Le deuxième roman de
Pierre Boulle, paru en 1951, et salué par les critiques de l'époque. Pourtant, «
le Sacrilège malais » est presque tombé dans l'oubli, écrasé par les succès planétaires du « Pont de la rivière Kwaï » et de «
La Planète des singes », au point d'être resté longtemps introuvable. La mention « épuisé » lui a collé à la patte pendant de nombreuses années.
Je voulais modestement redonner à ce livre un peu du lustre qu'il mérite. Il s'agit d'une histoire encore très actuelle qui décrit avec réalisme, malice et humour, la féroce logique industrielle.
Un matin de décembre 1936, un jeune ingénieur français de vingt-trois ans débarque en Malaisie anglaise. Il s'appelle Maille et est la nouvelle recrue de SOPHIA, société « pour l'hévéaculture industrielle et agricole. » Les premières pages racontent comment l'acronyme a été imaginé. « La méthode suivie en cette occasion transcenda le sens commun pour effleurer les règles de l'art poétique. » C'est un jeu puéril, presque un scrabble. le sigle est choisi parce qu'il possède « toutes les qualités, y compris l'élégance grecque. » Savoureux.
Il s'agit en fait pour le jeune Français de rationaliser au plus vite et au mieux la culture des hévéas afin de produire du caoutchouc. SOPHIA arrive en conquérante, avec un esprit colonial, persuadée de pouvoir organiser scientifiquement des coolies réfractaires. L'expérience face à l'esprit absolu.
Le jeune Maille, tel un évangéliste, va chercher à appliquer le concept du taylorisme dans la plantation malaise. Bien-sûr, la logique scientifique, déconnectée des réalités va rapidement s'essouffler, et le jeune ingénieur va s'y casser les dents. Il sera d'ailleurs au fur et à mesure de moins en moins persuadé de la pertinence de sa mission.
A l'horizon se profile déjà la Seconde Guerre mondiale.
Ce livre est vraiment plaisant, intelligent, magnifiquement écrit, coloré, décalé, ironique.. N'oublions pas que
Pierre Boulle a vécu en Malaisie, et qu'il l'évoque avec sensibilité et attachement. Et on se rend vite compte que l'état d'esprit du taylorisme est encore bien présent dans notre société.
Je me suis vraiment régalé avec ce « sacrilège malais » qui est digne de sortir du placard où on l'avait glissé !