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3,97

sur 877 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Comme à son habitude, l'auteur nous livre un roman rural extrêmement noir et glauque !
Tout est poisseux et poussiéreux, à l'image de ce village isolé, aux habitants pour le moins austères.
Malgré tout, trois personnages se détachent par leurs côtés attachants et bienveillants. On en finit par trembler pour eux tant l'atmosphère est lourde et électrique !

🚨 Attention !! Âmes sensibles s'abstenir !! Certaines scènes sont ignobles !!

Ceci étant dit, j'ai globalement apprécié ce roman même si l'ambiance m'a paru parfois un peu trop lourde et malaisante. J'ai d'ailleurs ressenti un certain soulagement après avoir fini ma lecture, heureuse de pouvoir passer à autre chose !
La fin, justement, est assez énigmatique, laissant le lecteur sur sa faim.
Mais finalement, avec le recul, c'est une fin qui correspond plutôt bien à cette histoire !
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Ce livre plante son action au moment des premières semaines de la guerre de 14, dans un hameau du Cantal, au pied du Puy Violent.
Ces deux éléments constituent l'armature du récit: une façon subtile de parler de la guerre, de ces familles qui voient partir leurs hommes jeunes, qui recevront quelques lettres de leur fils, et aussi, souvent, finalement, une autre lettre, celle d'un colonel annonçant le pire: "il est mort en soldat courageux".
Les familles subissent cela comme un sort implacable, mais ne sont pas fatalistes: elles ne s'en remettront jamais.
Et le coeur du Cantal, la nécessité de faire tourner la ferme, avec l'aide du voisin ami, tout en se méfiant de l'autre, le jaloux, le frustré, le grossier bagarreur, qui croit toujours devoir se venger de quelque chose.
Ces deux thèmes, le poids de la guerre et la vie paysanne, sont magistralement traités.
On pourra trouver plus faible la bluette - s'amouracher de la nièce du voisin ennemi -, et la fabrication bien peu crédible d'un paysan soldat devenu homosexuel au fond des tranchées.
Mais le roman nous tient bien, les couleurs de ce lieu austère, l'implacable sort de ces paysans résignés sont décrits avec talent, si bien que nous le classerons sans hésiter dans la catégorie des bons livres.
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Le « deus ex machina » est, au théâtre comme dans le roman, une solution de facilité, expéditive autant qu'artificielle, destinée à précipiter les choses pour dénouer l'imbroglio et sacrifier au goût ou aux attentes supposés du public. Mais il y a pire que le deus ex machina, c'est le « diabolus ex natura » : le Diable, tout à coup surgi de sa boîte ou tombé des nues… Jaillissant de la cage aux instincts (fauves et sournois, ça va de soi), déboulant dans le fracas de l'orage et le chaos des éléments (terribles et éperdus, comme de bien entendu) ou (pourquoi pas, tant qu'on y est ?) pointant son nez camard depuis « des mondes parallèles », comme dans "Glaise", le roman de Franck Bouysse.

L'instant d'avant, on était installé dans une chronique paysanne avançant au pas lent ou lourd de la mule et des boeufs, au rythme de l'évolution des saisons et des liens entre générations, en prenant le temps de détailler les changements d'humeur et de visage de la nature autour de soi, de laisser se désengourdir, venir au jour et prendre forme les sentiments ou émotions les plus neufs et les plus universels, les pensées les plus simples et profondes, de s'attacher à des personnages entiers et complexes qui ne se livrent qu'à tout petits coups, bourrus et chiches. Car il faut dire que Franck Bouysse excelle à décrire, d'une plume aussi lyrique que vigoureuse, les parures changeantes du ciel, de la montagne ou des champs, à ethnographier comme pas un les travaux et la vie à la ferme, à brosser, en traits aussi bruts, économes et sagaces que leur être-au-monde, ces terriens qu'il aime et connaît bien, ou encore à coller sur la psychologie des personnages les mots qui manquent à ces taiseux et qui semblent pourtant les leurs tant ils leur correspondent. Les chapitres de présentation de "Grossir le ciel" sont à ce point de vue absolument remarquables : un condensé de toutes les qualités d'écriture et de sensibilité de l'auteur et un petit chef d'oeuvre de littérature. Ainsi porté par le souffle généreux et la langue haute en couleurs de Franck Bouysse, on suit et on vit avec intensité ce drame humain dont tous les fils se resserrent inexorablement sous la tension des passions et la logique interne des destins à laquelle le hasard vient seulement donner quelques coups de pouce.

