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Marabout (20/11/1949)
4/5   2 notes
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Etoiles Notabénistes : ******

ISBN : inconnu y compris pour l'Edition Marabout de "Le Visage de Feu" dont nous avons extrait ce texte

Pour les amateurs de nouvelles, tout spécialement de nouvelles à connotation fantastique, Jean-Louis Bouquet, né en 1898 et décédé quatre-vingts ans plus tard à Issy-les-Moulineaux, se classe parmi les incontournables du genre. La poésie, l'élégance et le phrasé impeccable de son style s'imprègnent dans la mémoire avec la simplicité des authentiques aristocrates et l'imaginaire qui est le sien ne manque jamais de nous faire frémir même si, bien sûr, l'auteur, possédant, comme tout artiste, ses thèmes favoris, risque parfois la répétition. Ce rapport au fantastique dans la mémoire collective est d'autant plus remarquable que, sous des pseudonymes comme Jean d'Ansenne ou Nevers-Sérin, le même homme fut aussi le scénariste d'un certain nombres de films (dont "Le Diable dans la Ville" de Germaine Dulac, en 1924) et l'auteur d'un nombre respectable de romans policiers dont la série des "Mystères de Montmartre" rappellera sans nul doute d'excellents souvenirs aux initiés.

Auteur éclectique, donc, on le voit bien, et dont la nouvelle-phare, que l'on retrouve dans tant d'anthologies, demeure sans conteste "Alouqa" ou "La Comédie des Morts". le prénom inhabituel qui donne son titre au texte est d'origine inconnue et serait le nom d'un démon qu'invoquait, en 1623, le seigneur de Vourges, afin de ressusciter chaque nuit la jeune femme, d'une très grande beauté, qu'il avait ramenée d'un long séjour en Orient. Séjour qu'il n'avait pas seulement passé à surveiller les marchés d'esclaves mais durant lequel il s'était fortement intéressé à l'hermétique et à la Kabbale ... voire à pire. Depuis lors, ce démon, dont on ne savait exactement s'il s'agissait d'un incube ou d'une succube, s'était installé dans la famille et, chaque fois qu'un Vourges mâle, héritier du nom ou cadet, s'empressait de prendre femme, la malheureuse finissait toujours par sombrer dans la folie. En ce qui concerne les descendantes de sexe féminin de la famille, le démon semblait les laisser dans une paix relative, malgré quelques petits tours joués par-ci, par-là mais qui pouvaient tout aussi bien tenir de la génétique car les figures patriarcales de cette noble maison ne manquaient pas, de leur côté, de se révéler tôt ou tard menteuses, coureuses, violentes, avares, etc, etc ...

Mais folles, jamais. La folie, répétons-le, n'était réservée qu'à celles qui acceptaient l'alliance avec l'illustre famille. Ce démon redoutable paraissait, somme toute, possédé par quelque jalousie d'origine aussi douteuse qu'inexpliquée.

Des "petites maisons", comme on disait sous Louis XIV, jusqu'aux tristes asiles que les théories freudiennes n'avaient pas encore inondés de leur gloire dans la première partie du XXème siècle, les Vourges avaient périclité à un point tel que, au moment où commence notre nouvelle, la famille est officiellement éteinte. L'Hôtel particulier que ses membres possédaient à Paris et qui fut le théâtre de tant de drames a été racheté et rénové par un excentrique, un certain Morgan, qui atterrit un jour dans le bureau du directeur de l'Agence théâtrale Norbert-Robert, en quête de comédiens pour une représentation dont les héros ne seront autres que les anciens marquis de Vourges. C'est du moins ce que comprend tout d'abord Norbert-Robert en personne avant de réaliser que son visiteur recherche en fait des comédiens à demeure qui, chaque nuit, viendront chez lui pour s'y livrer à une sorte de représentation à très, très long terme, dans le style de la "commedia dell'arte", dont l'argument central sera la mort de Gilles de Vourges, empoisonné par sa malheureuse épouse, une ancienne danseuse (à la longue, les Vourges ne trouvaient plus à se marier dans leur milieu), Adeline.

