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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
À la lecture de cet ouvrage je me demande ce qu'il reste de cette peur ancestrale de la maladie et de la croyance en une malédiction, voire à une programmation volontairement édictée de l'affliction par quelques puissances divines. Bien sûr, dans notre monde contemporain la menace n'est plus tant appréciée avec une telle virulence. Mais pourtant ! Qui ne se demande pas ? Pourquoi moi ? Pourquoi maintenant ? de telle façon et avec quelle amplitude ? Lorsque la maladie s'empare de notre être et que nous sommes précisément sensibles et vulnérables. Quelque chose qui nous amène alors à douter, à culpabiliser même et dans tous les cas à nous interroger sur le thème de notre passage ici, sur terre. Sauf que là, c'est plutôt une pensée d'ordre philosophique, à moins que... à moins que ne subsiste un résidu de cette croyance qui nous amène à penser la sanction, le bannissement et je ne sais quelle autre pulsion qui vient alors agrémenter un sentiment engendré par la peur, l'inconnu peut-être...
En tout cas, un ouvrage sérieux pour qui se passionne de l'époque médiévale et de ses ponctions, componctions.
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Je redoutais de lire ce livre, car l'érudition de l'auteure, Lydia Bonnaventure qui une amie, rencontrée sur mon site préféré, me faisait craindre de ne pas être à même de tout bien comprendre. En fait, la lecture a été passionnante, très agréable et j'ai découvert beaucoup de choses, de notions qui je ne connaissais pas, n'ayant pas l'habitude de considérer la maladie sous cet angle-là. Déjà, le terme « Mal des ardents » que l'on appelle aussi le feu de Saint-Antoine ou le Feu Sacré, était relativement obscur pour moi car j'avais tendance à confondre cette maladie à la Lèpre, alors qu'il s'agit de l' «Ergotisme » dont Jeanne Bourin décrit ainsi dans « le grand Feu » en 1985:


Ce livre est composé de trois parties d'importance égale. L'auteure nous parle de la maladie au Moyen-âge et de ses relations avec la société. Puis elle aborde la description de ces maladies et pour finir, le symbolisme de celles-ci.

Les grandes « maladies » de l'époque sont le Mal des ardents et la lèpre, et les petites pestes, qui annoncent la peste noire qui arrivera un siècle plus tard. Elles se ressemblent car on trouve des signes cutanés dans les deux cas, des signes neurologiques qui peuvent terrifier le commun des mortels.

Lydia Bonnaventure nous explique que Gautier de Coinci a choisi le motif de la maladie dans ses écrits, car les épidémies, perçues comme diaboliques, ont marqué l'imaginaire de l'époque. On en parle dans la Bible qui sert de référence. Elles véhiculent toutes sortes d'idées reçues, car qui pourrait parler de cause biologique, à l'époque ? L'hygiène est présente, déjà, avec les plaisirs du bain (on dénombre vingt-sept « Bains publics, à Paris, à la fin du XIIIe siècle).

Il s'agit donc d'une période de transition, où commencent à se côtoyer, les microbes, invisibles à l'époque, la notion de châtiment divin pour expliquer l'apparition de la maladie et le fait que celle-ci peut toucher n'importe quelle personne, quel que soit son rang dans la Société. On n'est plus dans le « tout religieux ». La péché était considéré avant comme la cause de la maladie, or on s'aperçoit que des personnes n'en ayant pas commis, sont atteintes. le Prieur va ainsi dresser une hiérarchie dans les malades, en fonction de la classe sociale.

L'auteure ne se contente pas de traduire le texte, d'étudier la pensée de Gautier de Coinci, elle nous livre également une analyse approfondie du raisonnement n'hésitant pas à le comparer à d'autres auteurs de l'époque, d'autres « miracles », pour décortiquer la relation du malade avec la Société de l'époque, qui rejette ce qu'elle ne comprend pas, ce qui conduit à l'abandon des malades, au bannissement, à l'exil. Ils ont perdu leur identité, on les compare à des animaux (ours revient souvent, chien également), le pire étant l'excommunication.

