AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,26

sur 999 notes
J'ai su que ce livre me marquerait à vie lorsque je me suis retrouvée en larmes sur ma liseuse après avoir passé les deux tiers du roman. En cause : une scène atroce, déchirante, totalement inattendue. Je vais tenter de trouver les mots pour parler de cet inoubliable roman mais je sens déjà qu'ils seront bien fades au regard de tout ce qu'il m'a fait ressentir.
Le roman débute par une scène insupportable d'humiliation publique en pleine église que je ne veux pas dévoiler pour ne pas spoiler une partie essentielle de l'intrigue. Sachez seulement qu'elle met en scène un curé et une jeune fille enceinte qu'il traite de « putain » devant toute l'assemblée. Bref, le ton est posé. Nous suivons ensuite le long parcours de Cyril Avery, le narrateur, de la fin de la guerre jusqu'aux années 2000. C'est toute la construction d'une vie à laquelle on assiste, entre émerveillements, indignation effarée et chagrins infinis.
Le vrai combat de Cyril, c'est l'acceptation de son moi profond. Cyril est homosexuel et éperdument amoureux de son ami, Julian. Mais Julian est trop épris des filles et multiplie les aventures improbables. Lentement, le secret infuse et saigne dans la chair de Cyril.
Incapable de s'exprimer et de révéler qui il est vraiment, Cyril préfère se cramponner à ses masques et décide de tirer un trait sur les garçons pour se jeter dans les bras des femmes. Mais il n'est pas heureux. Il se marie très vite mais il n'est pas heureux. Alors il finit par s'enfuir pour la Hollande où il commence à travailler à la Maison Anne Frank comme conservateur de musée. Ici, il va tenter d'oublier Julian, d'effacer l'ancien Cyril et de devenir l'homme qu'il a toujours tenté d'être…
L'écriture de Boyne est crue mais diaboliquement sublime – avec, en passant, un petit clin d'oeil à Tristan Sadler. C'est un roman excentrique, complètement fou, composé de dialogues hilarants absolument délicieux, sans cesse truffés de quiproquos, de jeux de mots, qui offrent un vrai rythme au roman. Même les événements tragiques sont tournés en dérision et on éclate de rire tellement les répliques sont cocasses et culottées.
Sans cesse, en tournant les pages, je me disais, le rire aux lèvres : oh non il n'a pas osé… mais John Boyne ose tout, et c'est fait avec tant d'adresse et de talent qu'on assiste à de nombreuses scènes mémorables. C'est aussi cet humour permanent qui rend les épisodes émouvants d'autant plus intenses et plus forts. Tout est plus coloré, tout brille plus fort.
Les personnages sont pour moi le vrai point fort du roman : grincheux, sauvages, émouvants, répugnants ; les portraits que dresse l'auteur sont intransigeants. Cyril Avery est un garçon incroyablement touchant : adopté – ce qui donc ne fera jamais de lui "un vrai Avery" – timide, mal dans sa peau et dans ses désirs, il va peu à peu se révéler et exhiber une personnalité fleurie, très intègre et très belle.
J'ai aussi particulièrement apprécié Julian Woodbead, l'ami impertinent de Cyril à qui il va également arriver tout un tas de péripéties. J'ai aimé sa fougue, son besoin de liberté et d'une vie vécue sans chaînes ni bordures, son effronterie qui frôle sans cesse l'obscénité. Je l'ai aimé impertinent, odieux, cruel et vulnérable.
Alors d'accord on rit beaucoup, mais le sujet de fond du roman nous laisse quand même un goût amer dans la bouche : à cette époque, les homosexuels sont des "monstres", des "anormaux" qu'il faut rééduquer… et c'est douloureux à lire, ça désole et ça indigne. Mais au final tous les thèmes du roman sont graves. "Les fureurs invisibles du coeur" est je crois le roman le plus engagé que John Boyne ait écrit. Il nous parle d'un Dublin intraitable, de l'IRA, du gouvernement véreux, de l'Église catholique qu'il écorche, avilit et détrône tout au long de ce roman-fleuve. Et puis, évidemment, nous allons finir par croiser le VIH…
Malgré quelques ficelles de scénario, ce roman m'a mise dans tous mes états. Quel travail on sent dans ces pages, quelle oeuvre… J'ai été amusée, horrifiée, émue, hantée, bouleversée. Il y a des moments de fragilité superbe, des déclarations magnifiques et des réflexions qui percutent comme des mantras. Je ne connaissais pas John Boyne dans ce style-là, avec cette écriture-là, et ce fut une vraie révélation.
C'est un roman sur la mort mais surtout la vie qui continue, l'amour sous toutes ses formes, l'identité et la liberté, l'écriture, le temps qui passe, nos regrets et les manques que rien ne comble jamais, mais aussi nos petites et nos grandes victoires, nos amitiés dévouées, nos amours immortelles. Ce livre vous fera vivre des montagnes russes. Il est de ces bijoux que l'on a envie de conserver précieusement dans sa bibliothèque parce que c'est une vraie bible sur la vie, la tolérance et l'amour inconditionnel et absolu. Un immense merci à NetGalley et aux éditions J.C. Lattès.
Lien : https://luxandherbooks.wordp..
Commenter  J’apprécie          165
