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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Solide comme un chêne, il n'a jamais plié, mais a fini par tomber...

David Bosc ressuscite pour quelques pages le peintre Gustave Courbet (1819-1877), bon vivant bedonnant, travailleur frénétique mais éreinté, jouisseur excessif, buveur invétéré, dans son exil suisse des bords du lac Leman.

On est en 1873. Pour éviter de retourner en prison pour son engagement dans la Commune de Paris, Courbet a du quitter la France, tenu pour responsable de la destruction de la colonne Vendôme. Face à une dette financière monstrueuse pour la reconstruction, il attendra en vain, avec d'autres, l'armistice pour les communards.

David Bosc a une palette littéraire poétique et minutieuse, une écriture très travaillée et recherchée dans les images et la formulation, un style qui oblige à la concentration, conduisant à une lecture qui parfois se mérite. Mais la récompense se déguste au fil du récit.

L'auteur nous propose une compréhension, un décryptage pictural. L'artiste est monumental, attachant, glorieusement vivant dans son auto-destruction et dans le plaisir que j'ai eu à découvrir ou redécouvrir les oeuvres évoquées. Un homme au tempérament d'exception, généreux et exubérant. Un homme libre, par l'esprit et le corps.

Un écrivain pour un peintre. Belle rencontre.

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La claire fontaine est un texte où David Bosc fait brièvement revivre Courbet durant les quatre dernières années de sa vie (1873-1877) dans une écriture à bout portant. Au plus près de sa "cible". J'avais tout récemment découvert et aimé Courbet ou La peinture à l'oeil, sous la plume érudite de Jean Luc Marion, ce petit livre, lui, apporte en complément une vision plus littéraire et personnelle d'un peintre qui reste encore trop exclusivement étiqueté chef de file de l'école réaliste. Ce texte court, resserré, modelé autour de fragments biographiques de la vie d'un artiste est un exercice de création qui a la faveur de l'édition actuellement. Dans le même esprit, le "Vertige Danois de Paul Gauguin" est également à recommander.

En présentant ici les motifs les plus récurrents de la peinture de Courbet, dans ses années fastes, tel le sommeil, l'eau, le désir, les femmes, les forêts, les animaux, la chasse, la nature non domestiquée, comme éléments de sa volonté de se gouverner lui-même, David Bosc ouvre la possibilité d'une méditation sur le sens et la force de la représentation en peinture. Si ce texte approche avec bonheur la matière avec des mots il consacre au passage les affinités qui s'établissent souvent entre peinture et poésie. Roman ? pas si sûr.

Courbet est déjà tout entier contenu dans les premières pages qui sont d'une grande portée poétique, teintée de mélancolie, car la fin de la vie de l'artiste est tristement connue, poignante même, et magnifiquement relatée par David Bosc. Image première de ce regard du peintre jeté en arrière qu'accompagne la fumée bleue de sa pipe (clin d'oeil anticipateur à celui qui a peint son autoportrait sous la forme d'une pipe). Courbet, tout autant contenu dans l'évocation des "Trois baigneuses", 1868, qui vient clore le dernier chapitre, une transposition audacieuse de la douleur qui n'aurait d'autre but que de célébrer la vie.

Avec Marcel Ordinaire, son acolyte depuis 1872, quittant Ornans et son Jura natal, mais surtout sa famille, en juillet 1873, laissant la Loue, la rivière dont il a représenté maintes fois la source, Courbet va s'établir à la Tour-de-Peilz, sur les bords du lac Léman, en Suisse, où il meurt le 31 décembre 1877 entravé par l'hydropisie, détruit par la cirrhose. Après la Commune, il a purgé une peine de six longs mois de prison à Sainte Pélagie où il a réussi malgré tout à peindre des natures-mortes, mais c'est le long procès, injuste, qui l'oppose ensuite à l'Etat au sujet de la démolition de la colonne Vendôme et dans lequel il laissera une grande partie de son énergie et de sa fortune, qui a décidé de cet exil, sujet du livre.

Dans le canton de Vaud qui l'a accueilli, il se choisit bientôt la maison de "Bon-Port" en janvier 1874 dont il confie l'intendance à un ancien proscrit de Marseille et son épouse, le couple Morel. Certaines de ses toiles ont pu discrètement franchir la frontière. Il réalise "Helvetia" (sculpture) en 1875, "La dame à la mouette" en 1876, "Le Grand panorama des Alpes" en 1877, inachevé qui orne à présent le musée de Cleveland et bien d'autres vues de Chillon et des environs. Courbet reste en Suisse tel qu'il a toujours voulu être, libre, sans entraves. Il est dans ses toiles comme il agit dans la vie : frontal, sans regrets ni arrangements superflus. La Semaine sanglante est passée par là.