D'un autre côté, que faire ? Quelle conduite à tenir dirait-on de nos jours ? le chemin de la guérison passe ainsi par la confession, le repentir, la dévotion, les prières, le miracle.

Mais aussi, tourment, hideux, pourri, ours, loutre… avec des liens bien sûr avec le péché. Autant la maladie rime avec ces termes percutants, autant la guérison va être en lien avec des mots plus doux. La Vierge, substitut de la mère qui guérit, le lait, les gestes guérisseurs, tels le baiser et les reliques.

Quand à la partie consacrée au symbolisme, elle est excellente, revenant sur la notion de maladie-punition et à la possibilité ou non d'une rédemption.

Bref, une étude brillante qui met en évidence les notions de l'époque concernant la maladie et toujours, le côté dichotomie, qu'on retrouve, des éléments qui s'opposent ou se complètent, se répondent. Une opposition entre le réalisme et le symbolisme, bien mise en évidence par l'auteure, l'opposition entre les femmes pécheresses et la Vierge, et les miracles qui peuvent être accomplis par des humains guéris, qui ont trouvé un refuge dans la prière. de nos jours, les scientifiques ont reconnu l'effet positif de la prière, de la méditation de la pleine conscience (on utilise le terme « mindfullness », cela fait mieux, il y a moins de connotation religieuse dans la sphère laïque).

J'ai beaucoup aimé la légende sur la Vie de Sainte Marie l'Egyptienne, qui est retransmise dans son intégralité. Elle est très émouvante et montre le pouvoir de la foi, certes mais aussi du comportement pas nécessairement ascétique, la possibilité de transcendance.

La lecture de la vie des Maîtres (ou des grands Saints) est toujours très enrichissante, inspirante, surtout dans une époque où la spiritualité est réduite à la portion congrue, car le Dieu actuel est l'argent, où le matérialisme, le consumérisme, l'égocentrisme sont omnipotents…

J'ajouterai un petit mot sur l'exil, le bannissement et l'abandon, très bien étudiés par l'auteure : que se passe-t-il de nos jours, face aux personnes atteintes de maladies infectieuses, ou simplement de maladie chronique ? Certes, elles ne sont pas exilées géographiquement mais le vide se fait autour d'elles, la personne en bonne santé acceptant mal qu'on puisse être handicapé alors qu'on est jeune, ou pas dans un fauteuil roulant ? A-t-on vraiment progressé ? Je referme la parenthèse…

L'écriture est belle, les mots sont bien choisis, percutants lorsqu'il le faut, notre imaginaire se mêlant et s'imprégnant de celui de l'époque, le texte est léger alors que le sujet sort de l'ordinaire.

Pour un Essai dans le sens littéraire du terme, je dirais que c'est un coup de Maître… ce livre est passionnant, dans tous les sens du terme (là aussi). Lydia Bonnaventure a fait un très beau travail. Son étude est précise, documentée, tout est analysé, argumenté, aussi bien le texte (l'écriture) de Gautier de Coinci que son propos et la confrontation avec d'autres auteurs de l'époque. Ce texte est en fait le mémoire de maîtrise de l'auteure, mais je pense qu'il pourrait faire l'objet d'une thèse, vue la richesse du texte, la bibliographie, l'iconographie aussi (cf. les photos du manuscrit de Gautier de Coinci qui illustrent les chapitres.

C'est le premier livre de l'auteure et j'attends le suivant avec impatience. Je redoutais la lecture et en fait, ce qui a été plus redoutable encore, a été d'écrire une critique sur un ouvrage aussi brillant, (surtout après avoir lu la critique de Sarindar, sur Babelio.com, qui a mis la barre très haute…). J'ai livré mon ressenti, en insistant sur ce qui m'a le plus enthousiasmée, devant ce travail d'orfèvre. Amateurs du Moyen-âge, sa vie littéraire, son histoire, n'hésitez pas ce livre est un bijou à mettre dans touts les mains.


