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sur 1174 notes
14/18. La grande boucherie.
Chaque mère, chaque épouse de partout dans le monde attend le retour des siens sans aucune idée de l'enfer d'où ils reviendront, s'ils reviennent… Et même s'il a cette chance, aucun pourtant ne rentrera chez lui indemne, soit physiquement soit mentalement voire les deux à la fois.
Niska la vieille Indienne qui elle le sait, son neveu est mort, attend sur le quai de la gare Elijah son ami de misère qui lui apportera peut-être un peu de réconfort. Pourtant divine surprise, c'est Xavier son neveu qui descend du train mais comme tant d'autre pas indemne non, mutilé pour le restant de ses jours.
Mais lui au moins est revenu, pas Elijah qui a perdu la vie dans des conditions effroyables que Xavier révélera inconsciemment à Niska.
Alors que tous les deux engagés en 1914 étaient partis certains qu'ils allaient vivre une grande aventure.

Un magnifique et poignant roman dans lequel Joseph Boyden sait tantôt nous promener dans les paysages superbes du pays de Niska et Xavier tantôt nous plonger dans les abîmes de l'horreur dont les hommes sont capables.



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Le chemin des âmes
Des âmes brisées
Des âmes meurtries
Des âmes perdues
Je sais la puissance d'un livre à la certitude qu'il voyagera longtemps dans mon âme !
Bien au delà de trois jours !
Beaucoup de lunes !

J'ai aimé cette lecture, même dans cet enfer
J'ai aimé la beauté de ce récit, même dans l'horreur
J'ai été touchée par la force poétique de ce roman,
la tragédie de ce peuple indien "les Crees
colonisés, exterminés.
Et surtout, sur ce chemin j'ai rencontré trois belles âmes
Deux jeunes hommes, presqu'encore des enfants :
Xavier et Elijah
Une amitié indéfectible entre ces deux "frères" de même culture, unis par des liens forts dans une guerre qui n'est pas la leur.
Ces deux amis à la vie, à la mort !
Protecteurs l'un envers l'autre !
Dans les profondeurs atroces des tranchées où le champs des possibles n'existe pas, ou rien ne leur est épargné, ils s'interdisent de convoquer leurs souvenirs
des souvenirs heureux " Creedence avec les loups "
Ces Crees vivaient en harmonie avec l'environnement
ils chassaient par nécessité pour se nourrir, se faire des vêtements. On découvre la beauté de la nature, la passion de la chasse "utile", le poids et le rôle des traditions, la persistance des croyances : la culture indienne !
Puis leur enfance dans ces écoles où les bonnes soeurs
(tout sauf bonnes ! ) leur interdisent de parler leur langue
où l'on tente d'effacer tout ce qui n'est pas conforme au mode de vie occidental, avant d'être expédiés dans une réserve.
Xavier et Elijah s'engagent en 1914 pour aller combattre en Europe, espérant retrouver leur dignité et la considération des autres canadiens.
On les méprise pour leur couleur de peau mais ils se font accepter et remarquer pour leurs qualités de tireurs :
ils gagnent le respect de leurs camarades.
Elijah devient "le bon indien", un séducteur, rêvant de gloire, se vantant de ses exploits et prenant plaisir à tuer.
Xavier reste "un sauvage", un silencieux, en retrait, transparent, pourtant le meilleur tireur mais il déteste tuer.
J'ai ressenti de la tendresse pour Xavier, sa distance face aux événements, aux comportements des autres, son regard pur et juste, son détachement.
Touchée par tant de délicatesse, de sensibilité, d'innocence lorsqu'il "tombe en amour" !
Car ils n'ont que dix sept ans : l'âge des émois, des découvertes, des amours !
Mais pour eux c'est l'urgence de rester en vie, de savoir
que chaque heure meurtrit et la dernière tue !
C'est l'enfer des tranchées, l'horreur et l'absurdité de cette guerre qui transforme les soldats en chair à canon.
"Nous sommes malheureux, transis, trempés, boueux, effrayés à l'idée que nous allons mourir bientôt."
La morphine devient indispensable et Xavier comprend que son ami est en train de devenir fou.
"Elijah s'est pris à aimer tuer au lieu de seulement tuer pour survivre" dit Xavier.
Leur amitié fusionnelle va peu à peu se fissurer !

