Pourquoi nous parler si longtemps de ce Hokkaïdo où, vous l’avouez, il n’y a presque rien ?
D’abord parce qu'on en parle jamais, ensuite parce que, pour digérer l’énorme
repas japonais, il faut prendre du recul et se retirer, par exemple, dans cette île négligée, forte seulement de son brouillard, de ses chevaux, de ses prés verts et de son vide…mais de ce vide, quel repos !”
Le capitaine Cook avait une épée et saluait les chefs maoris avec un bicorne aussi brillant que le soleil. La Pérouse distribuait sans compter des fers de hache et des perles de verre bleu. Phileas Fogg ne se séparait pas de sa valise de porc bourrée de bank-notes. J’arrivai sur le pont suiffeux comme une chandelle et sans rien à offrir que le torchon que j’avais à la main. Les voyages ont changé.
A long terme c'est important : si l'on ne peut plus guère progresser aujourd'hui dans l'art de se détruire, il y a encore du chemin à faire dans l'art de se comprendre.
Celui qui n'accepte pas de commencer par faire l'apprentissage du moins est certain de perdre son temps.
Dans l’intervalle qui sépare ces deux trajets j’ai l’impression d’avoir été d’une certaine façon absent de ma vie. Je suis curieux de voir qui du pays ou de moi aura le plus changé.
C'est le propre des longs voyages que d'en ramener tout autre chose que ce qu'on y est allé cherché.
Thème de no: un voyageur fatigué s'endort près d'un puits; l'ombre d'une femme qui s'y était autrefois jetée en sort et danse l'amour malheureux qui l'a conduite à cette fin. Le voyageur se réveille, inexplicablement remué par ce rêve qui - on le sent - va le faire cheminer vers son éveil spirituel. Avec cela on vous tient facilement deux heures en haleine. J'aime beaucoup cette économie et, après tout, une vie humaine contient-elle vraiment plus que cette trajectoire-là? Le reste n'est que péripéties, qu'on a bien raison de ne pas porter à la scène.
Cessez de vous en faire
Et suivez le courant
Si vos pensées sont liées
Elles perdent leur fraîcheur
Seng-t'san
J’ai poursuivi ma route en mâchonnant cette espèce de cuir qui contient tous les goûts de la mer : sel,iode, la trace d’un banc d’anchois où le sillage huileux d’un cargo. En le retournant sur la langue, on a même l’impression d’y sentir la pulsation des marées et le poids de la lune. Cela m’a tenu lieu de déjeuner.
[du kombu]
Je m’en souviens comme d’hier : chaude pluie de juin, de hautes frondaisons vert pâle bougeaient contre un ciel lumineux et gris. Ces mêmes arbres aujourd’hui dessinés par la neige. Dans l’intervalle qui sépare ces deux trajets j’ai l’impression d’avoir été d’une certaine façon absent de ma vie. Je suis curieux de voir qui du pays ou de moi aura le plus changé.