Un pays est sauvé par ses Poètes. Beaucoup sera pardonné à l'Amérique pour avoir abrité l'étrange Emily Dickinson.Supprimez tous ces gens qui passent leur vie à chercher le mot le plus proche du ciel ou de l'enfer, et vous vivrez dans les ténèbres.
Il n' y a pas de " nouvelles façons d'aimer".Tragique, fantaisiste, insaisissable et gratuit, l'amour est l'éternellement neuf.
Nadja Mandelstam s'approche à son tour, autre amie d'Anna.La mort a enregimenté son homme.Elle continue de vivre en lui, pour lui, par lui.Elle a appris par coeur son œuvre entière. (...)
Les polices mandatées par le tyran ne pourront jamais chercher jusque-là les poèmes qui les anéantissent.
L'Ours Staline n'aime pas la poésie. (...) La patte de l'ours pousse loin dans les chambres, les placards. Elle racle.Staline a toujours craint Anna Akhmatova.Il met son fils aux fers, un parmi des millions dans la fournaise. Elle, il ne la touche pas.(...)
Elle continuera d'écrire sur les noces de la douleur et de l'amour.Les poètes sont des monstres d'aimer la vie qui les brise.
Les poètes sont des monstres. Ils nous aideront à traverser la nuit qui vient.
Tomber sur un mauvais livre de poésie
Tomber sur un mauvais livre de
poésie, dit Anna, c’est être à jamais dégoûté des
poèmes. Le vrai poète se reconnaît à la puissance
du trait. Ce qui sort du cœur et parfois n’est même
pas écrit. Traquée avec son mari, Nadedja est
accueillie par une famille. Quand la porte s’ouvre,
au milieu de tous les dangers qu’elle prend,
leur hôtesse les accueille comme du bon pain,
bras ouverts, riante. « C’est alors que je compris
que la seule chose vraie en ce monde, c’étaient
les yeux bleus de cette femme ». Peu de poèmes
atteignent aussi vite cette hauteur-là.
…
Guérir à la vue de la plaie charitablement enneigée des bouleaux. (p .23)
Les poètes sont des monstres.Ils n'aiment pas vos machines.Ils ne les aimeront jamais.Une bouilloire- antique grosse pomme de fer talée- est toute la technologie qu'ils supportent. Ils aiment trop la vie pour prétendre " l'augmenter"
Dans la rue…
Dans la rue, des milliards de
secrétaires. Leurs doigts tapent sur
le crâne des lettres plus vite que
le pic-vert sur l’écorce de l’arbre.
L’irréel est notre passion et elle est
sinistre. Il faut à l’amour des lèvres
réelles avec des mots réels qui en
sortent, vibrant comme le brin
d’herbe aux dents du berger.
p.33
La Russie est mère de tous les poèmes
La Russie est mère de tous les poèmes, bordés
par elle chaque nuit d’un drap de neige. Nous
avons, en France, Marceline Desbordes-Valmore.
Elle est, avec les chants aztèques de Catherine
Pozzi, leur construction pyramidale, ce que notre
pays a offert de plus pur sur l’amour. Une plainte,
mais délivrée de son bourreau. Un chant devenu
lumière, montant au soleil. Anna Akhmatova, à
la fois mâle et femelle, incarne la figure de la
colère du ciel, une colère sèche, non sentimentale,
l’arrivée en pleine nuit d’hiver de l’amour implac-
able, ses coups à la porte. Un pays est sauvé par
ses poètes. Beaucoup sera pardonné à l’Amérique
pour avoir abrité l’étrange Emily Dickinson.
Supprimez tous ces gens qui passent leur vie à
chercher le mot le plus proche du ciel ou de l’enfer,
et vous vivrez dans les ténèbres.