L'histoire de destins brisés !
C'est ce que fait cette maudite guerre à ses gamins de
dix sept ans.

La troisième belle âme c'est Niska une vieille indienne Cree, la tante de Xavier.
" Elle a le coeur bon et la tête folle " disait Xavier.
Elle va l'enlever de cette école où il était malheureux pour vivre avec lui dans la forêt selon les traditions.
Puis ira chercher, plus tard, le seul ami de Xavier, Elijah
Ils vont grandir ensemble.
Niska pendant trois jours va ramener Xavier, de retour de guerre, dans leur réserve au nord de l'Ontario.
Trois jours de canoë où Niska lui raconte son enfance, de superbes récits sur sa jeunesse, sa famille.
Xavier sombre, perdu dans son cheminement intérieur
d'où résonne ses peurs, ses angoisses...
Elle n'aura que les mots et les histoires de sa vie pour le garder vivant ! Sachant bien que :
"De là où tu es allé, on ne revient jamais."
Un roman éveilleur de conscience
Un devoir de mémoire envers les soldats Crees
Pour ne jamais oublier !

Et aujourd'hui, le monde regarde une nouvelle guerre au moyen orient ...
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L'homme est un loup pour l'homme. Mais le loup , lui, tue pour se nourrir. L'homme tue pour tuer. Par une sorte d'ivresse de destruction, il devient l'ennemi de sa propre espèce, il cherche à la perdre et se perd lui-même.

Les Crees, Indiens du grand nord canadien sont des chasseurs nés: ils courent les forêts sur leurs mocassins silencieux, pistent un orignal jusque dans son repaire, le traquent , le tuent, le dépècent, le mangent, en nourrissent toute leur tribu pendant des semaines. Pour eux, la chasse est vitale, mais quand le gibier vient à manquer, que la famine les guette, ils redoutent que certains d'entre eux, par faim, par désespoir, par folie, ne se mettent à goûter la chair humaine, devenant alors des créatures gigantesques, les windigos, des hommes-cannibales, renonçant pour jamais à leur humanité. Il faut alors qu'un hookimaw, un sorcier, délivre la tribu de cet homme dénaturé en l'étranglant sans laisser trembler sa main.

La guerre, et spécifiquement celle si sanglante de 14-18 , est une grande pourvoyeuse de windigos.

Xavier Bird, le narrateur taciturne de cette belle et terrible fable s'est enrôlé dans les troupes canadiennes parties s'enterrer dans la boue des Flandres et celle de Picardie -Ypres, Vimy, Arras, Lens..

Il porte contre son coeur le sac-médecine donné par sa tante, Niska, dernière hookimaw de son clan, qui l'a élevé et lui a inculqué les valeurs morales et guerrières de sa tribu. Il a à ses côtés son meilleur ami, Elijah, un Cree comme lui, à qui il a appris, enfant, toutes les ruses de la piste, de la traque et du tir. Leurs talents d'éclaireurs et de tireurs, ainsi que leur indissoluble amitié en fait très vite un duo redouté et admiré au sein de l'armée canadienne. Leur témérité et leur savoir-faire leur gagne une estime que la couleur de leur peau a mise à un prix nettement plus haut que celle donnée aux autres troufions..

Mais si Xavier le taiseux garde ses distances face à la violence quotidienne et sait préserver en lui la part d'humanité due à tout être vivant, homme ou bête, Elijah , plus vantard, plus friand d'honneurs et de reconnaissance, se laisse bientôt emporter par cette fête sauvage, cette boucherie sanglante de la guerre dont il devient le héros meurtrier.

Un fou, un monstre, un windigo aux yeux de son ami Xavier.

Son ami, son frère, mais aussi le digne descendant des hookimaws tueurs de monstres et égorgeurs de windigos.