Note : 9,6/10


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Il se trouve que j'ai lu en même temps « La maladie et la Foi au Moyen Age», de Lydia Bonnaventure et «La légende de la mort » (en Bretagne) d'Antoine le Braz (sur la recommandation de Couperine sur Babélio) et j'ai été frappée par les similitudes entre les deux ouvrages : même misère impuissante devant la maladie et la mort, même ignorance, même foi, seule l'intervention de forces surnaturelles pouvant sauver le malade. C'est peut-être l'évocation de ce monde de condamnés qui m'a le plus émue. Monde que l'on retrouve dans « La princesse de Clèves » où tout le monde meurt en pleine jeunesse, plus près de nous, dans « Les Thibault » de Roger Martin du Gard où Antoine Thibault est démuni devant ses malades à l'agonie, toute une souffrance qui modelait les hommes d'une façon dont l'Occident européen du XXI° siècle n'a plus idée.
C'est que « La maladie et la Foi » se situe au Moyen Age, au début du XIIIème siècle et dans une perspective hagiographique, celle des « Miracles de Notre Dame » du poète Gautier de Coinci, un moine qui finira sa vie comme Grand Prieur de Saint-Médard de Soissons. Or les « Miracles » font une très large part à la maladie, les guérisons spontanées étant toujours considérées comme miraculeuses.
Lydia Bonnaventure distingue deux types de maladies, celles survenant au cours d'une épidémie, et qui sont une épreuve pour les croyants sincères et celles envoyées comme punition divine. Les deux maladies reconnaissables dans les « Miracles … » sont la lèpre et le « mal des ardents », dû à une moisissure de l'ergot de seigle et dont les formes hallucinatoires ont été connues à Salem (le mal des fameuses sorcières) et plus près de nous, il y a une cinquantaine d'années dans le petit village de Pont-Saint-Esprit. En fait, les maladies décrites se ressemblent beaucoup, l'ergotisme apparaissant souvent ici sous sa forme gangréneuse. Les descriptions de quelques vers en sont toujours frappantes : « Une partie de son visage était si vide à cause du feu d'enfer, de sa grande violence, qu'elle n'avait point de visage, ni nez, ni bouche » (p. 30), «Son corps souffrait le martyre. Sa jambe et son pied avaient pourri … il puait tant que sa puanteur tuait les gens » (p. 60) L'ergotisme convulsif peut, d'autre part, se confondre avec certaines formes d'épilepsie. En fait, la classification des maladies, pour un homme du XIIIème siècle, est aussi floue qu'ignorés les moyens de sa guérison. Dans un appendice, L.B. évoque d'autres maladies de l'époque, comme la peste et les écrouelles, qui, dit-elle, n'apparaissent pas chez Gauthier.
La maladie atteint toutes les classes sociales, tous les âges, les deux sexes, croyants et « impies » (le Moyen Age ne brillant pas par sa tolérance, les juifs ne seront pas guéris) et pour lutter contre elle, il n'y a qu'une seule arme, celle d'une foi sans faille, d'une confiance absolue dans la Vierge Marie, gage d'une guérison spectaculaire.
L'oeuvre se poursuit par une excellente partie plus stylistique, portant sur la description des maladies (complaisance et subjectivité) et revient ensuite à l'anthropologie par l'étude des types de guérisons, châtiments et rédemption.
Au total, un livre passionnant, issu d'une recherche universitaire, érudit, mais présenté avec tant de simplicité et de clarté qu'il peut s'adresser à un très large public intéressé par les religions, l'histoire de la maladie, le Moyen Age ou même par la découverte d'un grand poète, dont les nombreuses citations en ancien français, suivies traductions, montrent bien le talent d'écriture, par ces croquis qui font penser à Jérôme Bosch ou à Jacques Callot.
Ah ! si toutes les thèses étaient aussi intéressantes !
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Je remercie chaleureusement Lydia B de m'avoir permis la lecture de cet ouvrage fort intéressant .
Dure période que le moyen-âge lorsque survenait la maladie, peste, lèpre, mal des ardents, que l'on n'avait aucun moyen de soigner par des remèdes, et dont on ne connaissait pas les causes. Mais durant cette période, on craint et on adore Dieu, on se prosterne devant la vierge qui intercède, on prie devant des reliques, on espère les miracles. L'Eglise véhicule des idées et invite les foules à prier, obéir aux commandements, respecter les règles de vie garantissant alors une organisation de la société répondant aux règles qu'elle a instaurées et cherche à entretenir la foi des fidèles en menaçant et en apportant un message d'espérance par la promesse d'un paradis.
La maladie et la foi au Moyen-Age explique alors, à travers l' étude des « miracles de Nostre Dame » écrit par le moine Gautier de Coinci qui vécut de 1178 à 1236, que foi et maladie sont liées : la maladie pouvant être la conséquence d'une punition divine infligée au pécheur, voire à son enfant pour punir le pécheur, qu'à chaque manquement peut correspondre une maladie. L'auteur des « miracles de Nostre Dame » ne s'en tient pas aux descriptions des maladies propres à impressionner le lecteur, il insiste également sur les conséquences des actes, du manque de foi chrétienne (les juifs ne sont pas épargnés), et cite des cas de personnes qui contractent une maladie et guérissent miraculeusement grâce à l'intercession de la vierge, personnes qui à leur tour auront le pourvoir de guérir d'autres malades.
Cet exposé, travail de recherche pointu et très bien documenté s'appuie sur des textes anciens de Grégoire de tour, la bible et un certain nombre d' autres écrits anciens, à lire sans faute si l'on aime cette période historique.

