Citations sur Solo, une nouvelle aventure de James Bond (29)
"Vous voilà de retour, Mr Bond, ça fait plaisir de vous voir"...
Au bas de chaque photo figurait le nom « Astrid Ostergard ». Ainsi, dans une autre vie, Bryce Fitzjohn était Astrid Ostergard. Un nom qui paraissait familier à Bond. Où l’avait-il déjà vu ? Il feuilleta le tas de clichés : une actrice, une danseuse, un mannequin ? Une prostituée de haut vol ? Il fut tenté de prendre une photo en guise de souvenir.
Il se surprit à repenser à elle, à son long corps mince et séduisant. Un petit frisson de désir animal lui parcourut le bas-ventre. De concupiscence, en fait. L’instinct préhistorique : celle-là, elle est à moi. Il n’avait pas connu cette sensation depuis longtemps, il devait l’avouer.
Bizarrement, un poney shetland gisait mort sur la pelouse ovale cernée par le sentier de gravier de l’allée. Aucun véhicule en vue, tout paraissait calme et désert. Les hommes de Brodforce étaient accroupis parmi les arbres du parc boisé du château, tandis que le major Brodie inspectait le bâtiment avec ses jumelles. Des oiseaux chantaient très fort, se rappela Bond. Une brise soufflait, légère et fraîche.
Il semblait que le château de Malflacon eût été la cible, le jour du Débarquement, d’une attaque de roquettes par un Hawker Typhoon. La façade de pierre ancienne était creusée par les impacts des RP3 du Typhoon, et l’aile gauche du bâtiment avait été incendiée, les poutres du toit exposées, noircies, encore fumantes sous le soleil naissant.
« Est-ce vous qui me suivez, ou est-ce moi qui vous suis ? dit-elle.
– On se rencontre beaucoup, vous avez raison », répliqua Bond en tendant la main : « Mon nom est Bond. James Bond.
– Bryce Fitzjohn », dit-elle.
Ils se serrèrent la main. Bond nota les ongles, coupés court, sans vernis – ce qui lui plut –, et la pression ferme.
« Célébrez-vous toujours votre anniversaire en solo ?
– Pas toujours. Mais cette année je n’avais pas envie de compagnie. »
Pourquoi rêvait-il de la guerre ? Il s’aventurait rarement dans la forêt hantée que constituaient ses souvenirs de cette époque. Il se passa les mains dans les cheveux, avala sa salive, la gorge sèche, irritée. Trop d’alcool hier soir ? Il prit le verre d’eau à son chevet et but quelques gorgées. Puis se rallongea et repensa aux événements du 7 juin 1944.
Bond se réveilla et se redressa dans son lit, agité et troublé par ce rêve, son intense vivacité et son étrange précision. Son cœur battait très fort, aussi fort que lorsqu’il marchait le long de ce sentier boueux, droit vers son but, après avoir dépassé les parachutistes morts. Il songea à la date. Il pouvait la situer très exactement : c’était en fin de matinée, le 7 juin 1944, le lendemain du Débarquement, le jour J plus un.
Dans un champ, au-delà du fossé, un fermier derrière ses deux chevaux de trait labourait sa terre comme s’il n’y avait pas la guerre et que ces morts et cette petite patrouille de commandos remontant tant bien que mal, l’œil aux aguets, l’allée menant à sa ferme, n’avaient rien à voir avec sa vie ni son travail.
Dans son rêve, à un tournant, il apercevait sur le bas-côté de la route boueuse, au creux d’un fossé peu profond, les corps détrempés de trois parachutistes anglais, les uns sur les autres. Choqué, il s’arrêtait d’instinct pour les regarder – le tas inerte qu’ils formaient aurait pu passer pour une bizarre levée de terre, une grosse excroissance végétale en train de pousser là, et non pour trois êtres humains –, mais un hurlement furieux venu de l’arrière lui ordonna d’avancer.