Ce livre magnifique, aussi cruel et violent que la guerre, aussi débordant de sagesse que les esprits venus visiter la tente tremblante de la chamane, croise deux récits: celui de Xavier, revenu de cette boucherie sanglante -mais dans quel état!- , et celui de la vieille Niska, sa tante, qui le recueille presque mourant et accouche cette âme malade, toute prête à partir sur le chemin des âmes, emportant son chagrin et son secret.

Le récit de Xavier est une confession lente, atroce , un compte-rendu impitoyablement factuel,- et celui de sa tante , d'abord personnel et tragique, tente de lui rendre progressivement ses racines, son monde, ses valeurs et de lui refaire prendre pied dans un monde où les canoés voguent, où les tentes tremblent, où les orignals et les oiseaux parlent aux hommes une langue fraternelle et réconfortante qui dit l'équilibre de la vie naturelle.

Je croyais avoir fait le tour des livres sur la guerre de 14, celui-ci m' a fait découvrir un nouveau pan d'horreur. Quand la guerre devient chasse à l'homme, quand chaque ennemi tué devient une encoche de plus sur la crosse d'un fusil, un galon de plus sur une manche..

Joseph Boyden, canadien, a du sang cree dans les veines. Il sait dire merveilleusement les rites sauvages et purs des tribus indiennes, et donne, dans son roman, la parole à cette âme indienne qui résiste encore, malgré la décimation, l'intégration à marche forcée, l'éducation répressive du clergé catholique, l'enfermement dans les réserves, la corruption par les drogues et l'alcool.

C'est cette parole restituée, fière, résistante qui sauve de l'horreur ce sombre récit, qui lui donne toute sa grandeur et jette sur l'horreur de la Grande Guerre un regard nouveau : celui d'un Homme vrai, fidèle à ses valeurs, à son monde où hommes, bêtes et paysage cohabitent dans le respect et l'équilibre des forces.

Une leçon de sagesse et d'humanité sur fond de bruit et de fureur. Un livre qui remue et qui bouleverse durablement. Un très grand auteur, que je vais me presser de découvrir un peu mieux!
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Je me retrouve nu, couvert d'un simple "pagne", deux rectangles de peau de loutre tannée attachés à une lanière de cuir, au milieu des érables, des chênes et des hêtres, à portée de l'orignal. Le vent est mon allié, il souffle contre moi, je sais que c'est pour m'aider. Chaussé de mocassins, qui me permettent de m'approcher encore plus près sans bruit je lui décoche une seule flèche, j'entends son sifflement, déjà elle lui perce le cou, un peu de sang, le voilà qui fléchit et s'affaisse dans un dernier râle. Je sors mon couteau mais avant de le dépecer, je me penche et chuchote à l'oreille de l'animal, je le réconforte, le remercie du don qu'il fait à notre clan, l'assure que rien ne sera perdu, nous prendrons soin du moindre tendon. Aujourd'hui je suis très fier, je me dépêche d'embarquer le plus de morceaux sur ma pirogue, c'est à peine si elle dépasse encore de l'eau, je me résous à mettre le reste bien à l'abri sous les fougères. Moi aussi je serai un grand chasseur, pas aussi bon que Xavier qui m'a tout appris, si il savait comme je l'admire, comme je vénère l'amitié qu'il m'a offerte ; encore aujourd'hui, je me demande pourquoi il est venu me chercher, pourquoi il m'a choisi. Ce soir je vais en faire un maximum à la veillée j'aimerais tant que Xavier soit fier de l'exploit que je lui dois, le taquiner c'est ma façon de lui prouver mon admiration, autrement je suis trop gêné. Ma légende s'ajoutera aux légendes de la tribu que l'on raconte de générations et de générations. Je m'appelle Elijah Wiskeyjack tout ce que je sais de la sagesse des Crees, je le dois à Xavier Bird et sa tante Niska. Mais Niska dit que nous sommes les trois derniers ! Alors pour ma légende, je pourrai seulement devenir le plus grand des guerriers.