Lien : http://1001ptitgateau.blogsp..
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Qu'ajouter d'intéressant aux si brillantes critiques "babéliennes" du livre-phare de Lydia BONNAVENTURE ?

Depuis l'année de la parution de l'ouvrage (2011) et au nombre de 18 à ce jour [*], la plupart extrêmement denses, "pointues" et inspirées (notamment cet intéressant parallèle avec les sources de nos terreurs cntemporaines) : je pense qu'il nous faut TOUTES les imprimer et les lire, à l'appui de cette Thèse passionnante...

"Les Miracles de Nostre Dame" de Gautier de Coinci (1178-1236) valaient largement la peine d'être exhumés, "traduits" de cet ancien français aujourd'hui si étrange... et surtout commentés par notre amie, diplômée de l'Université de Perpignan en Lettres modernes et brillante connaisseuse de notre "exotique" français médiéval.

Vertige à ressentir pour nous dans la conception médiévale des maladies...

Nous repassons en boucle la célèbre scène des "flagellants" dans le magnifique "Le Septième Sceau" d'Ingmar BERGMAN (1957)... Les baladins font silence et s'écartent...

La mort rôde tout alentour, la maladie foudroyante est épreuve ou punition divine.

La puanteur s'empare des corps : la gangrène du "mal ardent" (l'ergotisme, cette intoxication gravissime due à un parasite de l'épi de seigle - champignon noir tel un bubon pesteux)... mais aussi la lèpre, dont on découvrira six siècles plus tard l'origine infectieuse (Mycobacterium leprae, ce bacille intracellulaire découvert par le médecin norvégien Hansen en 1873).

Et l'horreur lépreuse défigure : nous nous souvenons ici de la scène impressionnante du Roi lépreux dans "Kingdom of Heaven" de Ridley SCOTT (2005).

