Fahrenheit 451 : température à laquelle le papier s'enflamme et se consume.
Savez-vous pourquoi des livres comme celui-ci ont une telle importance? A cause de leur qualité. Et que signifie le mot qualité? Pour moi, il veut dire structure. Ce livre a des pores. Il a des traits. Ce livre peut passer sous un microscope. Sous le verre, vous apercevriez la vie, un foisonnement incessant. Plus il y a de pores, plus il y a de détails vivants, sincèrement notés par centimètre carré sur une feuille de papier, plus vous touchez à la vraie «littérature». Du moins, c'est ma définition. Donner des détails, des détails pris sur le vif. Les bons écrivains touchent souvent la vie du doigt. Les médiocres ne font que l'effleurer de la main au passage. Les mauvais la violent et l'abandonnent en pâture aux mouches.
La sottise qui consiste à prendre une métaphore pour preuve, un torrent verbeux pour une source de vérités capitales et sois-même pour un oracle est innée en chacun de nous.
Je ne parle pas des choses, avait dit Faber. Je parle du sens des choses. Là, je sais que je suis vivant.
« Comment vont vos enfants, madame Phelps ? demanda-t-il.
— Vous savez bien que je n'en ai pas ! Dieu sait qu'aucune personne sensée n'aurait l'idée d'en avoir ! »
s'emporta Mme Phelps sans très bien savoir pourquoi elle en voulait à cet homme.
« Je ne suis pas de cet avis, dit Mme Bowles. J'ai eu deux enfants par césarienne. Inutile de souffrir le martyre pour avoir un bébé. Les gens doivent se reproduire, n'est-ce pas, la race doit se perpétuer. Et puis, il arrive que les enfants vous ressemblent, et c'est bien agréable. Deux césariennes et le tour était joué, je vous le garantis. Oh, mon docteur m'a bien dit : "Pas besoin de césarienne ; vous avez le bassin qui convient, tout est normal", mais j'ai insisté.
— Césariennes ou pas, les enfants sont ruineux ; vous n'avez plus votre tête à vous, rétorqua Mme Phelps.
— Je bazarde les enfants à l'école neuf jours sur dix. Je n'ai à les supporter que trois jours par mois à la mai- son ; ce n'est pas la mer à boire. On les fourre dans le salon et on appuie sur le bouton. C'est comme la lessive ; on enfourne le linge dans la machine et on claque le couvercle. » Mme Bowles laissa échapper un petit rire niais. « C'est qu'ils me flanqueraient des coups de pied aussi bien qu'ils m'embrasseraient. Dieu merci, je sais me défendre ! »
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Quels traîtres peuvent être les livres ! On croit qu'ils vous soutiennent, et ils se retournent contre vous. D'autres peuvent pareillement les utiliser, et vous voilà perdu au milieu de la lande, dans un vaste fouillis de noms, de verbes et d'adjectifs.
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Les bons écrivains touchent souvent la vie du doigt. Les médiocres ne font que l’effleurer. Les mauvais la violent et l’abandonnent aux mouches.
Et les livres de sautiller et de danser comme des oiseaux rôtis, des plumes rouges et jaunes embrasant leurs ailes.
" Je ne parle pas des choses, avait dit Faber. Je parle du sens des choses. Là, je sais que je suis vivant."
Dix minutes après sa mort, l'homme n'est plus qu'un grain de poussière noire. N'épiloguons pas sur les individus à coups de memoriam. Oublions-les. Brûlons-les, brûlons tout. Le feu est clair, le feu est propre.