C'est le funeste cri du Cree qui s'évanouit dans la nuit... des temps. Je suis mort à la guerre à 23 ans en demandant pourquoi ? Pourquoi ? Xavier, pourquoi es-tu venu me chercher ? Je n'ai pas su être l'ami que tu méritais. Pourquoi t'ai-je entraîné dans cette folie : la guerre dans les tranchées ? La guerre de ceux qui nous ont détruits, qui ont détruit notre peuple, qui ont brisé l'harmonie. Ils ont brisé les cercles et ce sont des fous qui se prétendent maintenant être le centre de la création. Ils prétendent nous apporter la Religion et la Civilisation, deux de leur mots pour cacher Abomination !!! Ils ne savent pas mettre leur oreille pour écouter la terre, ils ne savent pas entourer les arbres de leurs bras pour entendre la vie de leurs ancêtres, ils ne savent pas danser et chanter pour faire vibrer les nuages... Ce n'est pas ce que je rêvais. Ô Xavier, les Crees, mon ami, se sont envolés. Avec eux a disparu cette vibration, ce respect de la vie. Un génocide, et des mieux réussis, dont on ne parle jamais. Un continent éradiqué, une manière de vivre hommes, bêtes et plantes à égalité, en complémentarité, anéantie ... à jamais.

Je ne sais pas pourquoi je prétends être Elijah, est-ce d'avoir lu Corentin chez les peaux-rouges de Paul Cuvelier, tout jeune ? Est-ce le grand Manitou qui influence mon esprit ? J'aurais pu te dire que mon nom était Xavier Bird, il est revenu de cette boucherie de Vimy, des tranchées de la Somme, on dit qu'il a survécu, moi je te dis qu'il n'y a pas de différence, il est mort à 23 ans, lui aussi. le meilleur de lui-même lui a été enlevé... par la guerre. Eh, je ne parle pas de sa jambe ! Je parle de cette chose qui s'est perdue en chemin. C'est à devenir fou ! La folie, le seul moyen d'échapper à la guerre, vaincre le mal par le mal ? Dis cela marche, docteur ??? Allez, soyons fous ! J'enlève le "pagne" : me voici nu devant vous. Je croyais en l'amitié indéfectible, je suis ... Bon, faire attention à mes couilles sur le clavier. Les couilles que je n'aurais vraisemblablement pas eues pour charger hors des tranchées. Encore moins me porter volontaire pour des sorties de nuit dans le no man's land. J'ai honte mais je me serais probablement débrouillé pour être au moins capitaine où choisir l'aviation, sûrement pas l'infanterie. Le combat corps à corps, à mon premier mort, je serais devenu fou, j'aurais commencé à aimer cela. Et j'en aurais voulu encore et encore, c'est de cela dont j'ai honte et de cela dont j'ai peur, je regarde mes mains: elles tremblent. Voilà pourquoi je t'ai dis m'appeler Elijah. Par peur je chierais dans mon froc, pfff .... heureusement que je me suis mis à poil.^^

La guerre est une saloperie finie. Une folie collective manipulée par quelques uns. La der des der, mon cul ! Et je reste poli. Que puis-je faire ? Je chante comme une casserole, alors même d'amour pour faire taire un tambour ! Tu rigoles où quoi ? Il reste l'humour pour masquer le manque d'amour. Alors je vais te raconter l'histoire d'un mec qui est mort, il y a juste 30 ans ... et un jour. Ce mec tu l'aurais pris pour un comique, il avait écrit un jeu de mots en forme d'aphorisme qui s'applique bien à la guerre, et ce qu'il valait naguère il le vaut encore aujourd'hui : " L'horreur est humaine." Alors je ne saurais pas mieux dire. Il disait aussi dans un sketch sur les anciens combattants : " On lui a crevé les deux yeux, pour qu'il voit pas sa misère."
Un jour ce mec est arrivé à la TV avec une guitare, et moi j'ai bien vu qu'il se mettait à nu pour chanter :

"Misère, misère !
C'est toujours sur les pauvres gens
Que tu t'acharnes obstinément
Misère, misère !
ça sera donc toujours les salauds qui nous bouff'ront
L'caviar sur l'dos
Misère, misère !