Les convulsions sont, elles, oeuvre directe du diable : anachronisme que j'introduis ici en me remémorant ce très mauvais film qu'est "L'exorciste" de William FRIEDKIN (1973) où revint d'entre les ombres, dans les studios hollywoodiens - en la personne de l'acteur suédois Max Von Sydow - un des visages contemporains de l'héroïque chevalier - représentant de Dieu - qui, dans un noir et blanc somptueux, affrontait la mort en jouant aux échecs avec Elle dans "Le Septième Sceau" , 26 ans plus tôt...

Sait-on que parmi les alcaloïdes de l'"ergot" du seigle se trouve l'acide lysergique, qui servira de "matrice" à la fabrication du fameux L.S.D., hallucinogène de synthèse ? Convusions, hallucinations, "folie" (pharmaco-psychose) : autant dire "diableries"...

Le premier livre - bref et percutant - de Lydia BONNAVENTURE est habilement construit en trois parties ("Maladies et sociétés"/"La description des maladies"/"Symbolisme et choix des maladies") et nous donne à ressentir.

Un moine malade est devenu "pestiféré" : "Il puait tant et empestait l'air", celui qui "pue comme une loutre", "l'ours pourri, le lépreux" ne trouve plus aucune place dans la communauté humaine.

Les malades sont chassés "comme un chien de basse-cour" - parfois sur fond de jets de pierres, abandonnés à eux mêmes, condamnés à une mort certaine...

Cependant, "La Bonne Dame" sait intervenir quand le réprouvé demande pardon pour ses (supposées) "fautes"..., refaçonne les traits détruits, libère du mal des ardents, voire punit ceux qui l'ont injustement mis au ban de la société...

Mais "La Bonne Dame" se révèle extrêmement sélective : ni " l'hérétique" ni "le Juif" ne peuvent attendre la moindre mansuétude, le moindre de ses "pardons"...

Une phrase -- entre autres -- peut terrifier dans le Manuscrit de Gautier : "Personne n'eut pitié de lui, ne s'en soucia guère."

Si l'on désespère de l'humain, nous resterait la Foi en l'immanence (bien aléatoire) du "Divin"...

Que de résonances contemporaines en ces mille raisons de désespérer ou d'espérer...

Alors, un grand merci à vous, Lydia, pour ce passionnant travail de défricheuse !

