Nombreux sont les livres écrits sur la 1ère guerre mondiale, soit par des combattants qui ont vécu l'horreur, "Le Feu", "Ceux de 14" de Genevoix, "A l'ouest rien de nouveau", soit par des romanciers y compris récents qui reçurent des prix littéraires, "Au revoir là-haut", "Le Garçon"…ces listes ne sont bien sûr pas limitatives.
Tout avait été dit, semble-il et puis c'est si loin…
Ceux qui ont eu comme moi, des grands-pères anciens combattants, ont entendu de leur part, quelques mots dans les années 50-60, quelques rares souvenirs, évoqués souvent les yeux humides. Ces hommes n'aimaient souvent pas parler de ces années, et souhaitaient éviter ces horreurs aux gamins que nous étions. "Plus jamais ça !"
Une vieille indienne Niska, a remonté la rivière dans son canoë, pour aller chercher, à la gare, Elijah, mais c'est son neveu Xavier qui vient regagner après de 3 ans de guerre en Europe.Xavier, indien Cree, est amputé d'une jambe, il calme ses douleurs, et ses angoisses aussi, grâce à ses dernières ampoules de morphine, dont il est devenu dépendant.
Il ne courra plus les bois.
Il revient seul. Son ami d'enfance Elijah a été tué. Tous deux s'étaient engagés dans le contingent canadien, aux côtés de quelques autres indiens.
Xavier, couché dans le canoë, enfermé dans son silence, sa douleur et sa peine, raconte petit à petit, pendant 3 jours, à Niska ces années de guerre, cette horreur, les allemands, les gradés, le froid, la pluie, les offensives, les contre- offensives, les tranchées, les gardes de nuit, les corps à corps baïonnette en avant, les bleus, les morts, les blessés, la boue, les obus, les cris et remises de décorations et les défilés, et les fusillés pour l'exemple…l'horreur est là : le récit d'un homme blessé dans son corps et dans l'âme, un homme face aux horreurs qu'il a vécues et à celles qu'Elijah et lui ont commises. Des moments et des situations qui le hantent.
Un jour, on gagne quelques mètres, pour les perdre le lendemain.
Et dans ses narrations tout se mêle sans ordre chronologique parfois, son enfance et celle d'Elijah, leur amitié, les combats, le voyage vers l'Europe, les années de guerre. Niska lui répond, lui donne d'autres informations sur son enfance, lui dit pourquoi son prénom n'est pas indien…Ensemble ils parlent des traditions de leur peuple, de leur culture. le lecteur n'est pas perdu, tout au plus désorienté un moment.
Deux solitudes qui s'épaulent et échangent.
Entre Indiens et Canadiens, ce n'est pas tout à fait le fol amour. Dès le transport en train, les canadiens disent aux indiens engagés comme eux, que leur place n'est pas parmi eux, mais dans le wagon de queue. Et dans le bateau, ces indiens seront parqués en fond de cale. Ils auront peur comme les chevaux, des vagues qui se fracassent contre les flancs du bateau. Ces indiens Cree ne connaissent pas les chevaux : ils ne sont pas cavaliers mais chasseurs à pied. Des chasseurs dans l'âme. Ils savent se cacher, suivre des traces et traquer jour et nuit l'orignal pendant des jours.
Au cours des semaines de formation, Xavier et Elijah, qui se connaissent depuis toujours, démontrent à tous qu'ils sont des tireurs d'élite qui se complètent. Indépendants dans l'âme, et s'appuyant mutuellement, ils seront donc chargés, de faire, ce qu'ils savent faire, de chasser à l'affut, d'agacer les troupes allemandes, de les désorganiser, de tuer de loin, bien cachés, le plus grand nombre possible d'officiers et de soldats allemands…Il décident eux-mêmes de la chasse qui donnera le plus de résultats! Progressivement devenus très indépendants, et hors de contrôle, ils s'affranchissent des règlements et des officiers. Et de la morale aussi ! Elijah en devient fou, fou au point de faire un concours, afin d'être celui qui tuera le plus d'allemands et de ramener les preuves de ses morts…quand on ne le croit pas. Je vous laisse les découvrir. Drogué aussi toujours à la recherche d'ampoules de morphine. On plonge dans l'horrible, dans la folie de l'homme. Un combattant devenu un exemple pour la troupe et recevant honneurs et décorations.
Une folie parmi les autres folies de cette boucherie. "La folie, c'est d'abord de nous envoyer aux tranchées. La folie, c'est de nous apprendre à tuer ; c'est de récompenser ceux qui le font bien."
Xavier quant à lui sera plus perturbé pas son premier mort.
Dès les premières pages une petite lettre marron écrite en anglais, vous troublera peut- être… vous aurez une réponse. Patience.
Mille fois merci à Agnès, cette amie qui m'avait parlé de
Joseph Boyden et de ce livre …Un regard nouveau, celui d'un auteur canadien ayant des racines européennes et indiennes aussi. Un regard aussi sur ces tireurs d'élite. Un sujet peu mentionné dans les autres ouvrages sur la "Der des Der"
Son premier livre: un plaidoyer contre la folie des hommes, contre la guerre!
Impressionnant !
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