Tu te fais l'ennemie des petits
Tu te fais l'alliée des pourris
L'argent ne fait pas le bonheur des pauvres
Ce qui est la moindre des choses
Convenons-en
Convenons-en !"

Ni la chanson, ni l'humour n'y feront rien. L'Europe nous a protégé pendant 70 ans, souvenons-nous en, souvenons-nous en. Je suis profondément heureux que l'auteur aie choisi comme titre le chemin des âmes et non des ânes ou le sentier de la guerre pour ce roman émouvant qui est une ode à l'amitié. L'amitié qu'à 22 ans, je croyais encore indéfectible. Pourquoi ...
Magnifique et poignant, je le recommande chaudement ce chemin des âmes.
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Peut-on trouver magnifique un ouvrage dont on n'a pas aimé la lecture ? Cette question peut sembler un peu étrange, mais elle a tourné en boucle dans ma tête durant ma lecture et reste sans réponse après avoir achevé « le chemin des âmes ».

Le sujet est dur : quelques temps après la fin de la Première Guerre mondiale, Niska, une vieille Indienne du Canada, vient chercher Elijah Whiskeyjack, le meilleur ami de son neveu Xavier à la gare, avec lequel il s'était engagé volontairement. Elijah est le seul survivant des deux. Quelle n'est donc pas sa surprise quand c'est en fait Xavier qui surgit, mais un Xavier qui n'est plus que le reflet de ce qu'il était avant la guerre : un être brisé, délirant à cause du choc post-traumatique et de la morphine dont il est devenu dépendant. Durant les trois jours pendant lesquels le roman se déroule, et qui est la durée de leur voyage pour revenir au campement de Niska, celle-ci va tenter de faire revenir Xavier du chemin des âmes, soit de cet autre monde menant vers la mort dénommé ainsi par les Indiens, en lui racontant des épisodes de sa vie. Lesquels alternent avec les souvenirs de la guerre de Xavier, dans lesquels Elijah joue souvent le premier rôle. Rien du vrai visage de cette guerre n'est épargné au lecteur, aucune description sordide, aucun détail de la boucherie quotidienne, où l'on finit par ne plus prendre la peine de connaître ses compagnons d'infortune, puisque de toute façon ils sont appelés à mourir rapidement. On ne regrette ainsi pas un inconnu…

La langue est très belle, d'une poésie rare, étant donné le sujet, et l'histoire chargée de symboles. le chemin des âmes est celui de la Première Guerre mondiale, où deux jeunes Indiens naïfs vont perdre leur innocence au point de ne plus savoir distinguer entre ce qui relève de la normalité (si tant est que cette notion existe encore en pleine guerre) de la barbarie. Mais le chemin des âmes peut être aussi ce Canada du début du XXe siècle dans lequel évolue difficilement Niska, qui ne demandait rien d'autre que de pouvoir continuer à vivre selon ses rites et ses traditions indiens, chose désormais impossible à partir du moment où les colons blancs ont pris le dessus et imposé leur règles.

Niska et Xavier sont ainsi deux survivant d'un monde qui n'existe plus, et qui sont donc prisonniers de leurs souvenirs. Deux survivants de leur propre monde auquel le lecteur n'a pas accès : beaucoup de mots cree sont employés sans être traduits, obligeant ce dernier à en déduire le sens. Jolie et ingénieuse manière peut-être de faire ressentir au lecteur ce que c'est que de se heurter à l'inconnu sans mode d'emploi ?

