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Citations sur La croix et la bannière (22)

Là se retrouvait le redoutable effet secondaire de la timidité : parce qu'il manquait de la confiance en lui nécessaire pour refuser, rejeter, et passer son chemin, il lui était beaucoup plus facile de se conformer. Cet abominable après-midi, quand Mélissa entrée en coup de vent les avait découverts, il ne faisait pas l'amour à Agnès : il se conformait.
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"Salut, dit Beckman. Bière ?
_ S'il vous plaît."
Une bouteille de bière au long goulot atterrit avec bruit sur le comptoir et fut décapsulée d'un coup sec.
_ "Puis-je avoir un verre, s'il vous plaît ?" dit Henderson sans réfléchir.
Le barman lui jeta un regard lourd de soupçons - comme s'il avait demandé où se trouvaient les toilettes pour dames - avant de farfouiller sur des étagères sous le bar et de lui offrir un verre épais, rayé et à moitié opaque.
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Il songea un moment à ses prochaines retrouvailles avec Irène. Elle n'avait pourtant pas un caractère à pardonner aussi vite. Peut-être lui avait-il manqué ? Peut-être, spécula-t-il, était-elle tombée amoureuse de lui ? Mais il s'avéra que cette hypothèse dépassait les pouvoirs de son imagination.
Il s'installa sur son instrument de torture et attendit que la nuit passe. De temps à autre, grondements et détonations alarmants s'échappaient de son estomac gonflé à mort. Ce dont il avait besoin, c'était de nourriture molle : de cholestérol, de carcinogènes et de viande rouge. Le régime d'Alma-May était trop râpeux : plus fait pour un animal, un robuste herbivore, un chameau ou une girafe; une bête avec une gueule remplie de molaires meulières et pour qui déchiqueter une écorce d'arbuste représentait le plus exquis des repas. Son type d'homme à lui, modèle XXème siècle, n'était pas conçu pour de telles rigueurs. S'il ne recevait pas de monosodium de glutamate dans les prochaines vingt-quatre heures, il risquait la crise d'épilepsie.
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Henderson avait été tout d'abord et aussitôt attiré par Irène parce qu'elle ressemblait énormément à une fille qui travaillait chez un boucher, en Espagne, et autour de laquelle il avait tissé de brûlants fantasmes sexuels qui avaient animé, quelques années plus tôt, des vacances par ailleurs banales et sans intérêt. Il achetait de la viande à cette fille deux fois par jour, parfois même trois, sans jamais rien dire d'autre que jamon, chuletas de cerdo, es todo, gradias. La fille, au contraire de ses clients bronzés ou rougeoyants, était pâle comme si elle n'allait jamais au soleil. Elle avait des épaules larges et des bras solides. Elle découpait la viande avec force et habileté. Debout de l'autre côté du comptoir de marbre ensanglanté, Henderson avait du mal à respirer lorsqu'elle lui tendait des sacs de plastique lourds et gluants remplis de côtelettes, steaks, foie, blancs de volaille et tout autre morceau dont il pouvait dénicher le nom dans son dictionnaire. Comme il habitait l'hôtel, il lui fallait jeter le tout en chemin. Cet été-là, il dépensa une fortune en chair non consommée.
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"Nous voulons tous être heureux et nous allons tous mourir. On peut dire que ce sont les deux seuls vrais et incontestables faits qui s'appliquent à chaque être humain sur cette planète"
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Henderson laissa échapper un cri de surprise. Il avait entendu parler de cette nouvelle race d'établissements américains : l'hôtel sur le thème pays des merveilles, cathédrale séculière, parc de verdure, mais son imagination n'avait pas été à la hauteur. Les plantes poussaient partout, les fontaines jaillissaient, la lumière était pâle, neutre et sans ombres.
Un cow-boy s'approcha et lui tendit une pagaie.
"Grands dieux ! Mais c'est pour quoi faire ?
_ Pour la pirogue, Monsieur.
