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Lire des pièces de théâtre, ça n'est pas trop ma tasse de thé. Ici c'est plutôt le document historique qui m'a intéressée, moins toutefois que "Le roi" du même auteur.
Le journaliste est une pièce qui semble autobiographique, car d'après Wikipédia Bjørnstjerne Bjørnson "s'inscrit à l'Université d'Oslo en 1852 pour une formation de journaliste. Il s'occupe également de politique, mais il n'a pas réussi sa carrière politique comme il l'escomptait."
La pièce commence chez les Evié, des parents qui ne veulent pas accorder la main de leur fille à un député car "ce que nous voudrions (...) c'est te voir changer de carrière".
Parce que faire de la politique, c'est s'exposer aux ragots dans les journaux. Or pour vivre heureux vivons cachés, vivons discrets, vivons sans s'engager.
"Serait-ce donc un crime de vouloir vivre pour soi-même… de se tenir en-dehors des partis ?"
Sur ces entrefaites arrive le journaliste, malicieux, pour annoncer l'éditorial du lendemain qui portera justement sur le futur gendre et sa belle-famille.
Journaliste, quelle engeance ! "Il faut être de fer pour résister à ce métier-là, n'avoir ni coeur, ni entraille, tuer en soi tout ce qu'il y a de bon et d'humain."
S'ensuit une négociation à rebondissements mais sur un malentendu, l'éditorial sera publié tout de même. Contraint et forcé le père Evié s'engagera à son tour, tel un rallié de la dernière heure...
Et les femmes ? Mère et fille soutiennent leurs hommes, sans penser par elles-mêmes.
On est en 1901, et la presse semble avoir déjà en politique un rôle fondamental, qu'elle dicte les opinions ou bien, manipulée, qu'elle serve les intérêts d'un camp ou de d'un autre.
Pour Bjørnstjerne Bjørnson la liberté de la presse parait illusoire car déjà le monde des media semble le théâtre de négociations et de compromissions assez incompatibles avec la manifestation de la vérité.

Traduit par Auguste Monnier.

Challenge Nobel
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Bjørnstjerne Bjørnson, malgré le prix Nobel de littérature obtenu en 1903, est peu connu et peu publié à l'extérieur de la Norvège, alors qu'il paraît jouir dans ce pays d'une énorme reconnaissance, il semble même considéré par ses compatriotes comme le plus grand auteur national. Il est d'ailleurs l'auteur des paroles de l'hymne norvégien. Auteur prolifique, il s'est adonné à plusieurs genres : poésie, roman, nouvelle et théâtre : il a même été directeur du théâtre de Bergen, où il a pris la suite d'Ibsen. Par ailleurs, il a été très engagé dans la vie sociale et politique de son pays, prenant position dans les débats qui secouaient la société norvégienne, en particulier sur la nature du régime politique à mettre en place, aux relations entre la Norvège et la Suède (les deux pays, même s'ils gardent leur indépendance et votent chacun leurs lois, ont un seul souverain, qui peut limiter certaines décisions nationales). La pièce le roi, qui date de 1871, porte trace de ces débats, ainsi que des interrogations que Bjørnson formule de plus en plus au sujet de la religion.

La pièce a une forme atypique. Elle est composée d'un prologue, de quatre actes, quatre entractes et d'un épilogue. Nous sommes à une époque et dans un endroit indéterminé, qui ressemble toutefois beaucoup aux pays scandinaves de cette fin du XIXe siècle pendant laquelle la pièce a été écrite. le prologue se situe pendant un bal masqué. Tout le monde guette l'arrivée annoncée du roi, on essaie de deviner son déguisement. Il arrive, il tente de séduire une jeune femme qui repousse ses avances. Survient le premier entracte, qui comme les suivants, se passe dans le monde des esprits, il est accompagné d'un choeur, à la fois métaphorique par rapport à l'action des actes, et introduisant une dimension spirituelle, au-delà des thématiques réalistes de la pièce.