Et puis voilà qu'à quelques encablures de la fin tout se précipite, le Diable s'en mêle, tout s'emballe et tout dérape, les fils de ce petit monde humain touchent ceux des puissances infernales et ténébreuses, et c'est la déflagration, l'embrasement général, l'apocalypse… Dans "Glaise", le Méchant a vu soudain le diable et, d'horreur, il bascule à la renverse par une trappe, s'écrase quatre mètres plus bas, auprès de sa femme qui de son côté vient d'accoucher seule, dans l'étable, d'un bébé fantôme, lui tétraplégique à vie, elle définitivement folle, l'enfer à demeure. Quant au héros, sorti halluciné de tout cela, il se voit foudroyé sur le champ, comme l'avait été son père avant lui, et si l'éclair ne le tue pas (on apprend incidemment qu'il mourra peu après sur le front), il lui arrache pourtant d'un coup et son âme et son amante, foudroyée à ses côtés. Dans "Grossir le ciel", le diable (qui, nous dit-on, « habite au paradis ») se dissimule, à la faveur d'un quiproquo, sous les traits d'un fils monstrueux surgi inopinément et déclenche là aussi catastrophes, révélations et rebondissements en cascade : du meurtre d'un chien à un parricide, puis un fratricide, avant que le héros-assassin-malgré-lui, emporté dans cet enchaînement diabolique, ne disperse ses bêtes et sa vie, se jette dans les pattes de ses tueurs (les « suceurs de bible », qui sont en fait les sbires du grand satan) et aille à son tour, avec tous ces défunts de fraîche date, « grossir le ciel »… Trop c'est trop. Trop de rebondissements gratuits, trop d'invraisemblance, trop de violence complaisamment étalée, trop d'aléas rompant le fil de la nécessité…