Un roman riche, donc, d'une profondeur littéraire à laquelle j'ai été sensible. En revanche, je n'ai pas réussi à m'attacher aux personnages, ni à me sentir concernée par l'histoire. Quelle injustice…
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Comment convaincre un homme, témoin des horreurs de la Première Guerre Mondiale, de rester du côté des vivants ? Est-ce possible ? C'est ce à quoi va s'employer Niska, Indienne du Canada, dont le neveu est parti en Europe. Neveu mutilé de guerre et accro à la morphine qui calme ses douleurs.
Un très beau et très fort roman. de quoi parle t-il ? de souffrances, de folies, de magie et d'esprit. Une plongée au coeur du Canada sauvage, où quelques Indiens vivaient encore à la manière ancestrale, hors de l'influence de l'Eglise et surtout du rhum et du whisky. D'amitié et de filiation, d'initiation. Chacun à leur tour, ils parleront. Xavier pour combattre les visions que lui imposent ses cauchemars et sa culpabilité. Niska de sa famille, de leur histoire et surtout de son rôle de lien avec le monde des esprits. Pour passer le flambeau, mais surtout pour lui donner une raison de ne pas se laisser mourir. Trois jours au fil de l'eau purificatrice pour sauver ce qui peut l'être.
Un roman qui n'a l'air de rien mais qui possède un souffle puissant.
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Beau. Simplement beau. Après quelques pages, quelques lignes, même, la certitude de faire une rencontre rare. Est-ce l'héritage de la langue Cree qui insuffle cette beauté, cette profondeur, cette humanité, cette presque-pureté aux mots de Joseph Boyden?
Cet étonnant écrivain contemporain Canadien de 'sang mêlé' Cree, nous offre un premier roman d'une force rare.
Une écriture dense, tout en lenteur et sobriété, et un récit envoûtant, prenant, qui nous emmène le long d'une rivière pour un voyage initiatique de 3 jours (Three-day road, titre original), en canoë à la lisière du chemin des âmes, qui m'a évoqué par moments l'hypnotique Dead Man de Jim Jarmusch.
Ce récit à deux voix, nous conte l'histoire de Xavier et d'Elijah, deux très jeunes Indiens Cree enrolés dans la guerre des tranchées en France, et de Niska, une vieille femme chamane admirable qui fera le choix de payer au prix fort la liberté de demeurer dans une nature sauvage, loin des réserves inhumaines .
Qu'est ce que je pourrais rajouter pour vous donner envie d'entrer dans une librairie et d'acheter 'Le chemin des âmes ' ?
Peut-être ..qu'il y a une scène érotique d'une beauté rare? :)
Peut-être .. ce que Jim Harrison en a dit: "Un roman lumineux et sombre à la fois. Il vous fera peut-être souffrir, mais ça en vaut véritablement la peine. Irrésistible".
..Que les personnages sont attachants , tout comme l'écrivain lui-même. Joseph Boyden a des origines Cree, un grand-père qui a fait la guerre de 14-18 en France, et un père qui fut médecin pendant la seconde guerre mondiale. Adolescent, il a traversé la dépression et la tentative de suicide. Il a vécu dans la rue, a été membre d'un groupe de punk-rock et portait une crête..(conséquence assez fréquente d'un passage dans un collège Jésuite.. ; )
..Qu'aussi ..il est beau! et fort! et musclé! et tatoué! :)... Je m'égare, mais j'assume.
En un seul roman, Joseph Boyden s'est hissé au rang des quelques rares écrivains qui ont pris une place définitive et immuable dans ma vie.
C'est le plus bel hommage qu'on pouvait rendre à la mémoire des soldats Amérindiens des différentes nations, notamment le célèbre tireur d'élite Ojibwé, Francis Pegahmagabow ("Peggy" dans le roman) , qui ont servi lors des conflits en Europe.

