Salle
G229.
Jean-Philippe Blondel, professeur d'anglais, y a posé sa valise pédagogique voilà déjà longtemps. La concierge le sait, qui a vécu ses débuts dans ce lycée, et le lui rappelle, un 3 décembre au soir alors que le conseil de classe est terminé depuis déjà belle lurette : « Ça a toujours été votre salle, ça, hein, monsieur B. ? » J'acquiesce. le noeud monte dans la gorge. La concierge sourit. « C'est bizarre, des fois, comme c'est. On croirait pas quand on arrive qu'on va rester si longtemps. Et puis le temps passe et voilà. » (p. 22)
« Et puis le temps passe et voilà. » C'est sous l'angle du temps que
G229 est construit, le temps passé, depuis les débuts d'un jeune prof d'anglais dans le métier, dans la vie, le temps qui passe, qui voit défiler des générations d'élèves, jusqu'au temps présent. Si le temps file, fluctuant, un élément demeure, pérenne, la salle d'enseignement, la fameuse
G229. La construction du roman suit le fil des réminiscences de l'auteur, un fil qui parfois peut paraître chaotique, les périodes temporelles s'enchevêtrant de manière labyrinthique.
Au fil conducteur du temps, s'ajoute celui du « on » et du « je », comme le souligne le proviseur à
Jean-Philippe Blondel lors de sa prise de poste : « le plus dur, dans le métier, vous savez, c'est de manier le on et le je. » (p. 29) le « on » de l'institution Ecole, le « je » de la singularité, de l'individualité. L'auteur joue habilement sur cette dialectique, évoquant diverses facettes du métier d'enseignant, avec beaucoup d'humour, de tact et de pudeur. « On suit les consignes » (p. 45) : si les élèves sont invités à suivre les consignes du prof (ils n'ont d'ailleurs guère le choix…), l'enseignant fait de même : « On écoute l'inspecteur l'inspectrice la conseillère pédagogique la formatrice. On hoche la tête. On se compose un air bovin, les yeux fixes et le sourire à peine dessiné » (p. 49) Les méthodes changent, d'année et année, pour autant, une forme d'absurdité semble demeurer.
Les relations prof-élèves sont abordées : « On s'engueule. Faut pas croire. On ne vit pas à Eurodisney. On s'énerve. Enfin, je m'énerve. » (p. 95) Les amours lycéennes qui se nouent, se dénouent, au gré des humeurs adolescentes… Les maladresses du prof qui se cogne partout, à force de trop gesticuler dans le théâtre restreint de la salle. Les drames de la vie, la mort, à l'improviste, comme une brèche dans le réel. Mais aussi les manifs : « On sort de la
G229. On manifeste – on est connus pour ça. » (p. 67) ou les voyages pédagogiques : « On se déplace. On planifie un voyage pédagogique. » (p. 101)
«
G229 » est une oeuvre réjouissante, une ode à l'enseignement, à l'enseignant, aux apprenants, au savoir qui patiemment se construit, se tisse entre tous les acteurs. Une ode d'autant plus rafraichissante qu'elle est pleine d'humour, mais aussi de tendresse, de pudeur, et n'élude ni les moments de joie, ni les doutes ou les souffrances de chacun des protagonistes sur la scène de l'Ecole.