Au premier acte, nous assistons à une assemblée et au vote, au sujet de la forme que doit prendre le futur chemin de fer. Les oppositions entre les conservateurs, fidèle à la royauté, à une certaine vision traditionnelle de la société et de la religion,et les démocrates, qui veulent une évolution, s'inspirant d'un certain nombre de pratiques étrangères, s'expriment, parfois à l'intérieur même des familles.

Le roi est venu, chez Gran, un ami de jeunesse, qui est partagé entre son amitié, et ses opinions démocratiques. Un grand débat s'instaure entre le roi et Flink, un ami de Gran, qui ignore l'identité de son interlocuteur, qui porte sur le régime politique qui serait préférable : une république, ou une monarchie parlementaire. Après le départ de Flink, le roi exprime ses propres doutes sur le fonctionnement actuel et évoque ses envies de réformes. Gran lui promet son aide.

Au deuxième acte, le roi est de retour à la cour. Il ironise un peu avec les gens de son entourage, et attend, Clara, la jeune femme du prologue. Il lui déclare son amour, dont elle ne veut rien savoir : elle est la fille d'un républicain, emprisonné, puis exilé. Mais elle finit pas croire à la sincérité du monarque qui lui demande de l'épouser, pour l'aider à mener les transformations qu'il envisage.

Au troisième acte, se prépare le mariage du roi et de Clara. Il suscite une grande émotion, et de vives oppositions. La jeune femme est fortement attaquée dans les journaux. Elle doit en plus faire face à l'opposition violente de son père. Elle refuse de céder, mais succombe mystérieusement au même moment que son père décède.

Au quatrième acte, Gran, qui a accepté d'être ministère, doit faire face à Flink qui lui impose un duel. Les deux hommes y laissent la vie, le parti réactionnaire essaie de tirer profit de la mort de Gran pour revenir sur les réformes. le roi, écoeuré et complètement seul désormais, finit par mettre fin à ses jours. L'Epilogue se joue dans les limbes, comme les entractes.

Une pièce longue, à la structure complexes, un mélange de scènes très réalistes (le vote au sujet des wagons de chemin de fer), des débats politiques et religieux un tant soit peu didactiques, avec des moments surnaturels, des génies, des morts, l'au-delà. Ce qui relativise un certain nombre de débats terre à terre, et fait entrevoir d'autres lectures : la critique très vive de la religion, par exemple, représentée par le personnage étriqué, mesquin et formaliste du Pasteur, est au final plus la critique d'une pratique utilitariste et fonctionnelle, que de le foi et du spirituel en général.

Les personnages sont souvent assez impersonnels (ils sont parfois juste désignés par leur fonction Pasteur, Général, la Princesse, et même le Roi) sans prénom, on pourrait presque dire sans visage, et expriment des points de vue, résument des archétypes. Il y a juste quelques aspects un peu plus personnels dans l'histoire d'amour entre le Roi et Clara, et aussi dans le personnage de Gran. Il y a indéniablement un grand pessimisme dans la pièce : le Roi n'arrive pas à mener ses réformes, l'union projetée avec Clara, qui pourrait rassembler et faire agir ensemble les contraires, est morte-née. La façon dont les parties en présence s'emparent de la mort de Gran, ne présage pas vraiment des lendemains radieux. Personne n'a bougé à partir de ses positions, aucun compromis n'est en vue.

Même si le contexte de la pièce a vieilli, le fond du débat demeure
intéressant : comment faire évoluer les institutions et la façon de gouverner, quel serait le système le plus satisfaisant pour le plus grand nombre, comment lutter contre les scléroses et les détournements d'idées à priori justes, mais dont l'application dément les principes. Cela dit, la pièce n'est pas facile à représenter, déjà très longue, avec une alternance de scènes réalistes et surnaturelles. Peut-être plus intéressante à lire qu'à voir.
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Il est bien divertissant, ce roi qui rêve de se marier par amour et de "vivre bourgeoisement", qui se balade incognito pour tromper un quidam et se moquer de lui.
Plus sérieusement, le roi est une critique sociale étonnamment drôle et moderne – on est en Scandinavie en 1901 – sur la monarchie héréditaire et la démocratie, qui questionne aussi l'égalité hommes-femmes ou l'hypocrisie religieuse.
Sur la forme, cette pièce en quatre actes est agréablement ponctuée d'entractes poétiques par des choeurs : "Des harmonies s'élèvent Dont les ondes sonores et parfumées, Chantent à mon oreille et me réchauffent le coeur" – des choeurs célestes certes mais plutôt moralistes.
Une découverte intéressante qui m'avait été recommandée par Meps, dont je suis toujours scrupuleusement les conseils n'est-ce pas ?