Les rôles sont bientôt répartis mais Morgan, qui a entretemps révélé au directeur de l'Agence théâtrale, désormais embarqué dans l'aventure en qualité de régisseur, que sa fortune lui venait du métier de medium qu'il avait exercé de longues années avant que sa santé ne le lui interdît, veut à tout prix adjoindre à tous ces comédiens représentant des personnages bien réels une actrice supplémentaire, qui n'aurait aucune ligne à dire mais qui, par ses apparitions opportunes sur l'immense théâtre de l'ancien Hôtel des Vourges, symboliserait l'Alouque, nom qu'on avait fini par donner au démon de sinistre mémoire.

Si Norbert-Robert n'a guère eu de peine à découvrir les comédiens correspondant aux personnages des Vourges et de leurs domestiques ; s'il n'a pas eu plus de difficulté à faire accepter ses choix par son commanditaire, il en va tout autrement quand il s'attaque au problème de l'Alouque. Il épuise vingt-sept candidates, toutes plus acceptables les unes que les autres, pour aboutir à un refus catégorique de la part d'un Morgan qui ne se décourage pourtant pas. Et il n'a pas tort, le bougre puisque, un soir, se présente chez lui une femme au physique impressionnant, qui lui dit s'appeler Araxe mais qui, quoique parfaitement apte à comprendre ce qu'on lui demande, éprouve les plus grandes difficultés à s'exprimer en notre langue. Qu'à cela ne tienne : son rôle est muet et, avec ce physique qu'elle a, elle EST l'Alouque ...

Le rideau peut donc se lever sur des comédiens au départ un peu gênés - ce qu'on leur demande dépasse la simple "commedia dell'arte" en ce sens que, s'ils ont bien une trame à suivre, ils ne font en fait, nuit après nuit, que reprendre les mêmes gestes et le même argument - mais qui finissent par s'adapter. Au milieu d'eux, Araxe évolue avec une sorte de grâce macabre et se montre toujours à bon escient. Norbert-Robert supervise tout cela d'un oeil peut-être trop exclusivement professionnel car il ne saisit pas que, dans les coulisses, la comédienne censée interpréter Adeline, l'Empoisonneuse frappée de folie, met tout en oeuvre pour séduire cette occasion en or que représentent Morgan et sa fortune. Qui mieux est, l'une des si frappantes apparitions d'Araxe dans son rôle fait reculer un peu trop précipitamment le comédien tenant le rôle de Gille de Vourges et voilà celui-ci avec une jambe cassée et trois mois de repos au lit, sans compter la rééducation.

Du coup, le rôle est vacant et, à la profonde stupéfaction de Norbert-Robert, Morgan le réclame à cor et à cris. D'autant qu'il vient de se fiancer avec la comédienne qui joue Adeline ...

Il manque, dans cette fiche, quelques éléments indispensables au puzzle que je vous laisse la joie de reconstituer en toute tranquillité, en vous absorbant dans la lecture de cette nouvelle et, qui sait ? d'autres récits du même auteur. Sachez que vous ne devriez pas être déçus, Jean-Louis Bouquet ayant parfaitement maîtrisé la fin qu'il destinait à cette étrange histoire où le réalisme le plus précis donne une réplique sans faille à un fantastique sombre et sarcastique à souhait, qui porte, à lui seul, l'empreinte amère du Destin lorsque prend la lubie à un fou - je vise ici le marquis Henri de Vourges - de faire joujou avec les Forces de l'Au-delà pour des raisons qui, finalement, n'en valent pas la chandelle ... Bonne lecture ! ;o)
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
[...] ... Où j'éprouvai une immédiate et sérieuse difficulté, ce fut dans la recherche d'une Alouque.

Morgan avait conçu le dessein baroque de matérialiser le fatal démon des Vourges en une silhouette de femme, qui devait rôder silencieusement. C'était là, pour lui, un suprême condiment, l'indispensable goutte d'angustura. Mais autant il s'était montré accommodant pour les premiers acteurs, autant il fut exaspérant dans ce cas-là. Il ne savait dépeindre l'Alouque, et aucune comédienne ne la réalisait à ses yeux. Je lui en présentai vingt-sept sans succès. Je commençais à désespérer, quand un billet de Morgan me parvint à l'agence : "Enfin, nous la tenons ! Venez vite !"

