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Citations sur Traversée du feu (20)

Il y a des gens tapis dans les replis de votre existence et qui ne se montrent qu'au détour de circonstances exceptionnelles.Ces êtres là, auxquels vous ne pensez pas immédiatement, semblent évoluer à la périphérie de votre champ de vision. Vous cheminez à leur côtés , et vous oubliez pourtant leur présence .Je me promets de porter désormais plus d' attention à ces personnages de mon roman intérieur, que je croyais secondaires mais qui se révèlent primordiaux.
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C'est la première fois que je témoigne de mon état en public. Une étape dans l'acceptation de la maladie. D'un coup, toutes les bouches se ferment. On s'écarte même un peu - ce n'est pas contagieux au moins, comme le sida ? On me plaint aussi. Si jeune. En pleine possession de ses moyens. On anticipe. Dans leurs yeux, la scène se met en place. Les costumes noirs. Le corbillard. L'épouse et les enfants en pleurs. Et autour, sur l'avenue Gallieni, la vie continue son chemin. La caméra s'éloigne en contre-champ. Vue d'ensemble. Le quartier. La ville. La région. Nous ne sommes qu'un point dans l'univers. Nous vivons. Nous mourons. C'est important, de tout remettre en perspective.
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- Je vais écrire des lettres. Enfin, une, en tout cas.
- Tes romans sont déjà des lettres, non?»
J'esquisse une moue. Je n'ai jamais vraiment adhéré à cette croyance très répandue selon laquelle les romans que nous écrivons sont des lettres que nous envoyons à des destinataires connus de nous seuls. Je trouve l'idée plaisante mais rebattue et fausse. Dans un roman, on ne cesse de cacher, sous différentes couches, les faits qui sont à la base du récit. On maquille les instigateurs pour les transformer en personnages. On découpe, on colle, on détricote, on rabiboche - on obtient des puzzles parfois étonnants, des Frankenstein de papier. Le but de la lettre, c'est I'inverse. La lettre, c'est un nu - ceux qui s'emploient à le recouvrir de tissus plus ou moins épais sont des faussaires. Ils m'ont passionné. lls ne m'intéressent plus.
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Charismatique- décidément, non.
Je suis tout l'inverse. Je me précipite dans les conversations comme si ma vie en dépendait. Je m'intéresse aux ragots et je prends ma part à la langue-de-puterie collective. Je ris très fort, au point de déranger mes voisins au cinéma, parfois. En plus, mon rire part dans les aigus si je ne fais pas attention et l'auditoire se retourne, médusé - mais qui peut bien s'esclaffer de la sorte? Je pleure aussi à chaudes larmes à la moindre chanson sentimentale ou devant la télévision. Je suis un aspirateur à sentiments et je les recrache de façon confuse et désordonnée. L'inverse de ce dandy ironique que j'aurais rêvé d'être - ce Swann en redingote qui jette un regard amusé et légèrement méprisant sur cette société qu'il fréquente tout en la croquant.
Je fais avec.
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- N'empêche. De quoi tu te souviens, de toutes ces années?
- Tu veux dire, quand je me suis retrouvé tout seul?
- Oui. Et les mois qui ont suivi. »
J'hésite un moment parce que les premiers mots qui me viennent ne cadrent pas avec ce que n'importe quel interlocuteur attend.
De la joie. C'est ça, Laurent, de la joie. De la panique aussi, bien sûr. Des abimes de terreur et de détresse - un peu comme ceux que je viens de traverser. Mais avant tout, de la joie. Parce que j'étais vivant. Parce que j'avais échappé à la catastrophe. Parce que, de façon inexplicable, alors que je n'étais certainement pas le membre de la famille le mieux pour mener ma barque - mon frère, avec sa réussite dans les études commerciales et les salaires mirobolants qui se profilaient, avec ses succès amoureux et les ex inconsolables qu'il laissait derrière lui, semblait tout de même beaucoup plus apte à porter le nom de la famille au pinacle, j'étais celui qui restait. Celui qui déjouait les sorts. Celui qui, sous des allures fragiles, tenait finalement tête. C'était tellement improbable.
Et puis cette impression de liberté brute qui me faisait tourner la tête - le même vertige que j'allais expérimenter quelques mois plus tard dans les Andes, en passant du niveau de la mer à l'Altiplano et à Cuzco en une heure d'avion. Le manque d'oxygène. L'ivresse des hauteurs.
Plus personne ne me jugerait. Je savais que c'était faux, au fond : ils seraient tous là, autres membres de la famille, voisins, amis, connaissances, collègues, ils auraient tous un avis sur moi, ils m'apprécieraient ou non - mais d'eux, je pouvais me défaire. De la cellule familiale, il ne restait rien. Je pouvais devenir ce que je voulais. Tout expérimenter - qui oserait m'en blâmer?
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- On ne peut rien lancer tant qu'on n'a pas un tableau précis de l'affection.» 