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Je n'ai appris qu'hier soir que David Diop avait reçu le 2 juin le Booker Prize International, prix littéraire britannique qui récompense un livre étranger traduit et paru dans l'année en Grande-Bretagne. Or cela faisait plusieurs jours que je pensais à Frère d'âmes (2018) en lisant le magnifique et épouvantable roman de Joseph Boyden, le Chemin des âmes… L'époque est la même : 14-18, la Grande Guerre. Certains thèmes se côtoient, voire se chevauchent, mais dans les deux romans, l'un bref (celui de David Diop), l'autre de presque 400 pages, l'horreur est donnée à voir : on va comprendre ce qu'une telle absurde boucherie peut faire aux hommes...
***
Dans deux pages en italique, Joseph Boyden présente les deux personnages principaux, Xavier et Elijah, deux jeunes Cree. Pour leur première nuit de chasse, une martre va se prendre dans leur collet, mais elle n'est pas morte, et ils vont devoir l'achever. Pas si simple… le premier chapitre du roman nous transporte ensuite presque à la fin du récit. Niska, la narratrice, est la tante de Xavier Bird. Elle est venue à la gare chercher Elijah Whiskeyjack. Elle a reçu une lettre du Gouvernement lui annonçant la mort de son neveu, et Elijah, l'ami d'enfance, est tout ce qui lui reste. Elle voit descendre du train un homme qui n'a plus qu'une jambe. Elle reconnaît alors « le fantôme de [s]on neveu Xavier », qui s'effondre devant elle en la reconnaissant. Deux narrateurs alterneront de manière irrégulière tout au long du roman : Xavier, qui raconte essentiellement la guerre et ses souvenirs communs avec Elijah, et Niska, qui nous fera part de ses propres souvenirs, qui sont plus éloignés dans le temps. Les deux jeunes garçons, engagés dans l'armée canadienne et partis faire la guerre en Belgique et en France, deviendront tous les deux tireurs d'élite. Mais si Elijah, fier de ses réussites, fanfaronne souvent, Xavier n'a pas l'impression d'être vraiment à sa place.
***
Josph Boyden arrive à transmettre l'évolution des sentiments que se portent les deux garçons, à rendre palpable la tension et la rivalité qui s'installent entre eux, l'amitié profonde qui les unit. La qualité de l'écriture et la puissance d'évocation de l'auteur nous transportent avec la même intensité dans le nord de l'Ontario, juste au sud de la Baie James, avec les quelques individus des Premières Nations qui ont refusé de vivre dans les réserves, comme sur les champs de bataille de France et De Belgique. J'ai été emportée par les récits des deux narrateurs, j'ai lu des horreurs que je ne pensais pas pouvoir supporter, j'ai fini ce livre enthousiaste et horrifiée… Je n'en revins pas qu'il s'agisse d'un premier roman ! Lisez-le : c'est une épreuve qui en vaut la peine.
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Un roman sublime et cauchemardesque d'une rare intensité

En 1914, le Canada est une colonie franco-anglaise qui tient les autochtones pour des hommes inférieurs dont il faut réformer le mode de vie et les traditions.
Les peuples indiens parviennent de moins en moins à préserver leurs valeurs.

Niska, une vieille chamane Cree, incarne la mémoire de son peuple. Elle vit isolée dans la forêt, rescapée d'une culture qu'elle a transmise à son neveu Xavier, et à Elijah, lié à Xavier par une amitié fusionnelle.

Durant leur enfance, Xavier et Elijah ont vécu ensemble une existence rude et saine, dans une nature âpre prodiguant autant de bienfaits que d'épreuves. Ils ont arpenté les forêts, parcouru les cours d'eau en canoë, chassé pour se nourrir, sous l'oeil bienveillant de Niska.

Leur vie bascule quand ils sont enrôlés dans l'armée canadienne. Envoyés sur le front français, dans les tranchées, ils vont connaître une vertigineuse descente aux enfers.

Joseph Boyden ne retrace pas la guerre. Il relate, à échelle de soldat, les conditions atroces dans lesquelles ces victimes de l'histoire se sont battus. Ignorant tout de l'évolution globale des combats, entre assauts et replis, ils furent isolés dans l'espace et dans le temps. Enterrés dans les tranchées, la peur chevillée au corps, ils endurèrent un calvaire interminable.
Paradoxalement, cette vision à ras de terre dépasse largement le cadre du conflit franco-allemand. Elle dévoile l'absurdité des morts et des souffrances imposées à des hommes qui parfois ne sont même pas concerné par le conflit.