[*] un "détail" important réactualisé en ce 4 février 2017...
Lien : http://www.regardsfeeriques...
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À travers l'étude des Miracles de Nostre Dame du moine Gautier de Coinci (1178 – 1236), l'auteure dresse un panorama des liens entre maladie et foi à l'époque médiévale. « Parmi les miracles publiés en cette époque où sévissaient les épidémies, bon nombre mettent en scène la maladie. Elle est l'instrument de châtiment et de rédemption dont se sert Notre Dame afin de punir ou pardonner le pécheur. » (p. 12) L'ère médiévale a été ravagée par des épidémies telles que la lèpre, la peste ou encore le mal des ardents. Pour expliquer ces fléaux, le recours à la religion était aisé : la maladie était d'origine divine et représentait soit un châtiment pour les pécheurs, soit une épreuve de foi pour les croyants. « Devant les mortalités dont on ignorait les causes, les hommes du Moyen Age virent dans la maladie l'expression du courroux céleste. de simple phénomène naturel, elle devint le signe de la présence divine. » (p. 78) En ce sens, le miracle prend tout son sens : si Dieu envoie la maladie, Dieu seul peut l'ôter et il ne le fait qu'avec éclat au travers de miracles tel que rendre la vue à un vieil homme ou restaurer la beauté d'un visage dévoré par la lèpre.
Dans le culte marial auquel il se voue, Gautier de Coinci insiste sur l'utilité de la foi dans le combat contre la maladie. Son propos est une longue diatribe envers les impies et les hérétiques qui seront frappés à mort par la maladie. C'est aussi un hymne au croyant et à l'être pur qui sera toujours sauvée par la sainte mère du Christ qui intercède auprès de Dieu et de son fils pour obtenir la guérison et la rédemption des justes. Très didactique dans ses propos et maniant l'exemple au travers de descriptions très précises, Gautier de Coinci voulait marquer les esprits sans demi mesure. « La maladie et ses symptômes, certes exagérés, ne sont qu'une mise en oeuvre de cette forme d'endoctrinement que Gautier poursuit à travers ses textes. » (p. 64)
« La maladie joue aussi un double rôle, mettant en relief le péché […] mais aussi la dévotion. » (p. 34) La maladie se présentait également comme la réparation de l'offense faite au Seigneur, à ses saints ou à Marie. Seule la contrition et la pénitence pouvaient alors conjurer la souffrance et la guérison représente la récompense ou le triomphe au terme du combat contre le Mal. « La prière est un des trois éléments fondamentaux de l'action thaumaturgique, les deux autres étant la confession et les pratiques pénitentielles. » (p. 31) Finalement, ce qu'il s'agit d'obtenir, outre la guérison du corps, c'est la guérison de l'âme et sa survie dans une éternité de grâce. « La maladie est le reflet du péché pour lequel il convient de se faire pardonner afin de guérir au plus vite. La pénitence devient la voie ouvrant à une vie spirituelle éternelle. » (p. 50)
L'essai de Lydia Bonnaventure est aussi intéressant qu'il est facile d'accès. La richesse des informations n'est jamais indigeste et la compréhension du sujet est encore facilitée par une mise en page claire. L'ouvrage reproduit des citations du texte original en langue médiévale et met en regard la traduction en français moderne. Pour l'ancienne passionnée d'ancien français que je suis, ce fut un plaisir de naviguer entre les deux versions et de retrouver toute une grammaire un peu oubliée. Entre analyse littéraire et analyse historique, cet essai illustré de copies des manuscrits originaux est tout à fait passionnant. Et certains aspects du texte de Gautier de Coinci m'ont rappelé la folle passion de Sainte Lydwine de Schiedam, si fabuleusement écrite par Joris-Karl Huysmans.
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Un concentré d'informations que cette étude des Miracles de Nostre Dame, de Gautier de Coinci, qui joue sur plusieurs tableaux puisqu'on y trouve une analyse de l'oeuvre et de son influence sur la littérature de l'époque, un descriptif des maladies qui sévissaient alors, et une véritable recherche sociologique et philosophique des relations entre la maladie et la foi, servant l'endoctrinement que l'auteur des Miracles cherchait à exercer sur ses contemporains. L'ensemble est présentée de façon claire, avec une telle aisance de style qu'elle nous amène aux conclusions dans une logique si fluide que c'est un vrai plaisir d'y adhérer. Un réel bonheur, donc, que cette incursion dans l'esprit médiéval, pour y découvrir cette grande peur devant des maux dont on ne connaissait pas les causes, la rudesse des moeurs réservées aux malades, le tout adouci par l'émergence d'une notion de charité envers l'affligé et, surtout, cette grande amour vouée à Nostre Dame par qui toute rédemption reste possible. Gautier est un homme de son temps, un témoin précieux de la mentalité médiévale de ce début du XIIIème siècle. Il ne cherche pas réformer mais à convaincre et il le fait avec talent, sa plus grande audace étant de se permettre de réprouver les mauvais traitements réservés aux malades, ce qui semble être un progrès. Merci à Lydia Bonnaventure de nous faire profiter de son impressionnant savoir et de nous permettre d'accéder à cette connaissance sur les réalités d'un moyen âge fascinant, qu'il nous attire ou qu'il nous fasse frémir, car nous gardons dans notre mémoire inconsciente l'héritage de ces terribles épreuves du passé.
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Je n'ai qu'une crainte en écrivant ce commentaire, celui de ne pas rendre justice à la qualité remarquable de l'oeuvre de Lydia Bonnaventure. Cette médiéviste de talent a rédigé, là, un essai particulièrement abouti, digne d'un historien confirmé. Mais si ce travail de recherche est aussi pointu que minutieux, l'ouvrage n'en demeure pas moins accessible à tous, tant les explications sont claires, le style fluide et le sujet bien amené.
Au travers des écrits de Gautier de Coinci (1178-1236) Lydia Bonnaventure nous brosse le portrait d'une société médiévale, à une époque où sévissaient les épidémies et la misère.
Quelle portée a eu le message de ce précurseur ? Comment ses contemporains percevaient-ils la maladie en ce temps-là ? Autant de questions auxquelles l'auteure répond avec une étonnante faculté d'empathie, restituant la psychologie d'un monde où la maladie était perçue comme une punition divine et pour qui la guérison n'était jamais qu'un signe physique de la guérison de l'âme par la rédemption de ses péchés.
Un livre précieux à découvrir et à conserver dans sa bibliothèque.
Lien : http://bleuettediot.e-monsit..
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Tout à déjà été écrit dans les précédentes critiques ... je n' ajouterai donc que chapeau bas Lydia, félicitations !
Quel est le thème du prochain ?
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Peut-on voir en Gautier de Coinci un lointain précurseur de Théophile Gautier... Rapprochement facétieux mais pas seulement, il se trouve que j'ai lu «La Maladie et la Foi au Moyen Âge» de Lydia Bonnaventure quasiment en même temps que le Capitaine Fracasse dudit Théophile... Et l'on trouve chez les deux auteurs des portraits aussi criants de vérité des corps souffrants et dans les deux cas une vision imprègnée par son temps, quand Theophile évoque le règne de Louis XIII, il place dans la bouche d'un de ses personnages (Le Pédant) une allusion à la pyramide de Cheops qui ne s'explique que par l'Expédition en Egypte de Napoléon Bonaparte, quand Lydia Bonnaventure évoque les rapports entre maladie et foi dans les écrits d'un clerc qui a vécu entre le règne de Philippe Auguste et celui de Saint Louis on ne peut s'empêcher de songer aux diverses attitudes «superstitieuses» face à la maladie qui ont trop souvent cours dans certains milieux conservateurs du XXIe siècle....
le Moyen-Âge n'a pas totalement disparu de nos mentalités.