On le suit au plus près, dans son intimité et ses appétits, se baignant dans le Léman ou dans sa baignoire en zinc, orchestrant ses tablées, ses beuveries aux terrasses des estaminets ou s'intéressant à des femmes élégantes, chantant, heureux malgré les emmerdements, entouré d'anciens communards ou de nouveaux amis démocrates. Il parle d'Ornans bien sûr, revoit son père qu'il portraiture encore une fois, sa soeur Juliette qu'il affectionne. Sa mère est déjà morte, l'ami Max Buchon Gustave Chauvey aussi. Zélie, son autre soeur, les rejoindra bientôt.

Ses oeuvres surgissent spontanément, bien vivantes, de sa mémoire, encore plus belles sous la poussée de l'écriture de Bosc : souvenirs d'un séjour en Saintonge accompagné de Corot, des falaises d'Etretat, des plages de Trouville ou de la côte à Palavas, baigneuse émergeant des vagues, femmes alanguies, immensité marine, hallali d'un cerf, paysage d'hiver.

« Ni nostalgique, ni moderne » Gustave Courbet, écrit avec justesse David Bosc, dont "la conscience du temps présent recouvrait bien davantage que l'époque", reste un artiste puissant, intemporel.
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Lorsque David Bosc débute son récit, nous sommes en 1873, le peintre Courbet vient de vivre l'épisode difficile de la Commune, il a été arrêté et condamné à six mois de prison pour l'histoire de la colonne Vendôme et l'auteur vient le surprendre dans cette année où il décide de partir se réfugier en Suisse, non loin de sa Franche Comté natale.
Commençons comme lui, lorsque nous nous arrêtons auprès de l'eau de la Loue, celle que Courbet a beaucoup peint par temps d'orage par exemple :
« L'eau de la Loue, au bleu de l'aube, a le renflement de l'huile. La maison ventrue du père y trempe de tout son long, miche dure mise à mollir pour les oies ou les coquecigrues. Et Courbet prenait la route avec la confiance heureuse, impensée, de qui a chez son père un port où faire relâche, un port-salut en cas de gros temps ou de mortelle fatigue, un repaire, enfin, où se protéger du vacarme et du silence. »
David Bosc va dévider ainsi son style au fil de l'eau. Il va nous fait revivre les derniers moments du grand peintre avec beaucoup de réalisme.
Entrecoupé d'extraits authentiques de rapports de police (Courbet est probablement espionné), le récit met en scène, dans l'attente du fameux procès concernant la colonne Vendôme, ses deux passions dans la vie : la peinture et le bain.
Par son style, l'auteur tente de couler son style au plus près de celui du peintre du réalisme français :
« Courbet sauta dans l'eau à la façon d'un cheval, le nez en l'air et la poitrine en avant. L'orage de la veille avait grossi la rivière, qu'un encaissement de roche faisait tonique en toute saison. »
Néanmoins, pas de panégyrique sous la plume de D. Bosc, juste une évocation très réaliste de la vie quotidienne.
En effet, le peintre se doit d'« honorer un nombre considérable de commandes et s'est mis dans la tête de changer en or l'énorme scandale de son nom ». Car Courbet est tout sauf un imbécile. Il a opté très tôt pour la stratégie que lui confère le scandale : beaucoup d'ambition pour sa peinture mêlée à une très grande confiance en soi le conduisent à tout mettre en oeuvre pour se faire connaître. Dans quelques années, on appellera cette stratégie du Marketing…
Et donc Courbet, dès mars 1872, après avoir purgé sa peine d'emprisonnement, « avait engagé des aides pour accélérer sa production de paysages avec ou sans gibier (..) ils préparaient les couleurs, montaient les châssis qu'ils tendaient parfois de toile mais plus souvent de papier fort, brossaient les fonds de brun, de rouge sombre. »
Alors, Courbet serait-il un peintre industrieux qui peint une vingtaine de tableaux en deux mois et demi seulement ? Les Bourgeois veulent des Château de Chillon ? Il en peindra des dizaines s'il le faut. Il peindra des lacs, des châteaux et des montagnes, tout ce que les gens aiment avoir sur leur cheminée de salon.
Il y a encore quantités de trésors dans ces cent seize pages où rayonnent la bonhomie et la joie de vivre malgré la maladie : les relations entre le père Régis et son fils, les relations aux femmes bien sûr – très belles pages à propos des représentations des dormeuses chez Courbet - , ou encore son goût de la boisson ou les virées dans les bars.
Personnellement je l'ai lu et relu, une anthologie de ses tableaux à la main, guidée par le récit de cette Claire fontaine.
« Courbet avait besoin qu'on s'occupe de lui parce qu'il aimait qu'on s'occupe de lui ». Tout est dit et David Bosc réussit magistralement cette évocation du peintre, quitte à utiliser tous les trésors de la ponctuation pour dire la gouaille et la verve du peintre français. Une belle tentative de traduire par la plume ce que Courbet a tenté de peindre toute sa vie, un style superbe et un vrai succès à ressusciter le peintre et à le faire revivre pendant quelques pages, en nous donnant l'impression d'avoir assisté en direct à ses dernières années.