Pourquoi cet excès et cette surenchère ? On sait que le deus ex machina a été inventé comme une concession de l'auteur au goût ou à la morale du public quand le premier ne se résout pas à rendre les armes au second sans un clin d'oeil à la cantonade. Pour ne pas succomber au marché de dupes… Y aurait-il quelque chose de cet ordre dans la « diabolisation » façon Franck Bouysse ? Des romans profondément humanistes, lyriques sans mièvrerie, réflexifs sans cuistrerie, badigeonnés en (faux) polars, en (faux) thrillers ? Ce qui apparaît comme une faiblesse du roman, comme une facilité de l'auteur serait alors imputable à la nécessité de prendre le lecteur par son point faible, de sacrifier au goût du jour ou à la mode ? Il semble bien, en effet, y avoir une tendance en ce sens dans les fictions actuelles, littéraires, cinématographiques ou télévisuelles. Comme si notre sensibilité engourdie, notre intelligence endormie ou notre volonté blasée avaient besoin d'un traitement de choc pour s'ouvrir un tant soit peu… Mais, à supposer même qu'il en soit ainsi, faut-il toujours et nécessairement traiter le mal par le mal (au risque d'y faire allégeance et de pactiser avec lui), et, d'autre part, la parodie marque-t-elle une distance suffisante quand la sagesse conseille de toujours venir à la table du diable muni d'une « longue cuillère » ?
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C'est le quatrième livre de Franck Bouysse que je lis et je ne m'en lasse pas. Cette belle écriture qui décrit à merveille, qui sait planter un décor, camper des personnages et faire vivre des dialogues au cordeau. Ce roman nous plonge dans le monde des familles rurales, pauvres, touchées par la grande guerre, avec ses peurs, ses doutes et ses chagrins. Un peu comme dans "Grossir le ciel", Franck Bouysse, et parfois sans ménagement, nous immerge dans les foyers de l'époque où haine, jalousie, violence, rencoeur et autres méchancetés se mêlent, mais aussi où l'amour et la vraie amitié tentent de survivre. Une belle tranche de vie qui m'a laissé un peu triste à la fin. Un beau et fort roman à lire absolument.
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Avec ce titre évocateur de l'enlisement, un sol qui colle à la peau, Franck Bouysse décrit de belle manière le monde rural de la guerre 14-18. le roman se passe dans l'arrière cour des grands faits de la plus grande boucherie de l'histoire. La campagne, c'est le Cantal, un monde où l'on met ses enfants à l'abri du front, presque oublié de la guerre des tranchées où les soldats s'entretuent... les soldats Victor, Eugène, les "absents présents" de ce roman, qu'on attend, qu'on espère de retour en vie. Les familles voisines dans les montagnes, avec leurs vieilles rancoeurs, isolées de tout, sauf du facteur dont on craint ou espère les nouvelles...
Mais la glaise c'est aussi cette matière que pétrit Joseph pour en faire des petites oeuvres d'art, c'est la terre des vivants, de leurs rêves, de leurs cauchemars aussi... Selon Franck Bouysse c'est la matière conçue et pétrie par le regard et la vie des personnages : l'amour qui nait entre Joseph et Anna, le vice et la violence de Valette, la folie qui s'empare d'Irène, la solidarité qui lie Léonard à ses voisins, la nécessité de survivre de Mathilde, la dure vie de labeur de Marie...
Franck Bouysse montre le poids de l'absence, la difficile attente...
Il ne se passe pas grand-chose, l'ambiance est lourde, mais jamais ennuyeuse. Comme souvent dans ses ouvrages, Frank Bouysse écris très bien les petites choses de la vie de ces personnages, les enrichis. Il sublime ces "choses de riens" qui font tout un univers. C'est un très beau roman.
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L'histoire : 1914, dans les montagnes, trois fermes à l'écart du village. Dans l'une d'elles, Joseph, 15 ans, va se retrouver seul homme de la maison car son père est mobilisé. Il reste avec sa mère et sa grand-mère pour tenir la ferme. Dans les deux autres fermes, il y a d'un côté le vieux Léonard, qui aidera Joseph, et de l'autre Valette et sa femme, leur fils Eugène est parti à la guerre, et bientôt arrivent sa belle-soeur et sa nièce, deux citadines venues se réfugier là pendant que le frère honni de Valette est au front. Les caractères sont bien trempés, les rancunes tenaces, le travail difficile, surtout qu'il fait très chaud en cet été 1914.



Mon avis : un roman lent très agréable à lire. Grâce à l'écriture toujours aussi ciselée et magistrale de Franck Bouysse, on est de suite transporté au coeur du Cantal, dans ce village De Saint-Paul, où tout le monde se connaît, où la donne est radicalement changée par cette guerre lointaine, où la chaleur est écrasante, omniprésente. Les liens entre les fermiers sont particuliers, Léonard et Joseph d'un côté, Valette de l'autre, et nous allons progressivement comprendre le présent à la liumière de leurs passés. Bien sûr, beaucoup de choses vont être chamboulées par la nouvelle donne liée à la guerre : moins d'hommes présents, ceux qui ne sont pas partis vivent différemment les choses, Hélène et Anna sont là, on est inquiets pour les hommes qui sont au front. Tous les rapports de dominance, de pouvoir sont bouleversés. Et ça va être redoutable ! Un excellent roman, un peu lent comme écrasé de chaleur, un peu bourru comme nos personnages, presque taiseux. Comme toujours avec Franck Bouysse, un feu d'artifice d'émotions d'autant plus saillantes qu'elles sont contenues, de sentiments mélangés, de rusticité. Un régal !


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Les habitués de Franck Bouysse ne seront pas dépaysés par le décor de "Glaise" puisqu'une fois encore, l'auteur nous immerge dans l'isolement d'un hameau de montagne peuplé d'une poignée d'êtres rudes et laborieux. En revanche il nous fait cette fois remonter le temps, jusqu'à la sombre année 1914. Avec la mobilisation des hommes, le monde rural a perdu ses bras, dont les femmes, les enfants pallient l'absence, en assumant le travail de la terre et l'entretien du bétail.