«  Bien longtemps avant que nous ne sachions qu'il était le père de deux enfants de deux femmes différentes, l'une à Drimoleague et l'autre à Clonakilty, le père James Monroe, devant l'autel de l'église Notre-Dame de l'étoile de la mer, dans la paroisse de Goleen, à l'ouest de Cork, accusa ma mère d'être une putain ». Ce sont les premières lignes du roman, on est en 1945, et elles donnent le ton : celui d'une charge implacable contre l 'église qui, dans l'Irlande du XX° siècle, poursuit encore les filles mères et les homosexuels de sa vindicte hypocrite, église à laquelle une grande partie de la population irlandaise semble alors avoir voué une allégeance aveugle. La mère du narrateur, la fameuse «  putain » ( tout simplement une jeune fille de 16 ans pleine de vie et de désirs) se retrouve donc mise à la porte de la ferme familiale, rejetée de la communauté villageoise, et va trouver refuge à Dublin. Et c'est son enfant abandonné et placé dans une famille adoptive, Cyril, qui est le narrateur de ce livre. C'est la vie de Cyril, de sa conception en 1945, à sa mort en 2015 ( juste après le référendum qui autorise le mariage homosexuel en Irlande) que ce roman touffu, nous retrace. Le jeune Cyril va grandir dans une famille atypique, où le père est un banquier qui ne paie pas ses impôts, et la mère , une écrivaine qui se consacre entièrement à son art et à sa tabagie. Il va se prendre de passion pour un garçon de son âge, Julian, ce qui va lui permettre de prendre conscience de son homosexualité. Et comme sa mère, du fait de sa « déviance », va se trouver ainsi mis au ban de la société irlandaise. On suit donc tous ses souffrances, ses atermoiements, ses tentatives désastreuses de donner le change, et la fuite, d'abord aux Pays-bas, et ensuite aux Etats-Unis où le sida commence à faire des ravages. Le retour en Irlande ne pourra avoir lieu que tardivement, et marque enfin la réconciliation du narrateur avec son pays. On croise de nombreux personnages dont beaucoup sont très attachants. Son parcours personnel, de la négation à l'acceptation de son homosexualité, est à l'image de celui de son pays natal. Des événements tragiques ont jalonné sa vie, mais ce qui reste à la fin du récit, c'est le sentiment d'avoir eu affaire à une vie d'homme, avec ses moments de désespoir, mais aussi ceux de légèreté, et de résilience.
Si le sujet est grave, et le portrait de l'Irlande, parfois cruel, le livre n'est jamais pesant, et malgré la longueur, se lit très bien, grâce à son humour et sa sensibilité. J'ai notamment apprécié les dialogues, touffus, très réalistes et très vivants. Beaucoup de personnages, haut en couleurs ( mention spéciale pour le père adoptif de Cyril) , restent en mémoire une fois le livre fermé, tant ils sont décrits avec bienveillance, même empêtrés dans leurs contradictions ou confrontés à leurs faiblesses .
Le livre semble avoir rencontré beaucoup de succès en Irlande. Je l'ai lu lors d'un voyage en Ecosse, dont le retour s'est fait par l'Irlande. Ayant beaucoup aimé ce livre, j'ai voulu acheter sa version originale pour des amis anglicistes : il était sur la table des meilleures ventes. Et la libraire m'en a dit beaucoup de bien. Elle m'a également conseillé «  Ladder of years » de Anne Tyler.
Commenter  J’apprécie          130
Grand roman d'apprentissage, Les fureurs invisibles du coeur m'a fait penser au « Monde selon Garp ». J'y ai retrouvé à certains endroits ce type de personnage qui se découvre petit à petit différent et se montre aux autres en toute innocence. Récoltant des ouragans de colère…
De la même façon, ce couple des parents adoptifs, tout aussi improbable, elle écrivaine fuyant le succès, lui escroc désinvolte, père désastreux. Ils sont la petite touche de fantaisie qui permet au lecteur de sourire et à Cyril, le personnage principal, de vivre à quelque chose qui ressemblerait à une enfance.
Car l'histoire de cet enfant, né d'une fille-mère en Irlande dans les années 1945, qui découvre son attirance pour les garçons et grandit dans la honte de lui-même, est terrible, et terriblement émouvante.
L'isolement, Les stratégies d'évitement, les amours clandestins, les menaces, la haine… Etre homosexuel en Irlande à cette époque, c'est vivre en permanence dans la peur, et être considéré comme un danger pour la société, un sous-homme pour les autres hommes. Et la violence est là, tapie au coin du prochain chapitre ou en bas de la page… le chemin sera long pour Cyril, et pour sa mère, tous deux survivants, dans une Irlande hypocrite et intolérante.
Alors pourquoi dis-je un grand Merci à Netgalley et aux éditions J. C. Lattès ?
Parce qu'en lisant la vie de Cyril Avery j'ai tremblé, je me suis indignée, j'ai espérée, j'ai digéré ma déception, j'ai souri, j'ai ri… L'écriture fluide et profonde de John Boyne m'a emportée de l'injustice vers la paix, de la souffrance vers la résilience, du drame vers le bonheur. Et si le sujet c'est l'homosexualité, j'y ai surtout vu, pour ma part la question, plus vaste, de l'humanité. J'ai contemplé le pire de l'humain lorsque la loi ou la religion l'autorise à considérer l'autre comme déviant, immoral (qu'il soit homosexuel, ou fille-mère). J'ai admiré la reconstruction (ou l'instinct de survie ?) de ces personnages hors norme. Et j'ai beaucoup aimé ce long et beau voyage d'une vie, rempli d'émotions.
Commenter  J’apprécie          50
♫ Un oranger, sur le sol irlandais / On ne le verra jamais... ♫