Ce petit livre de Lydia Bonnaventure, publication d'un travail universitaire pourra être lu avec fruit par tous ceux que passionnent l'épistémologie de la médecine.

Il peut aussi se lire à la manière d'un roman, alors on découvre un homme Gautier de Coinci décrit par une auteure passionnée par son sujet et très attentive aux multiples aspects de son personnage. On y découvre que sous le règne de Saint Louis les mentalités étaient bien différentes de celles d'aujourd'hui, mais on peut aussi traquer à la manière d'un détective mille détails où le découvre que le souci des souffrances d'autrui préfigurait déjà l'humanisme dont de multiples racines plongent dans les mentalités médiévales. Bref devant ce livre chaque lecteurs se retrouve (comme devant une fiction passionné par ce qui le préoccupe.

Ce livre peut enfin se lire, tout simplement comme l'oeuvre d'une histoirienne de talent. J'ai à plus d'une reprise songé en lisant ce livre à Guillaume le Maréchal de Georges Duby. Cette évocation de Gautier de Coinci aurait certainement pu s'insérer dans cette série «Les inconnus de l'histoire» publiée chez Fayard et qui faisait les délices des étudiants passionnés d'Histoire dans les années 80. Même élégance dans le style, semblable précision dans l'évocation des sources. Un seul regret, il est lié à l'édition et à des questions matérielles, quel dommage que les illustrations n'aient pas pu être en couleurs. Fort heureusement, le noir et blanc des images est compensé par le chatoiements de la prose.
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