Victor Lary est de ceux qui sont partis. Sa femme Mathilde, sa mère Marie et son fils Joseph font tourner la ferme avec l'aide de leur vieux voisin Léonard.

Valette, invalide suite à une blessure à la main, est resté, lui, mais il y serait bien allé, au front, pour leur montrer ce que c'est qu'un homme, un vrai. A la place, c'est Eugène, son inutile et imbécile de fils, qui a rejoint les troupes de l'est. Valette est un homme avide, sournois, qui noie ses rancoeurs et ses frustrations dans l'alcool. Marié à une femme mesquine et revêche, il n'a jamais pardonné à Léonard d'avoir vendu ses terres aux Lary, pourtant moins offrants, mais plus respectueux des bêtes et du sol. Les circonstances donnent du pouvoir au couple, qui accueille sa belle-soeur Hélène et sa nièce adolescente Anna, que leur mari et père, instituteur devenu officier, a voulu éloigner du front. Les deux citadines découvrent une campagne dénuée de tout romantisme, avec ses odeurs, sa saleté, sa laborieuse routine, et affrontent avec l'humilité craintive de celles qui se sentent redevables la méchanceté triomphante de leurs hôtes.

Au cours du caniculaire été 14, Joseph Lary grandit, découvre l'amour avec Anna, se débattant avec l'idée d'un bonheur qui se heurte à la culpabilité de savoir son père à la guerre. Issu d'un univers où le chagrin et même la joie se taisent, où l'angoisse se ravale, le jeune homme découvre avec circonspection mais aussi avec une absolue sincérité l'éblouissement des plaisirs du corps.

Les adultes qui l'entourent, eux, s'absorbent dans le détail des gestes quotidiens, entretiennent ce laconisme séculaire qu'ils imaginent être le seul remède à la douleur ou à l'inquiétude. Car c'est un monde où il est inculqué que les mots ne sont que désinvolture de l'esprit s'ils ne sont pas rattachés à des gestes concrets, qu'ils ne doivent être inspirés que par la raison, pas par la légèreté, et encore moins par la folie. La vie même y est pragmatique, les unions dictées par les impératifs d'une terre qui suscite attachement ou avidité, cristallise soif de possession ou sentimentalisme, dont on tire sa subsistance et dans laquelle on enterre ses morts.

Mais la détresse s'invite pourtant, à la faveur de la solitude, ou par l'intermédiaire d'une réminiscence traîtresse. On la garde certes pour soi, mais on se révèle soudain plus sensible à la beauté d'une nature pourtant familière, on se retranche derrière une agressivité coupant court à toute discussion face aux questions de l'autre… La tragédie collective crée cependant peu à peu de nouvelles relations, un semblant de rapprochement, sans jamais aller toutefois jusqu'à la confidence. Certains stagnent du côté des morts, d'autres choisissent la vie, dépassent le chagrin.

Bien qu'ayant apprécié "Grossir le ciel" et "Plateau", j'y avais parfois été gênée par un certain excès de lyrisme. Or, j'ai trouvé qu'avec "Glaise", Franck Bouysse avait trouvé le parfait équilibre entre noirceur et poésie, entre éloquence et crédibilité. Ses images sonnent toujours juste, le texte se déroule sans accrocs, porté par une verve qui ne tombe jamais dans la grandiloquence. La cruauté, l'hypocrisie, les secrets et les maux qui stigmatisent, mais aussi l'amour et l'espoir, sont ainsi exprimés dans toute leur force et leur complexité.
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Août 1914, hameau Chantegril, au coeur du Cantal, que veille le Puy Violent. Victor s'apprête à partir à la guerre, laissant derrière lui sa femme et son fils, Joseph, 15 ans. Non loin de leur ferme, vivent deux autres familles : deux vieillards, ainsi que Valette, brute épaisse et répugnante. Il va devoir accueillir la femme de son frère, mobilisé lui aussi, et sa fille, Anna. Valette ressasse une rancoeur qui l'empoisonne, celle de ne pouvoir combattre, la faute à une main mutilée. La venue des deux femmes d'un autre monde va bouleverser le microcosme de ce milieu rural aussi clos que les secrets qu'il enferme dans un silence opaque.

