Je monte sur le pont, l'avenue Anatole-France - je me souviens de lemotio la premiere fois que jai lu cet écrivain qui ne correspondait pour moi qu'au nom de la route qui menait de mon collège aux rues de mon enfance. Je bifurque sur la rue Édouard-Vaillant, hygiéniste. Tous ces gens dont les patronymes émaillent les plaques de nos mémoires et dont nous ne savons rien. IIs sont nés à une époque où leurs noms éveillaient chez leurs concitoyens des images et des faits. Un siècle plus tard, des écoles, des cliniques, des boutiques, des trottoirs, des caniveaux, et rien ne subsiste de ce qu'ils ont accompli.
Comme un con, je me croyais protégé-"bon ,il a morflé à l'adolescence,on le laisse tranquille maintenant", se disent toutes les divinités de la Terre ,me figurais-je.
Mon cul , oui.
Quatre décennies, ça doit être le maximum, pour le totem d'immunité. Après, tout peut recommencer.
J'occupe ma place dans le monde.
C'est pourtant le moment précis où je suis sur le point de la perdre- à quelques dizaines de mètres de là.
Tu crois que tu es enfin centré,que tu as développé des racines solides - et puis la tempête.
J'adore mon métier, encore maintenant. Je n'ose pas le clamer haut et fort parce que c'est mal vu. Aussi bien parce qui ceux se battent pour de meilleures conditions de travail et une augmentation (justifiée) de notre rémunération que par ceux qui se complaisent à mépriser les enseignants- c'est-à-dire , finalement, beaucoup de monde. Dernièrement, les élèves ont tendance à déclarer que ,"au pire, s'ils ne trouvent rien comme boulot, ils feront profs". Super. C'est extrêmement encourageant.
Laurent demande si la maladie remet tout en perspective, comme on le dit souvent, et juste après il s’excuse de la platitude de cette question. C’est que c’est difficile, ajoute-t-il, de savoir comment s’adresser à une personne souffrante.
(...) il veut me montrer qu'il tient à moi.
Je n'en reviens pas.
Il y a des gens tapis dans les replis de votre existence et qui ne se montrent qu'au détour de circonstances exceptionnelles.
L’affection.
C’est un drôle de mot, l’affection.
Les multiples sens qui miroitent.
Un vrai kaléidoscope.
J’ai de l’affection pour toi.
J’ai été affecté dans cet établissement.
Je suis très affecté par cette perte.
Cette affection qui prend de l’ampleur à l’intérieur de moi.
Je sais depuis longtemps que le vrai pouvoir réside dans l'écoute, et non dans la prise de parole. C'est sans doute cet attachement à l'émotion infinitésimale qui a fait de moi un romancier. Je tente toujours de deviner ce qui a provoqué la réaction physique. L'histoire qui se déroule à l'arrière-plan.
Une promenade, c'est l'occasion de poser des mots, avant tout. Des mots, et du silence entre les mots. (...) Un pas de côté. Voilà. Nous allons faire ensemble un pas de côté.
La première fois que nos enfants nous échappent vraiment, c'est quand ils sont happés par la fiction.