Et un homosexuel heureux, sur le sol irlandais, le verra-t-on un jour ? C'est ce qu'on se demande tout au long de ce roman, qui nous raconte l'histoire de Cyril et de ses errements et, à travers elle, celle de son pays, l'Irlande, entre 1945 et 2015.
La mère de Cyril a 16 ans quand elle se retrouve enceinte. Lorsque son secret est découvert, le curé de la paroisse la bannit de son village coincé au plus profond de la campagne de la très catholique et non moins très hypocrite Irlande. Se réfugiant à Dublin, seule et sans le sou, la mère de Cyril ne se laisse pas abattre mais prend, à regret, la décision de confier son nouveau-né à l'adoption, pour lui assurer une vie plus confortable que celle qu'elle-même pourra jamais lui offrir. Cyril est ainsi adopté par les Avery, un couple riche et extravagant, qui ne cesse de lui répéter qu'il n'est pas, et ne sera jamais, "un vrai Avery". Le petit garçon grandit dans l'aisance matérielle mais sans beaucoup de chaleur humaine. Son seul repère, son phare brillant dans ces années grises, s'appelle Julian. Du même âge, les deux garçons sont les meilleurs amis du monde tout au long de l'adolescence. Cyril mettra du temps à comprendre qu'il est en réalité amoureux de Julian, et donc, homosexuel. Ce qui, dans l'Irlande des années 60, est considéré comme une maladie et un crime. Dans ces conditions, Cyril ne peut que se terrer au fond de son placard. Jeune homme bien sous tous rapports le jour, il multiplie les rencontres furtives et anonymes la nuit, sans trouver nulle part l'affection qu'il cherche depuis toujours. Honteux de ce qu'il est, il tente aussi des relations avec des femmes. De questionnements en mensonges et révélations qui précipitent un désastre, il quitte le pays, trouve l'apaisement à Amsterdam puis à New York avant que de nouveaux drames ne le frappent et qu'il revienne en Irlande à l'aube des années 90, à la rencontre de son passé.
Onze chapitres qui, par tranches de sept ans, nous font suivre Cyril au (mal) gré de sa quête d'identité et de bonheur. Entre l'homophobie dans une Irlande dominée (gangrenée) par des prêtres dogmatiques et la haine "ordinaire" des gens "bien-pensants" et "normaux" qui accusent les gays de propager le virus du sida, il est délicat de s'assumer. En 2015, Cyril connaîtra la légalisation du mariage homosexuel en Irlande, et malgré le soulagement de vivre enfin dans une époque plus tolérante, il conserve l'amertume et les regrets éternels d'être né beaucoup trop tôt et d'avoir passé (perdu) une vie à se chercher. On a mal au coeur pour ce personnage complexe, à la fois faible et résilient, égaré dans les non-dits, les malentendus et les faux-semblants. Le roman met aussi en évidence le sort peu enviable des femmes, en particulier des filles-mères, dans ce pays qui n'autorise le divorce que depuis 1995, et dans lequel la légalisation de l'avortement a été approuvée par référendum il y a à peine trois mois (oui, en 2018). Même s'il y a des moments très drôles, avec des dialogues hilarants de vachardise (la palme aux parents adoptifs de Cyril), les sentiments qui dominent à la lecture sont la mélancolie et la tristesse, et la révolte devant la bêtise humaine et les tartuferies de cette Eglise catholique et des politiciens à sa botte.
"Les fureurs invisibles du coeur" est un roman-fleuve, un peu long mais pas tranquille, avec quelques stéréotypes et un peu trop de coïncidences, mais l'écriture est belle et l'histoire émouvante. Un de ces livres dont on tourne à regret la dernière page.

En partenariat avec les éditions JC Lattès, via Netgalley.
Lien : https://voyagesaufildespages..
Commenter  J’apprécie          866




Lecteurs (2347) Voir plus



Quiz Voir plus

Le garçon en pyjama rayé.

La soeur de Bruno est...

' Une source d'ennuis '
' Le bazar continu '
' Un cas désespéré '

6 questions
92 lecteurs ont répondu
Thème : Le garçon en pyjama rayé de John BoyneCréer un quiz sur ce livre

{* *}