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En 1873, Gustave Courbet, qui avait déjà purgé une peine de six mois de prison à Sainte-Pélagie deux ans auparavant, pour sa participation active à la Commune, fut abusivement condamné par Mac-Mahon à rembourser les frais de reconstruction de la colonne Vendôme, frais estimés à 323 000 francs.

Il préféra alors se refugier en Suisse, où il mourut en 1877, un exil et une fin de vie évoqués dans ce récit, sous une plume au toucher précis et soyeux de pinceau, par un écrivain qui a l'oeil d'un peintre. Ces dernières années ne furent sans doute pas les meilleures du peintre Gustave Courbet, tentant sur les bords du lac Léman de trouver des sujets «vendables» et peignant à la chaîne.

Mais David Bosc donne chair à un homme qui, lorsqu'il ne peint pas – isolé et englouti dans la grande Nature, devient un fanfaron, vantard certes, mais généreux et drôle, qui dévore la vie avec exubérance, un amoureux des baignades et de la vie sociale, un homme qui ne demande rien, mais qui est avant tout épris de liberté.

«Courbet porte témoignage de la joie révolutionnaire, de la joie de l'homme qui se gouverne lui-même, et c'est une source vive. Il chérissait le souvenir des heures de la Commune où le gros ver de la peur, enfin, creva sous le talon des femmes en cheveux, des hommes en bras de chemise, et des enfants sur lesquels chacun veillait.»

«Après avoir dûment constaté la mort du peintre, le 31 décembre 1877, le docteur Paul Collin rédigea pour mémoire un témoignage honnête, un examen du corps et de l'esprit de son patient, le rapport minutieux des circonstances de l'agonie. Décrivant Bon-Port, il s'émut de ce que, «détail assez triste», le lit de Courbet «n'avait qu'un seul matelas». Une ou deux chemises, un matelas, point de breloques au gilet comme en portait Bruyas, point de montre, ni flanelle sur les reins ni zibeline au col. Ils furent nombreux à relever le dénuement de cet étrange contemporain. On en était d'autant plus frappé, et pour tout dire, blessé, qu'il semblait volontaire, ou pire, la conséquence d'une liberté. Les pauvres avaient au moins le tact d'avoir envie de toutes les choses dont ils étaient privés. Tandis que celui-là vous gâchait le plaisir par son indifférence, par ce ni chaud ni froid que lui faisait toute marchandise.»
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L'intérêt de ce livre pour la lectrice que je suis est de m'avoir permis de découvrir la dernière période de la vie (4 ans) du peintre Gustave Courbet, qu'il a vécu en Suisse. Ce grand peintre français né à Ornans en 1819, décédé à La Tour-de-Peilz en 1877, devint le chef de l'école réaliste ; à Paris on peut citer les oeuvres qui comptent, « L'atelier du peintre » 1855 (Musée d'Orsay), « Les demoiselles des bords de la Seine » 1856 (Petit Palais). L'auteur, David Bosc, affronte en 116 pages, tout à la fois la réalité vraie du peintre Courbet, ses passions, ses joies simples, ses fantaisies et les épreuves de sa santé défaillante ; et comme l'écrit l'auteur en page 4 de couverture « Ce secret, éprouvé au feu de la Commune de Paris, c'est la joie contagieuse de l'homme qui se gouverne lui-même ». Belle écriture de l'auteur. Bonne lecture !
PS : Ne pas oublier de lire page 9 le texte cité qui permet de mieux comprendre ! JP
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Courbet a passé les quatre dernières années de sa vie en exil en Suisse, après le soulèvement des Communards et l'affaire de la colonne Vendôme. Condamné à rembourser les frais de reconstruction de la colonne, il peint sur commande, pressé, des oeuvres de complaisance, poussé par son bienfaiteur qui signe lui-même des faux. S'appuyant sur la correspondance de Courbet, l'auteur découvre et dépeint un homme terriblement vivant et outrancier, s'apitoyant peu sur lui-même, s'oubliant dans d'énormes excès d'alcool, ayant une approche solitaire de la nature, des bains de mer qui lui purifiaient le corps et l'âme, nourrissant un profonde affection pour son père, et un amour total pour la liberté qu'il cherchait avant tout en lui-même.
Une écriture exigeante, superbe, à déguster, à lire et à relire, pas toujours évidente mais intemporelle : David Bosc est assurément un grand écrivain.
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