Elle se sentait coupable ! Mais coupable de quoi? Qui était-il, cet homme qui pouvait dire « petite fille... » avec tant de tendresse, et aussitôt après se permettre des gestes aussi osés, aussi sensuels. Pour qui la prenait-il? Une étudiante comme il avait dû en rencontrer plus d'une, en ses années de Sorbonne? Une femme conquise?... Elle n'était rien de cela. Il aurait dû s'en rendre compte. Et la respecter. Elle n'était pas une fille facile. Elle s'était toujours défendue jusque-là...
Le vin, comme une jolie femme, a ses caprices :il ne doit pas attendre. Même jeune. Et lorsqu'il est vieux, les voyages lui sont néfastes. De la double rangée des énormes cuves posées sur des socles aérés, comme de simples tonneaux ayant trop grandi et enflé, émanait une lourde odeur de bois mouillé, de fermentation sucrée et de terre. C'est là l'odeur spécifique du vin en macération.
Elle avait trop de fierté. Elle avait aussi une conscience aiguë de n'être qu'un accident de parcours, dans sa vie à lui. Les plus belles femmes étaient à sa portée. De celles qui n'auraient pas tout à recevoir de lui et qui pourraient, à ses côtés, jouer leur rôle dans tous les palaces, dans toutes les capitales du monde.
Il avait éveillé en elle une autre femme, celle du miroir, dans la chambre d'hôtel. Tout aurait pu être merveilleux si... si... elle était autre. Mais elle était « elle » : Evelyne Dandrieux, habituée seule à la lutte pour la vie, seule au travail, seule pour sa sauvegarde !
Seul, son regard trahissait son ardeur et son impatience. Cette retenue dont il faisait preuve montrait à elle seule combien avait de force cet amour.