_ Vous voulez dire qu'il faut que je pagaie jusqu'aux ascenseurs ?
_ Je peux le faire pour vous, Monsieur, mais beaucoup de nos invités préfèrent naviguer eux-mêmes.
Il vit un couple intrépide s'embarquer, la femme piaillant de délice.
Le cow-boy le conduisit vers une pirogue, déposa la valise à l'avant, l'aida à embarquer et...lui donna une poussée : "Bon séjour au Monopark 5000."
Henderson se retrouva dérivant au milieu du lac. Hésitant, (il) trempa le bout de sa pagaie dans l'eau et donna deux légers coups. La pirogue glissa trop facilement et alla frapper le flanc d'une autre (embarcation).
_ Pardon ! dit-il en riant. Je n'ai pas encore attrapé le coup! Ha ha !
Il enfonça sa pagaie et la pirogue décrivit un bel arc, passant sous la proue de navigateurs plus compétents.
"Hé ! Gaffe aux rapides ! lança l'un d'eux.
_ Comment ? cria-t-il, un peu inquiet, par-dessus son épaule. Il ne lui paraissait pas inconcevable que dans sa poursuite fanatique de la vérisimilitude, la direction de Monopark 5000 eût installé de véritables chausse-trappes naturelles : rapides, hauts-fonds, alligators.
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Il regarda son thé refroidir, un goût métallique dans la bouche. Son indécision fit monter en lui une vieille colère. Que voulait-il vraiment de la vie ? Irène ou Melissa ? Toujours en supposant qu'elles veuillent bien de lui... Il était fatigué de sa propre compagnie, il s'en rendait compte : il voulait l'infliger à quelqu'un d'autre avant d'être trop vieux et qu'il ne soit trop tard.
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Ce n'était pas la première fois qu'il était placé dans une situation de ce genre : il reconnaissait le bon chemin, il reconnaissait le mauvais et il choisissait le mauvais.
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Ils s'approchèrent du comptoir. Deux bières furent produites d'office - pour Henderson un verre accompagné par un regard de pitié condescendante de la part du barman poitrinaire et de coups d'oeil curieux du côté de la bande des copains perpétuellement rigolards.
"Vous frappez pas, le réconforta Beckman. De toute façon, ils vous prennent tous pour des pédés, vous les Anglais."
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Malheureusement sa mauvaise humeur parut détendre Bryant comme si celle-ci n'avait été jusqu'ici irritée que par sa conscience même de leur relation adulte-enfant. Elle mit la radio... (et) proféra des remarques du genre : "Hé ! Regardez cette chouette bagnole !" ou bien : "J'ai passé un week-end à Philadelphie, une fois." Henderson confina ses réponses à des monosyllabes. Puis elle dit :
_" Vous savez que vous avez vraiment plein de poils qui vous sortent des oreilles ?"
Henderson le savait parfaitement : cela faisait partie de la liste des changements physiques alarmants qu'il avait enregistré récemment. Et tant qu'on y était, il avait aussi beaucoup trop de poils dans les narines pour son goût. Il n'avait certainement pas envie qu'on le lui rappelât.
"Ce sont des choses qui arrivent, tu sais, dit-il. En vieillissant le corps change. Ca t'arrivera à toi aussi. Lorsque tu seras une dame d'âge mûr, il se passera dans ton corps des choses qui ne te feront pas tellement plaisir.
_ Je me ferai faire de la chirurgie plastique.
Elle haussa les épaules :
_ Bon et alors quel âge avez-vous ?
_ Trente-neuf ans.
_ C'est tout ?
_ Comment ça, c'est tout ?
_ J' sais pas. Je croyais que vous étiez plus vieux. Je veux dire Grandpa Wax a aussi des poils dans les oreilles. Vous en avez presque autant que lui. Alors j'ai cru que vous étiez, vous comprenez, plus vieux."
Henderson se sentit rougir. Ce culot. Petite garce. Il essaya de penser à une manière de prendre sa revanche.
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