Traduit par Auguste Monnier.

Challenge Nobel
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Deuxième pièce de Bjørnson pour moi, lue surtout dans le cadre du challenge Nobel. En effet si l'auteur est réellement très connu en Norvège et considéré à l'égal d'un Ibsen ou d'un Hamsun, sa notoriété n'a portant pas franchi les frontières. Touche à tout (dramaturge, romancier et poète), un de ses mérites aura aussi (surtout ?) été d'être un des premiers membres de l'Académie Nobel... et lauréat dès 1903. Cause et conséquences ?

Cette deuxième pièce précède de deux ans le Roi que j'avais lu auparavant. Beaucoup plus classique dans sa forme (4 actes, et pas d'intermède poétique), elle a pour but une critique claire de la presse mais aussi de ceux qui facilitent son travail de sape. On sent bien évidemment aussi le message politique de l'auteur, dans le soutien aux forces progressistes face aux tenants du conservatisme.

Si le propos reste peu original (quoique... pour l'époque...), la forme est agréable. Sans atteindre au génie, l'auteur mène sa barque efficacement, confrontant les deux partis du journaliste et de l'homme politique avec surtout la présence de personnages centraux qui recherche la neutralité, ayant des intérêts (commerciaux ou personnels) de chaque côté de la balance. C'est finalement cette neutralité mouvante qui est le plus raillé, dans sa recherche d'un compromis impossible qui puisse ménager l'ensemble de ses billes !

Les ressorts dramatiques sont intéressants également, avec des jeux sur les divers plans de la scène et un acte assez original se déroulant dans une rue pleine de brouillard. le double rôle du journaliste, influençant l'actualité autant qu'il la décrit, est très bien rendu dans un final qui souffle le chaud et le froid, sur les personnages plutôt que sur les spectateurs, aux premières loges pour connaitre avant eux les différents rebondissements.
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Il s'agit d'une pièce en quatre actes, publiée en 1875. Nous sommes dans une famille, les Evié. Harald, le fiancé de Gertrude, la fille de la maison, apparaît. Très vite un conflit se manifeste. Harald s'est engagé en politique, et s'attire de ce fait les foudres d'un journal, dirigé par un ami d'enfance du consul Evié. Ce dernier affirme son soutient de principe à Harald, mais aimerait lui voir abandonner la politique pour avoir la paix. Il n'hésite pas à jouer de toutes les cordes, en particulier laisse entendre que Gertrude a des problèmes de santé.

Le journaliste, qu'Evié malgré la réprobation qu'il exprime en privé, n'a jamais voulu exclure de sa maison paraît. Harald préfère partir. Au final, le journaliste après quelques échanges se livre à un véritable chantage : si Evié n'abandonne pas Harald, en rompant officiellement ses fiançailles avec Gertrude, le lendemain, des articles venimeux faisant feu de tout bois, vont s'en prendre à lui. le consul plie et rompt le mariage. Mais un domestique renvoyé, qui avait entendu ce qui se passe, fait annuler le contre-ordre du journaliste : l'article paraîtra bien. Découvrant le fait, Evié décide d'apporter son plein soutien à Harald, en assistant en particulier à un rassemblement politique le soir même.

Le frère de Harald, qui est mourant, se voit par hasard remettre le fameux journal, dans lequel lui aussi est fortement attaqué. Il s'effondre. le journaliste se voit invité par les domestiques seules dans la maison à aider le mourant. Il réalise que ses publications vont être accusées d'avoir provoqué la mort, et qu'il risque d'être perdu socialement par le scandale provoqué. Il va chez Evié pour essayer de lui arracher un pardon officiel, pour se dédouaner. Mais Evié, devant la lecture qu'il a faite reste inflexible, plus par rancune que par principe.

