Citations sur Abîmés (30)
Le silence de la chouette
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J’ai tout compris. J’ai touché la Sérénité du doigt. J’ai su que l’homme n’était que toléré ici, que la beauté, la vraie, n’est pas humaine. J’ai compris que le hérisson se serait sorti, seul, des griffes du chat ; qu’il n’était vraiment beau que de loin, déroulé et naturel. J’ai compris qu’on ne devait intervenir que pour soulager, mais que le respect dû à l’animal impose qu’on ne jette pas son corps à la poubelle ou à l’équarrissage. J’ai compris que ce qu’on prélève dans la nature doit être fait avec reconnaissance. J’ai compris pourquoi Jean avait caressé le chêne avant de l’abattre, pourquoi il avait détruit mon enclos, pourquoi il avait mis le chevreuil à faisander, j’ai compris son bonheur, j’ai compris son silence. Tout n’a pas toujours besoin d’un nom. À Paris, on dit le boulevard Maréchal Trucmuche, parce que c’est la réplique à quelque chose près du boulevard Président Machinchose, et qu’il faut pouvoir les différencier. Mais pour les constellations, celle qui est là, elle est là, elle est comme ça et elle nous adresse sa lumière fidèlement ; quand on connaît vraiment cette campagne, on ne la nomme pas, on y vit.
La chouette a tourné la tête et m’a fixé droit dans les yeux. J’ai su que nous étions de trop. J’ai fait demi-tour ; Jean m’a suivi.
Le silence de la chouette
Je suis crevé, courbattu. Je me serais bien avachi lourdement devant le match, mais bien sûr, pas de télé, pas de radio même. Donc couché à 20h30, je sais bien que Paris est pollué, tout ça, tout ça, mais la Creuse, c'est quand même un poil ascétique pour moi.
Le monde n’est pas injuste parce qu’il refuse la poésie ; c’est l’injustice du monde qui abreuve la poésie.
J’aimerais savoir, comme toi, Quichotte, trouver un monde à moi, où ne seraient que des choses sans importance, auxquelles seul je m’attacherais, et qui ne signifieraient rien pour autre que moi. J’aimerais savoir, comme toi, Quichotte, ne pas douter, ou savoir oublier mes doutes au seuil de mes rêves...
(L’arbre dans le métro)
Mais ne t’égare pas, le monde n’est pas injuste parce qu’il refuse la poésie ; c’est l’injustice du monde qui abreuve la poésie.
Octavio s’éveilla paresseusement, laissa quelques instants la rousseur du soleil qui poignait à l’horizon iriser ses paupières, puis s’étira longuement comme un vieux chat émergeant de son voluptueux sommeil.
Je devins le seul client fidèle de ma boulangère, tant elle était mal gracieuse au-delà de tout, et laide pour tout bien gâter. Je crois que j'appréciais deux choses en elle : le parallèle invraisemblable que nul ne pouvait manquer de faire d'elle avec une otarie, tant sa moustache était luisante de sueur et humait négligemment le poisson putréfié, et le sentiment divin de supériorité que l'on éprouvait en la voyant. Je me hâtais de retranscrire ces caractéristiques sur une toile, forçant un peu sur les tons verdâtres pour traduire la putréfaction.
Sonate pour piano seul
Certains pensent que je ne suis qu’un objet, inerte et insensible ; peu remarquent, en soulevant mon aile, que mes cordes vibrent sous les sons qui leur parviennent. Ainsi, lorsque vous parlez à mes côtés, chaque syllabe, chaque intonation, par résonance, fait tressaillir mes cordes : c’est une sensation divine que de les sentir vibrer sans avoir à actionner mes marteaux. J’essaie alors de percevoir toute l’harmonie, la chaleur des émotions qui m’entourent, afin de les restituer au mieux lorsque je joue pour mon public, pour le faire frémir à son tour.
La nuit des parfums sont plus délicats, les fleurs gardent leur arôme pour faire sortir les cigales, les vagues s'apaisent un peu, respirent calmement avec la brise marine, l'agitation diurne de la maison laisse place à un silence peuplé de mille petits sons, de hululements de chouettes chevêches en bruissement patauds de hérissons se frayant un chemin dans les haies.
(in l’éléphanteau et la lavande)
Sonate pour piano seul
« Tons contrastants, déséquilibres, principes qui n'existent plus...
oppositions et contradictions : voilà notre harmonie.»
Vassily Kandinsky