« Glaise » est un superbe roman noir écrit par Franck Bouysse qui explore dans une intrigue dense diverses thématiques. Au centre de l'oeuvre, la nature déploie la majesté de sa puissance, mise en valeur par le style envoûtant de l'auteur. Qu'elle soit sauvage ou apprivoisée par l'homme lors des travaux de la ferme, sa beauté irradie une intrigue pourtant bien sombre.
Dans ce monde rude et renfermé, la guerre semble lointaine. Elle se manifeste çà et là par quelques rumeurs glanées au village ou se matérialise soudain par une lettre que la factrice viendra porter après des heures d'effort au coeur de la neige, ou encore par le passage de ces soldats qui viennent réquisitionner des vaches, au nom de l'effort de guerre. Dans ce hameau perdu, c'est un autre tumulte qui va emporter ses rares habitants, comme un écho lointain et assourdi d'une guerre qui ressemble d'ici à une fiction.
Joseph va connaître l'émoi d'une passion aussi soudaine qu'impérieuse et dévorante et l'orage qui a emporté, il y a longtemps, son grand-père, vient le consumer de l'intérieur. C'est que le Puy Violent domine le hameau, étendant l'ombre et la portée de son nom sur ceux qui le regardent. Fidèle à ses instincts, Valette étend sa violence et sa soif de possession à ceux qui entravent son chemin. Quant aux femmes, elles s'efforcent de museler au mieux leurs espoirs ou de les convertir, pour tenter de rester en vie, résister à l'appel du gouffre.
Roman de passion et de fureur, « Glaise » offre, pour qui sait prendre le temps du cheminement complexe et sombre des âmes, un moment de lecture étourdissant.
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je continue la découverte de l'oeuvre de Franck Bouysse après Né d'aucune femme et Buveurs de vent voici mon retour sur Glaise.
L'auteur a ici l'art de nous raconter la vie de paysans du Cantal. Dans ce village dit Chantegril, on va à la rencontre de la vie de ces petites gens dont les hommes, les fils sont mobilisés, c'est l'été 1914, ils doivent partir à la guerre.
Seuls les plus jeunes, les femmes et les invalides restent pour s'occuper de leur ferme. D'un côté, il y a la propriété de Joseph, sa mère et sa grand-mère et de l'autre, Valette et sa femme qui accueillent la femme de son frère Helene et sa fille Anna.
Les 2 plus jeunes, Joseph et Anna vont se trouver.
L'attente est permanente, l'histoire s'écoule avec les saisons et le travail à la ferme. La tension est palpable.
L'espoir de recevoir un courrier, une lettre de l'homme de la maison, de lui voir accorder une permission.
Il ne se passe pas grand chose et pourtant, je n'ai ressenti aucun ennui. Je m'attendais toujours à un événement qui allait casser le rythme. Et les quelques événements sont suffisants pour te happer dans cet univers rural, ce paysage, ces personnages dont Léonard, un autre voisin auquel je me suis attachée comme Anna et Joseph.
Ce roman fourmille de détails sur le terroir, les outils, la nature, le labeur : le vrai côté de la vie. La mère de Joseph est admirable d'abnégation, elle travaille sans relâche.
c'est écrit d'une plume très précise et parfois crue, comme ce Valette, personnage le plus détestable. J'ai ressenti toute sa haine et sa rancoeur, la rage qui l'habite de ne pouvoir être un homme comme un autre.
Bref vous l'avez compris, j'ai aimé ce roman fort et noir et passionnant.
J'ai noté plein de mots que je ne connaissais pas comme Emblaver / les laîches / andain, etc.
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La terre, le feu lointain, les passions proches

Août 1914. Dans la touffeur de l'été, au coeur du Cantal, tous les éléments d'un drame rural se mettent lentement en place. Alors que les hommes sont mobilisés et qu'à terme, des bataillons de pauvres bougres, campagnards comme citadins, s'enliseront dans les tranchées pour y connaître l'enfer, on est ici convié dans les coulisses de la Grande Guerre. On verra donc ce que deviennent, pendant ce temps-là, un homme trop vieux pour combattre, un autre qui ne l'est pas assez, quelques femmes et un invalide.