Dans la guerre comme à la ville, Xavier et Elijah subissent mépris et condescendance. Cependant, chasseurs accomplis, ils se révèlent être des combattants redoutables et des tireurs d'élite exceptionnels, ce qui leur vaut une certaine renommée et le privilège d'être toujours en première ligne.
Sociable et beau parleur, Elijah récolte les lauriers, alors que Xavier, taiseux et maîtrisant mal la langue anglaise, reste dans l'ombre de son ami. Leur rivalité complice se transforme peu à peu en jalousie.

Elijah est à son affaire dans cette guerre qu'il perçoit comme une compétition. Il prend goût à la chasse à l'homme. Envahi par le plaisir de tuer, boosté par la morphine, il se fixe pour objectif d'éliminer le plus d'ennemis possible. Tuer va lui permet de combler son désir de reconnaissance auprès des blancs ; tuer va lui permettre de rentrer chez lui auréolé de gloire et d'obtenir le statut de grand chef. Il contemple la mort dans les yeux éteints des allemands qu'il abat, il collectionne leurs scalps comme preuve de ses exploits. Elijah sombre dans la folie.
Xavier tue par nécessité, pour assurer sa survie. Il reste un indien, et ne tue que pour vivre. Elijah, lui, fait de la mort le but de sa vie.

L'amitié des deux hommes qui se comprenaient sans avoir besoin de parler, s'éteint à mesure qu'Elijah déverse ses confidence dans l'oreille d'un Xavier qui est en train de perdre l'ouïe. Il n'ont plus en commun que les souvenirs d'une existence révolue.

La guerre finie, Niska va chercher Elijah à la gare. Mais c'est Xavier qui descend du train, méconnaissable, que la guerre a détruit. Amputé d'une jambe, très amaigri et fiévreux, il a perdu l'ouïe. À cette dégradation physique s'ajoute une dégradation psychique. À bout de force, dévoré de l'intérieur, il a renoncé à surmonter ce qu'il vu, ce qu'il a fait. La morphine qui coule dans ses veines le maintient en vie en atténuant ses souffrances, mais elle l'achèvera et il le sait.

Alors commence un voyage en canoë qui les ramènera chez eux. Pendant trois jours, Niska va s'efforcer de détourner Xavier du chemin des âmes. C'est avec des mots, en lui contant sa propre histoire, qu'elle tentera de le ramener à la vie et à la paix.

L'alternance entre les récits éprouvants de la guerre des tranchées et les souvenirs d'une vie au coeur des forêts, permet au lecteur (qui en a bien besoin) de reprendre son souffle.
Aux descriptions crues des combats et de leurs terribles conséquences s'opposent les descriptions pleines de poésie d'une existence vécue en harmonie avec la nature.

Le mode de vie des indiens Cree, souvent difficile et parfois cruel, apparaît comme un paradis perdu. Les moments privilégiés vécus en communion avec la nature se posent comme un contre-poids lumineux à la noirceur de la guerre.
Sur une terre dévastée, éventrée par les tranchées et les cratère d'obus, la vie n'a aucune valeur. Dans la grandeur et la beauté des paysages naturel en revanche, les Cree considèrent que toute vie est sacrée et doit être respectée.

Un roman inoubliable!
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Elijah et Xavier, deux jeunes indiens qui ont fui les brimades de l'orphelinat québécois. Engagés volontaires en 1916, ils valorisent dans les tranchées belges et françaises leurs talents de sniper, de traques de nuit dans le no man's land.

De nombreuses scènes de guerre où se jouent la complicité, la jalousie des deux amis, les ravages de la 'médecine des blancs', la morphine qui finit par rendre fou et le sort que leur réserve les croyances des Crees à l'instar de celui qui pour survivre dans le Grand Nord se serait livré au cannibalisme.

L'écriture de Joseph Boyden m'émerveille, une écriture qui semble couler sans effort et la magie opère, que ce soit sur les champs de bataille ou dans la nature sauvage de la Baie d'Hudson, c'est incroyable comme ça sent le vécu.
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