Et qui oserait dire que ce monde d'idéal à peine touché par les artistes de Ukiyo-yé, si ce n'est dans des travestis humoristiques, ne participe pas d'une façon absolue de la vie du japon réel? Et tout juste comme l'élément spirituel a joué un rôle prépondérant dans la formation du Japon de nos jours et même dans celle de la populace japonaise, de même que cet élément a produit des fruits de toute première qualité qui ont suscité l'admiration du monde entier, de même aussi on retrouve dans la peinture des écoles classiques une élévation de style, une subtilité, une distinction exprimée jusque dans le maniement du pinceau à laquelle le meilleur des Ukiyo-yé demeure étranger.
L'école des Kano remonte au XVème siècle et subsiste encore de nos jours. Elle peut à juste titre revendiquer la première place parmi les grandes écoles de la peinture japonaise, car, plus que toute autre, elle s'est montrée capable d'absorber des éléments nouveaux et même de créer des mouvements destinés à devenir des traditions indépendantes. De toutes les écoles, elle est la plus compréhensive, la plus souple, la plus variée, douée de la plus puissante vitalité.
Aussi, quand nous suivrons l'évolution de l'école des Kano, retrouverons-nous l'idéal et les méthodes de la peinture japonaise représentés avec une abondance que n'offre l'étude d'aucune autre école. D'autres écoles, sans doute, ont excellé dans un sens ou dans l'autre; mais Kano reste le point central, l'expression la plus compréhensive du génie pictorial japonais. Et c'est du sein d'une simple famille que s'éleva cet essor!
Signalons encore un autre point de ressemblance entre la Renaissance italienne et la Renaissance japonaise. Ni ici, ni là, le mouvement n'aurait pu atteindre ce degré d'intensité, si les puissants du jour et les grands seigneurs n'avaient été animés d'un grandiose enthousiasme esthétique. Nul de nous n'ignore la dette qu'ont contractée la peinture et la sculpture italiennes envers les mécènes que furent Laurent de Médicis, Isabelle d'Esté, le Pape Léon X. Un rôle analogue fut joué au Japon par les Shoguns de la maison des Ashikaga.
Au Japon, plus que partout ailleurs probablement, le talent, et surtout le talent artistique, fut héréditaire. La coutume très répandue de l'adoption fit paraître ce fait encore plus frappant qu'il ne l'est en réalité; il est cependant assez remarquable en soi. Il ne manque pas de familles dont les noms sont devenus illustres dans l'histoire de l'art japonais.