L'histoire se focalise sur Joseph, quinze ans. Avec son père parti au front, il devient du jour au lendemain l'homme de la maison pour prêter main forte à sa mère et à sa grand-mère dans la ferme familiale, aux côtés de Léonard, son vieux voisin et ami. Il liera bientôt connaissance avec la belle Anna, venue de la ville avec sa mère se réfugier dans la propriété voisine, la ferme des Valette où le maître des lieux est tenu à l'écart du conflit à cause d'une main atrophiée.

Mon avis :

Premier livre que je lis de cet auteur, il y en aura sûrement d'autres. Le moins qu'on puisse dire, c'est que celui-ci a finement ciselé sa prose. Dentellier des mots, il les façonne pour en extraire de saisissants tableaux. Les scènes champêtres défilent sous nos yeux au rythme des saisons, le long de descriptions naturalistes très démonstratives, d'envolées lyriques qui mettent pas mal de temps à redescendre et de dialogues percutants. La terre et son calme apparent, une autre notion du temps qui passe loin du tumulte des obus, les feux des passions voisines, la tension qui monte crescendo jusqu'au bouquet final. Tout ceci est restitué à la perfection et il est bien évident qu'on a affaire à une excellente histoire de terroir, mâtinée de tout le romanesque tragique nécessaire pour en faire une saga paysanne à succès.

Petit bémol, qui a quelque peu tempéré mon enthousiasme, c'est que les situations sont parfois convenues et la « psychologie » des personnages manque aussi de nuances. Dommage car je me dis juste qu'avec un talent pareil, l'auteur aurait pu aller beaucoup plus loin pour gagner en profondeur.

Pour ces paysans besogneux et durs au mal, « être forts », en plus d'abattre un boulot de bête de somme, n'a pas d'autre sens que celui de ne jamais montrer ses faiblesses. Et là, plus les caractères sont marqués, plus les failles sont abyssales. Pour ce qui est du très très méchant, en l'occurrence le dénommé Valette, dont on se demande tout au long du récit où vont s'arrêter son pouvoir de nuisance et ses réactions primaires, l'auteur n'y est pas allé avec le dos de la fourche à fumier. Rien ne nous est épargné. À son handicap physique, il semble bien que l'affreux bonhomme cumule quelques tares mentales. Sinon que justifierait tant de sauvagerie ? On suppose que c'est pour éviter de sombrer dans la folie – même s'il est quand même pas mal ravagé – qu'on le voit déployer une bestialité phénoménale.

En tout cas, gentils comme méchants partagent la condition de paysans rustauds et taiseux, qu'on doit découvrir et deviner pas à pas sans jamais s'attendre à ce qu'ils s'épanchent pour confier leur misère. Même s'ils en ont gros sur le coeur.
De plus quoi de mieux que les vicissitudes de la guerre pour rapprocher deux mondes – deux univers même – que tout sépare ? Qu'à cela ne tienne, la touche d'exotisme sera apportée par Anna et sa mère Hélène, les deux citadines obligées de faire contre mauvaise fortune bon coeur. On constatera néanmoins que la fille va bien mieux s'acclimater à la rudesse ambiante. Née pour une vie insouciante, la donzelle ne peut que se jeter dans les bras du premier (et l'unique) bon p'tit gars disponible, qui n'est pas mal de sa personne non plus et qui lui fera vivre des expériences fascinantes.

Pour lire entre les lignes :

Malgré cela, je reconnais au livre le mérite de se pencher sur le sort de ceux qui n'ont pas fait la guerre mais qui, à leur façon, en subissent la cruauté. Sont aussi mis en évidence, dans le contexte d'une époque, le cynisme des décisions prises en hauts lieux et le fatalisme résigné des petites gens. Cette histoire pointe aussi du doigt comment les femmes ont conquis une place dans leur environnement – et a fortiori un rôle dans la société – parce que les hommes faisaient défaut… Même si on ne peut que déplorer qu'une « bonne guerre » ait servi de catalyseur.
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