Une pièce très réaliste, ancrée dans le concret, qui pose des débats de société. Evié est au final le personnage central, même s'il n'est pas acteur, qu'il laisse les autres agir. C'est l'homme de classe moyenne, comme on le dirait maintenant, qui a une position confortable, et qui voudrait avant tout la garder. Il a bien quelques idées, sur ce que devrait être la société, sur la justice et l'honnêteté, mais ne voudrait pas que cela remette en cause sa situation. Il reconnaît que les articles publiés dans ce journal, sont diffamatoires, malhonnêtes, qu'ils ne servent que d'outils pour défendre des positions qu'ils n'approuve pas, mais il reste abonné, et se délecte en secret des attaques que subissent les gens qu'ils n'aime pas. Il est d'accord avec les principes défendus par Harald, mais n'accepte pas que le combat engagé puisse avoir des effets négatifs sur lui et sa famille. Il ne s'engagera vraiment qu'au moment où il n'a plus rien à perdre.

C'est vraiment l'aspect le plus intéressant montrer comment un pouvoir tyrannique ou idéologique peut s'établir, en s'appuyant sur une forme d'inertie et de soutien passif d'une partie et à priori la plus à même d'avoir les moyens de développer un esprit critique de la population. Evié représente ces honnêtes gens, qui n'adhèrent pas, pensent garder les mains propres, mais qui au final permettent que se mette en place un pouvoir qu'ils désapprouvent en paroles. Mais ils sont sensibles à la pression, à une forme de menace, car ils n'ont pas envie de perdre quoi que ce soit dans l'affaire. Evié est au fond extrêmement égoïste, et prêt à tous les renoncements, à rendre sa fille malheureuse pour ne pas subir une contrariété. le journaliste joue à fond dessus, et il obtient tout ce qu'il demande, c'est le seul hasard qui fait qu'Evié, qui a perdu, s'engage.

Le personnage du journaliste, très amer, ne croyant à rien, étant conscient de n'être qu'un outil, qui sera jeté dès qu'il ne servira plus, est aussi assez intéressant. Il développe un véritable sadisme vis-à-vis de son ancien camarade, prenant visiblement plaisir à ses menaces et intimidations. Les autres personnages, comme Harald et Gertrude sont plus conventionnels dans leurs nobles sentiments.

Une bonne pièce.
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Avec Bjørnson, je continue ma decouverte des premiers lauréats du Nobel. Après avoir mis à l'honneur la poésie avec Sully Prudhomme et la chronique historique avec Theodor Mommsen, c'est sans doute le théâtre (et sans doute un peu le roman) que l'académie a voulu récompenser. le point commun de ces 3 auteurs est sans doute une notoriété aujourd'hui en berne.

Bjornson est pourtant considéré dans son pays comme un auteur majeur mais son talent est peu reconnu en dehors de ses frontières. Avec lui, l'académie commence également une tradition de lauréats scandinaves... pas étonnant pour un prix décerné en Suède.

A la lecture la piece est agréable. La construction est originale avec des entractes poétiques et pleins de spiritualité. Ces parties ne m'ont pas particulièrement emballé mais restent un bel hommage à la tradition antique du théâtre.

Le déroulement de l'intrigue est très intéressant dans sa variété passant de la comédie satirique et politique à la tragedie la plus noire en passant par le drame romantique. J'ai beaucoup aimé la satire politique que j'ai trouvé très moderne et transposable encore en partie à notre époque avec certaines monarchies parlementaires... notamment scandinaves !
L'auteur est d'abord assez neutre dans son positionnement mais les déroulements ultérieurs précisent sa position.

Les parties romantiques et tragiques m'ont semblé plus convenues mais la variété des angles permet de passer malgré tout un bon moment avec un auteur qui prouve sa maîtrise du genre même s'il ne parvient pas toujours au génie.

J'ai partagé avec plaisir cette lecture commune avec @5Arabella
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