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Critiques filtrées sur 5 étoiles  

Le chapitre d'ouverture nous conduit à l'hôpital militaire de Desgenettes, ( Lyon), au chevet d'Antoine, jeune soldat, dans un état comateux. Les visites qu'il reçoit se limitent à celles de sa mère et de Théo, son ami d'enfance. Scènes touchantes de les voir tenter de faire réagir le malade en le touchant, lui parlant.

D'un côté le huis clos de la chambre «  au mur gris », la douleur, la souffrance, la musique de Johnny sur laquelle Théo danse. A l'extérieur des militaires rejoignant le kiosque pour une répétition de la fanfare.

Théo, de la fenêtre de la chambre, se laisse ensuite distraire par des grutiers en difficulté, plein d'admiration pour cette fille «  qui dévale la grue comme un chat ». le narrateur aiguise notre curiosité en précisant que «  Théodore ne sait pas encore que sa vie bascule ». Mais le rythme s'accélère après la rencontre avec la fille à la mobylette, à la conduite sportive. Celle-ci propose à Théo de le conduire à la foire de la Beaucroissant. On suit leur échappée jusqu'au soir à la fête du lac de Paladru.
Une liaison amoureuse naît, gauche pour Théo ( 18ans) qui confesse sa première expérience : «  Ils sont aux abois, ne sachant rien..» de l'amour.
Le romancier explore les corps dans tous ses états.
Assez inattendue la séquence où Théo s'autorise à se «  pignoller », trahi par son corps, découvrant « un plaisir fugace » . Puis c'est les balbutiements des étreintes avec Mila (21ans), l'éveil du désir charnel. Plus fusionnel avec Marianne, la mère d'Antoine, veuve qui sait que « la vie n'attend pas », et se montre insatiable.
Théo va vivre une parenthèse intense dans le cabanon de la Ciotat avec Marianne.
Ils se touchent, se frottent, se caressent, s'étreignent, se désirent.
le vertige les étourdit. Ils se disputent, se quittent, se rabibochent.
Mais est-ce vraiment cela l'amour,vient à s'interroger Théo.

La météo revêt son importance, cet orage qui gronde, ce ciel menaçant, «  d'ébène », renvoie à l'accident dont fut victime Mila.


Yves Bichet nous replonge dans un pan de l'histoire avec la guerre d'Algérie et ses dégâts collatéraux. Sont évoqués les attentats, dont celui contre De Gaulle.
le mot « guerre » scande le début du récit, comme un leitmotiv, il fait peser le poids de la menace. Son héros, Théo, traumatisé de voir son ami dans cet état végétatif, va tenter des ruses lors du conseil de révision, avec la connivence de son père . Il est révolté par cette absurde guerre, qui fracasse la jeunesse, les « envoie au casse-pipe ». de plus tombé amoureux, il veut vivre cet amour absolu. Comment échapper à l'armée ? le narrateur nous embarque dans une cavale éperdue, Théo à la merci de passeurs, renouant avec Mila, abandonnant Marianne. Et des parents inquiets à qui Théo fait gober un chapelet de mensonges. le traqué devient le traqueur.
L'auteur, à travers Théo l'insoumis,antimilitariste, aborde la question des objecteurs de conscience. Il rappelle que ce n'est que le « 23 décembre 1963 que l'Assemblée Nationale adopte le statut. D'où ces vies clandestines et l'existence de passeurs pour conduire en Suisse ces déserteurs.
Il aborde une autre question très polémique : l'acharnement thérapeutique. Quel avenir pour Antoine ?

L'auteur semble affectionner les personnages aux vies clandestines, d'errance, sans domicile fixe. Dans L'homme qui marche on suit un chemineau et Robert qui ont besoin de nature, du clapotis de l'eau du murmure du vent, comme Mila et Théo contemplatifs du lac de Paladru ou du Mont Blanc. Ses personnages font l'amour dans des lieux improbables. Dans le porteur d'ombre, le nid d'amour est une éolienne, dans Indocile c'est une grotte. Autre point commun supplémentaire, le personnage accusé de meurtre est en fait innocent, mais se sacrifie pour un autre.
On croise dans les romans d'Yves Bichet des personnages au bord du gouffre, impliqués dans des imbroglios sidérants. Il y décline l'art de prendre le large.

Yves Bichet a l'art de peindre les paysages traversés, les lieux avec une précision dans le détail des plus étonnantes. Que ce soit la chambre d'hôpital, la caravane de Mila remplie d' objets hétéroclites, le travail de typographe, les attractions de la fête foraine, le récit des efforts des grutiers pour redresser cette grue qui penche comme la tour de Pise. Tout est minutieusement décrit. On devine un connaisseur des chantiers, des banlieues industrielles, qui sait aussi voir la beauté et la poésie des choses.
Le récit est rendu haletant par la profusion de verbes d'action. Variation des pronoms : on passe du narrateur relatant à la 3ème personne ( il, elle) au protagoniste ( je et tu).

Le romancier va ravir, émouvoir les fans de Johnny Hallyday, en immortalisant certaines de ses chansons. le mange-disque avale le 45-tours et "les notes de Retiens la nuit" s'égrènent » avec l'espoir de voir Antoine réagir. Sur le champ de foire, c'est Douce violence que Johnny claironne. Théo fait vrombir le moteur en « chantant à tue-tête » Souvenirs, souvenirs.