L'affection. 

C'est un drôle de mot, I'affection. 

Les multiples sens qui miroitent. 

Un vrai kaléidoscope. 

J'ai de l'affection pour toi. 

J'ai été affecté dans cet établissement. 

Je suis très affecté par cette perte. 

Cette affection qui prend de I'ampleur à l'intérieur de moi. 

Et l'autre affection. Celle dont on avait presque oublié l'existence tant on s'est noyé dans le quotidien. Dans les sacrifices consentis pour les enfants, parce qu'on voulait surtout qu'elles ne manquent de rien, les filles, et qu'on souhaitait les protéger de tout, et surtout du spectacle d'un monde en déliquescence. C'est idiot, bien sûr, on le sait parfaitement, mais on a du mal à s'en empêcher. Pour un peu, on couperait la fin de certains films, parce qu'elle est trop dramatique. Noyé dans la vie sociale aussi, dans ce groupe d'amis au sein duquel on joue son rôle, le type qui parle un peu trop fort et qu'on prend souvent en flagrant délit de mensonge, mais qui écoute, finalement, et qui compatit, surtout. Noyé dans la vie professionnelle, enfin, et dans la litanie des journées répétitives, passées devant des élèves à la fois bigarrés et uniformes, perdus et confiants, agaçants et touchants. Toutes ces couches qui se superposent, nous poussent en avant, et nous font oublier l'affection. 

L'affection première. 

Celle qui déboule sans crier gare alors que je serre la main de Christophe Dillinger, me rendant compte trop tard que je n'en ai pas le droit, on est en pleine vague de Covid. Celle qui me suit tandis que je descends l'escalier et que, dehors, le soleil m'éblouit. 

L'affection de la vie. 

L'affection pour la vie. 

Elle me percute sur le trottoir de l'avenue du Général-de-Gaulle. Merde. J'avais oublié à quel point c'était beau, le dehors. Les gens. Le bitume. Les arbres rabougris. La coulée verte, en contrebas. Les jeux du soleil dans les feuilles. 

Je ne suis pas prêt à lâcher ça.
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[...] tremblait au fond de mnoi ce lambeau de sentiment tout petit, tout racorni, tout moche, qui insistait : j'avais survécu. J'étais résistant. J'avais dix ans de plus que Bottero maintenant.
Et surtout, je n'avais pas envie que ça se termine.
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Nous avons la douleur de vous faire part du décès de Jean-Philippe Blondel, professeur d'anglais au lycée Édouard-Herriot de Sainte-Savine (10) depuis le début des années 90, écrivain à succès modéré et au lectorat fluctuant malgré une base fidèle, racontant des his- toires de la vie quotidienne, sans grands événements historiques ni sujets sociologiques. De la part de son épouse, Véronique, et de ses filles, Éva et Lola. De son presque frère Jean-Marc (quelle guigne d'être né dans ces années 60 où fleurissaient les prénoms composés). De sa presque soeur Valérie. De ses amis et collègues.

Pas de ses parents, parce que ça fait belle lurette qu'il les a perdus en route -cest le cas de le dire, ils sont morts dans des accidents de voiture, emportant le frère aîné avec eux, et tu te retrouves à vingt et un ans formidablement libre, terriblement seul, ne pouvant compter que sur l'aide de ta fiancée et de ton meilleur ami, qui, par ailleurs, viennent de se découvrir de nombreuses affinités.
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On me souhaite du courage et je hausse les épaules- il n'en faut aucun. À force du courage, c'est oser, c'est se dresser contre - ici, il convient avant tout d'accepter, de baisser légèrement la nuque et de serrer les dents en formulant des souhaits. Des souhaits, pas de prières. Je ne crois toujours pas en la moindre divinité- et encore moins qu'avant, si c'est possible.
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Je bifurque vers le jardin public. Il me paraissait immense, et maintenant tellement étriqué. J'en fais le tour. Trois fois. Quatre fois. Il n'y a personne à cette heure-ci. Les volets des logements au premier étage de l'école ne sont pas ouverts. A l'intérieur, quelqu'un doit entendre mes pas qui résonnent et se demander qui est ce crétin qui court si tôt et se moque du sommeil des autres. Personne ne se doute que le crétin est un fantôme. Jai quitté ce lieu il y a trente-huit ans et je le hante encore.
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