J'arrivai à l'hôtel après la tombée de la nuit. Je ne pus me défendre d'un tressaillement devant l'inquiétante créature que j'aperçus, dressée dans l'aire verdâtre du salon, sous les rayons obliques et durs des lampes murales ; c'était une personne aussi prodigieusement haute que sèche et encore amenuisée par une pauvre tunique collante ; sa face, petite, tirant sur le vieil ivoire, eût semblé belle sans la tare de deux énormes yeux exorbités, au regard fixe, morbide ; quant à sa chevelure, elle paraissait noire au premier abord : mais, à la mieux examiner, elle était d'un roux obscur, plus sombre que le plus sombre acajou.

- "Mademoiselle Araxe," lança Morgan d'un air de jubilation, "sera l'Alouque idéale."

Je lui demandai comment il avait recrutée pareille pensionnaire et il me répondit avec surprise :

- "N'est-ce donc pas vous qui l'avez envoyée ?"

Nous ne sortîmes point clairement de l'imbroglio, attendu que cette Araxe savait tout juste nous faire entendre son nom et pour le reste, roulait les rauques syllabes d'un charabia dans lequel trois idiomes, au moins, se fondaient. Nous dûmes nous en tenir à cette idée qu'il s'agissait d'une artiste orientale, probablement arménienne, et que l'adresse de Morgan lui avait été fournie par quelqu'une des vingt-sept "recalées." Si sommaire que fût le procédé, je n'émis aucune observation, préférant ne plus avoir à m'inquiéter de l'Alouque. Je craignais qu'Araxe ne pût saisir nos instructions mais, si elle était incapable de manier une autre langue, elle la devinait tant soit peu et donnait les preuves d'une intelligence sagace. ... [...]
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[...] ... Durant le repas, l'entretien revint se fixer sur les Vourges. Morgan entreprit un historique de cette famille, à laquelle il portait un intérêt surprenant. Lorsqu'il parlait d'elle, il s'animait, il trouvait des accents sardoniques, comme afin de faire ressortir de ses récits une certaine cocasserie évidente à ses yeux ...

- "Oui, cher monsieur, une mine d'or pour romanciers pessimistes : une lignée marquée du bon vieux signe fatal, avec légende et tout le tralala ! Voici la destinée savoureuse de ces nobles seigneurs : leurs femmes, à peu près invariablement, devenaient folles.

"Leurs femmes ... je veux bien dire : leurs épouses ! On ne signale pas trop de dégâts chez les filles de la maison. Mais malheur à celles qui pénétraient ici par alliance ! Leur tête se fêlait avec une séculaire exactitude.

"A l'origine, bien entendu, on trouve une affaire diabolique. Tels les Lusignan, les Vourges-Ranzay avaient leur fée, mais une fée macabre. La tradition date de 1620.

"A cette époque, le marquis Henri de Vourges venait de rentrer d'un long voyage en Orient. Il s'était abouché, là-bas, avec des juifs et des arabes, il avait acquis des notions d'hermétique, de cabbale ... et, au surplus, une esclave prodigieusement belle, dont les récits n'ont point conservé le nom.

"L'air de Paris ne valut rien à cette splendeur, qui mourut peu après son arrivée. Le chagrin d'Henri fut si profond que cet homme acheta une maison sise ici-même, afin de résider plus près de la dépouille de sa jeune beauté.

"Car nous dînons sur l'emplacement d'une ancienne nécropole : le Cimetière Vert, lequel fut tracé après démolition judiciaire d'un immense hôtel gothique, celui du fameux meurtrier Pierre de Craon. Ce Cimetière Vert appartenait à la paroisse de Saint-Jean-En-Grève, et les marguilliers en vendaient parfois des lambeaux pour solder leurs dettes. La maison d'Henri fut édifiée sur un de ces lots.

"Maintenant, la légende : si Henri s'établit aux confins du champ de repos, ce fut afin de s'assurer du corps de sa belle morte. Ce corps, il le ranimait chaque nuit par art magique, avec le concours d'un démon.

"Remarquez que cette résurrection équivoque est tout-à-fait dans le goût du temps ! Je vous montrerai à ce sujet, un opuscule pharamineux, imprimé en 1613 : il conte l'histoire d'un gentilhomme parisien qui, découvrant une jeune dame inconnue réfugiée sous son porche par un jour de pluie, la retint à souper, réussit à la mettre galamment au lit, mais se trouva, sur l'oreiller, nez à nez avec un cadavre. Le Diable lui avait joué un tour, pénétrant le corps d'une défunte comme la main du praticien en use avec Guignol." ... [...]

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