Un roman que j'avais manifestement très envie de lire, puisque je l'ai acheté deux fois, en ayant oublié la seconde fois que je l'avais déjà acquis cinq jours plutôt… J'avais bien raison cela étant, car
Héritage est un très bon roman, avec des passages qui nous prennent le corps, et une fin savamment (et l'adverbe est faible) travaillée.
Comme vous le savez, j'ai mes petites habitudes et je tiens à présenter l'auteur avant l'oeuvre. On pourrait d'ailleurs discuter un jour de la distinction entre l'artiste et l'oeuvre mais nous ne le ferons pas, car ça ne m'intéresse pas, en tout cas pas ici.
Miguel Bonnefoy est donc un jeune auteur, 34 ans, français et vénézuélien, ayant vécu au Venezuela et au Portugal. Selon certaines sources, il résiderait aujourd'hui à Berlin, mais a séjourné trois ans à la villa Medicis, où il a rédigé entre autres
Héritage, entre 2018 et 2019. Il a à son actif huit publications, six sélections et deux prix. Autant le dire d'emblée, il semble avoir un boulevard devant lui s'il désire ardemment travailler, car il est indéniablement doué. Pour une raison infondée, l'homme m'est sympathique, bien que je ne le connaisse pas.
Alors de quoi parle
Héritage ? Difficile de le résumer simplement, mais peut-être pourrions-nous avancer que cela raconte l'histoire de la famille Lonsonier (on ne connaîtra jamais le vrai nom) sur quatre générations, de l'ancêtre qui quitte la France à la fin du XIXe siècle pour tenter de rejoindre la Californie, avec un pied de vigne sous le bras, à celui qui revient en France durant la dictature de Pinochet. Entre cet intervalle, deux guerres mondiales et de la torture. Des corps et des esprits traumatisés, un sorcier, un revenant, des oiseaux, une pilote. le reste est à découvrir.
Certes, l'histoire des protagonistes est prenante, et très bien orchestrée, avec un fil rouge toujours tenu, rattrapé par ici et par-là avec un humour et un détachement assez formidables. Mais surtout, l'écriture est juste… incroyable ! Nous sommes dans la réalité, dans la fiction, parfois dans du réalisme magique (on sent une influence de
Garcia Marquez !), et tout cela cohabite avec une facilité déconcertante. Les détails sont là, mais de façon très économique. Les ressentis sont formulés, mais avec le strict nécessaire. Certaines tournures sont affreusement dures, tandis que la phrase d'après est poétique, elliptique ou abstraite. le plus bluffant est l'impression d'une fluidité, d'un naturel.
Mais je m'emballe un peu sur le style au détriment de l'intrigue. L'intrigue est également finement retracée. En moins de temps qu'il ne faut pour le dire, et par une lorgnette toujours spécifique, les horreurs des conflits mondiaux et de la torture sud-américaine sont présentées aux lecteurs de telle sorte qu'ils en repartent autant traumatisés que les protagonistes. Cet
héritage de souffrance, de douleurs, de foi en un monde meilleur et de combativité est perceptible chez tous les descendants Lonsonier, et l'on sait déjà, sans connaître la suite, qu'il perdura indéfiniment.
J'ai refermé cet ouvrage pleine d'admiration pour l'auteur et son travail. Il faut beaucoup de travail, d'audace, de maturité et de remise en question pour être capable d'écrire cela. Assurément,
Miguel Bonnefoy est un Lonsonier.
Jo la Frite
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