Yves Bichet signe un roman d'apprentissage tumultueux, mettant en scène deux adolescents qui découvrent l'amour sur fond de guerre d'Algérie.Leur liaison amoureuse engendre de multiples rebondissements. Coups de théâtre au cours de la désertion de Théo. Les protagonistes passent par la case prison.
L'auteur décortique la traversée du désir chez Théo, « au coeur d'artichaut », paumé, déboussolé, qui ne sait pas choisir entre Marianne et Mila, ce qui alimente un suspense en continu. Pas facile de savoir qui gagnera le coeur de Théo.
Yves Bichet déploie une écriture très cinématographique.
On referme ce roman complexe bien secoué et l'auteur de nous questionner : «  Théo, en fuyant l'appel est-il lâche ou courageux » ?
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J'attends toujours la sortie des romans d'Yves Bichet avec intérêt, car je ne sais jamais où il va m'embarquer, mais je sais que je vais être surpris. Indocile est le 4e roman que je lis de lui, et je peux dire que je ne suis pas déçu.
La similitude entre tous ses personnages, c'est le décalage. Ils n'entrent pas dans le moule social, dans la catégorie des tièdes, des insipides. Chaque fois, par cette forme de marginalité, il révèle les aspérités de notre société.
Après l'homme qui masturbait les dindons (La Part animale), celui qui marchait sur les pointillés rouges de la frontière (L'Homme qui marche) et ces retraités déjantés (L'Été contraire), voici Théo et Mila, deux ados sur le seuil de l'âge adulte qui doivent apprendre à gérer leurs sentiments, leur corps et leur place dans la société d'une façon instinctive, sans mode d'emploi. Ce n'est pas Marianne, qui pourrait être sa mère, qui va l'aider, ni Antoine, le fils de cette dernière et ami de Théo, qui agonit sur son lit d'hôpital suite à un accident en Algérie. Ces deux jeunes sont paumés et s'improvisent amoureux, tout en se cherchant et en se conjuguant au futur, temps qu'ils n'ont pas l'habitude d'employer.
Outre ce thème, c'est aussi un regard sur la guerre d'Algérie avec ses combats, ses morts idiotes, ses attentats en France, la prise de position des journalistes, sur l'objection de conscience des jeunes qui ne veulent pas aller à une guerre qui ne les concerne pas et qui n'en porte pas le nom. D'ailleurs, Théo, qui refuse de partir, ne met pas de mots politiques sur cette décision, ce n'est pas une question d'objection de conscience, mais un choix simple, intuitif.
Et puis, il y a l'écriture d'Yves, étonnante, captivante. Il arrive, par la mise à la marge de ses personnages, à nous recentrer, sans pour autant nous identifier forcément à eux. Par la complexité qu'il donne à leurs tourments, il dénoue certains troubles intérieurs.
Yves Bichet est peut-être lui aussi à la marge des écrivains contemporains. Pas de recherche de notoriété, pas de surmédiatisation, au grand dam de son éditeur certainement, mais une envie d'écrire fougueuse, profonde et légère à la fois. On est dans l'utopie, dans la solidarité. C'est un roman assez sombre malgré ce qu'il disait à propos de L'Été contraire ("La morosité me casse les pieds"), dans une forme de morosité. C'est là l'intérêt de la diversité des sujets et contextes abordés par l'auteur, une remise à plat à chaque titre, une prise de risque, pour construire un ensemble dont nous ne connaîtrons la forme qu'à la fin, a contrario de nombreux auteurs prolifiques…
Lien : http://dominiquelin.overblog..
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Très beau livre. Une écriture sensuelle et poétique. Un très bon cru 2017 pour Yves Bichet!
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Ce roman se distingue outre le récit lui même, par une sensibilité descriptive fouillée de l'évolution psychique des personnages jeunes. La belle maîtrise du verbe, la marginalité sociale de Théo et Mila; ainsi qu'une croissance de l'intrigue sur fond historique, atteint son but en tenant le lecteur captif.
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Je viens de terminer "Indocile", le dernier roman d'Yves Bichet paru fin août au Mercure de France. Je n'avais lu auparavant que "La Part animale" de cet auteur, un premier ouvrage qui m'avait déjà étonnée il y a quelques années.
Indocile est plus surprenant encore, un extraordinaire plongeon dans l'adolescence et ses dilemmes, ses failles, ses combats, sa soif d'absolu, ses intrigues amoureuses sur fond de guerre d'Algérie. A lire. C'est vraiment très bien.
C. Clanche

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Je viens moi aussi de terminer ce roman singulier, très prenant, très sensible, qui nous plonge dans les vertiges de l'amour à la sortie de l'adolescence au début des années soixante, alors que la guerre fait rage en Algérie et que la mort rode aussi en métropole. Malgré tout c'est l'amour (très charnel) et la soif d'absolu qui gagnent au bout du compte. le livre est haletant et particulièrement bien écrit. La scène finale est très étonnante. Je conseille fortement cet ouvrage. Je me suis régalée. Je vais essayer de lire d'autres romans de cet auteur.

P.M.
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Je viens de terminer le nouveau roman d'Yves Bichet: Indocile.
Un très beau livre, abordant le thème de l'adolescence, une adolescence confrontée à la présence de la guerre:la guerre d'Algérie. Car nous sommes en 1961, L'Histoire est là en toile de fond, mais la problématique est de l'ordre de l'intime avec la découverte du corps, de l'amour.
Un livre à découvrir.
Carmine
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