pouvoir dans ses oeuvres.

Corruption, violence, manipulation la démocratie n'est pas encore tout à fait en vue. S'y ajoute des comptes non soldés avec la France , ancien pays colonisateur, qui reste néanmoins un acteur, en arrière fond, du pays .

La place des femmes y est remarquablement décrite, dernière roue du carrosse, leur corps comme seule outil pour "chopper" le toubab, utilisées, vendues encore gamines . le sexe est triste dans ce roman dans ce roman noir où même l'alcool n'apporte pas une lueur de joie.

Un roman parfois un peu confus mais qui laisse une empreinte forte.
Lien : http://theetlivres.eklablog...
Commenter  J’apprécie          130
Trop de soleil tue l'amour est un des romans policiers africains les plus connus et parmi les plus significatifs du genre. Les thèmes abordés, superficiellement ou de manière approfondie - la dictature, les politiciens véreux, l'injustice sociale, l'insécurité, la violence, la débauche, l'alcoolisme, l'exploitation, les trafics divers… - servent de toile de fond à des aventures échevelées mettant en scène Zam, un jeune journaliste idéaliste, un peu alcoolo et féru de jazz, sa petite amie Bébête aux mérites peu reconnus et Eddie, « émigré sans papiers rapatrié de force par charter », pseudo juriste fort en gueule mais plein d'intelligence et de ressources…

Zam n'a pas de chance, alors qu'il prépare une série d'articles sur la déforestation et les spoliations foncières dont sont victimes des communautés villageoises, il est surveillé, filé, accusé de tous les maux et de tous les crimes. Ceux qui lui en veulent vont jusqu'à dynamiter l'immeuble dans lequel il a trouvé refuge avec sa belle, mais cela ne suffira pas à lui faire rendre les armes : après tout, selon l'exemple de Rosa Parks refusant de laisser sa lace à un blanc dans un bus de Montgomery, si on ne fait pas quelques chose, rien ne se passe.

La charge est forte et l'auteur laisse peu de place aux espoirs de démocratie dans un pays où la corruption, le clientélisme et le népotisme sont la norme et où prévalent parti unique et président élu à vie (pour mémoire, Paul Biya dirige le Cameroun depuis 1982 après avoir été Premier ministre de 1975 à son élection). Zam, en subira les conséquences et paiera cher, tout comme Eddie, son ami « avocat », épris de grands idéaux mais rapidement tourné cynique. On retiendra également quelques personnages secondaires, plus ou moins reluisants, comme PTC, le directeur du journal, Norbert, « flic amateur d'extras », Georges, le toubab néo-colonialiste manipulateur et pervers, enfin un politicien haut placé, un « grand », courroie de transmission des pratiques locales. Seule Bébête, personnification de la femme africaine à qui l'éducation a fait défaut et que la pauvreté a réduite au rang de victime, émerge de façon positive.

Trop de soleil tue l'amour souffre d'un rythme irrégulier et d'une écriture qui hésite parfois entre le français académique et un argot - celui d'Eddie en particulier – un peu incongru. Comme si l'auteur avait souhaité éviter la couleur locale du « français africain » que les auteurs d'aujourd'hui privilégient. On retiendra par contre une galerie de portraits pertinents et de belles digressions sur une certaine réalité africaine, celle de l'injustice sociale, de la violence et de l'insécurité, voire de la perversion.

Lien : http://www.polars-africains...
Commenter  J’apprécie          90
Génial. Je l'ai eu en Français en seconde ce coco mais n'ai lu un livre de lui que quinze ans plus tard.
Commenter  J’apprécie          70
En refermant ce livre je me suis demandé s'il ne manquait pas quelques pages à mon exemplaire. Mais non, il est complet, et pourtant il reste beaucoup de questions dont je n'ai pas la réponse. Je sais qui a causé tous ces tourments au pauvre Zam et pourquoi, mais qu'est devenue Bébette ? Qui est ce mystérieux homme à la saharienne de bonne coupe, et quid de son immense domaine ? Quelles activités secrètes s'y déroulent ? Quid de Georges ? J'aime bien la verve délirante de l'auteur comme dit la 4ème de couverture mais, même si on devine certaines des réponses, j'aurais aimé aussi un peu d'explications à la fin de l'histoire, pour avoir à la fois le style et le contenu.

A la lecture de ce livre, on comprend pourquoi Mongo Beti a eu des problèmes avec la censure. Il n'emploie jamais le mot "gouvernement", lui préférant toujours le mot "dictature". Il est très sévère à la fois avec son pays le Cameroun et avec la France, décrivant l'un comme soumis et l'autre comme colonisateur malgré la soit-disant indépendance de 1960. le parti au pouvoir est pourri, les opposants sont des guignols, Mongo Beti distribue les mauvais points à tout le monde. Les scènes de campagne électorale sont éloquentes, le candidat fait un discours rapide, puis apporte ensuite force bouteilles et nourriture pour que le bon peuple se régale aux frais de la princesse. "La bouche qui mange ne parle pas". Qui va voter contre après ça ? Personne.

Toujours d'après l'auteur les riches sont tous des pourris "Au-dessus du million de dollars, pariez sans aucun risque que toute fortune découle d'une rapine", et les flics le sont tous également. Là, pour ceux qui connaissent, c'est sans doute pas loin de la vérité. Au Cameroun il arrive qu'un policier prête son costume à un ami le soir pour que celui-ci aille racketter quelques automobilistes et partage en revenant. J'aime bien quand le flic déclare "dans notre police, on ne fait jamais d'enquête ; c'est même interdit. Chaque fois qu'on fait une enquête, on tombe immanquablement sur un grand". Je dois dire que ça m'a rappelé des souvenirs ...

Je n'ai pas aimé la manière dont il parle des femmes. Dès qu'il y a le mot "femme" dans une phrase, il y a aussi le mot pute, il est employé à tout va tout au long du livre. Zam insulte sans arrêt Bébette lorsqu'il est bourré, c'est à dire presque tous les jours. Quand l'auteur dit "La chasse à l'amoureux blanc est le sport préféré de nos jeunes filles", là rien à dire, il faut reconnaitre que c'est bien vrai. Mais des phrases telles que "Il n'y a que le fric qui les branche" "Même un lépreux a sa chance, pourvu que son moignon agite un billet de banque", c'est trop, surtout qu'aucun propos ne vient contrebalancer ces déclarations.

Ce roman est écrit dans un style très vivant et très authentique. A la lecture on entend les dialogues comme si on était sur place. Toutefois l'auteur fait bien attention à ce que le texte reste compréhensible par tous. Il emploie des expressions locales expurgées des mots qui poseraient problème, et il réussit très bien ce subtil mélange d'authenticité et d'accessibilité au plus grand nombre. J'adore le "Qui a demandé ta bouche même ?"

Trop de soleil tue l'amour est un roman sévère mais authentique, distrayant, avec une fin plus élaborée ce serait parfait.
Commenter  J’apprécie          30


Lecteurs (140) Voir plus



Quiz Voir plus

L'Afrique dans la littérature

Dans quel pays d'Afrique se passe une aventure de Tintin ?

Le Congo
Le Mozambique
Le Kenya
La Mauritanie

10 questions
289 lecteurs ont répondu
Thèmes : afriqueCréer un quiz sur ce livre

{* *}