Retour à la Nature
Greenloop est une petite communauté ultra écolo pour bobos privilégiés, à quelques encablures de Seatle : six maisons dotées des dernières évolutions technologiques (connectique haut de gamme, bio-gaz pour se chauffer -je vous laisse découvrir-) permettant de vivre au plus près de la nature mais sans pour autant renoncer au confort auquel nous sommes habitués. Ils sont neuf à s'y être installés, sous la houlette de Tony et Yvette, les créateurs de Greenloop : Vincent et sa femme Bobbi, Effie et sa femme Carmen ainsi que leur fille adoptive Palomino, Alex Reinhart anthropologue idéaliste, Dan et Kate un couple au bord de la rupture, et Mostar artiste sculptrice (à l'aide d'une imprimante 3D...). Mais un évènement inattendu va bouleverser la vie bien organisée de chacun : le Mont Rainier est entré en éruption et si Greenloop n'est pas directement menacée, la communauté se retrouve coupée du "monde extérieur". Routes impraticables recouvertes par les lahars, plus d'électricité, plus d'internet évidemment -donc plus de livraisons de nourriture- ... .
De la vie, les habitants de Greenloop passent à la survie car nul ne sait quand les secours arriveront dans ce coin reculé des Cascades. Et pour ne rien arranger, après le volcan, c'est la faune qui se réveille ! Et une faune particulièrement sauvage...
Max Brooks délaisse les zombies et revisite en un thriller très réussi un mythe qui traverse les cultures, celui du Big Foot, ou Sasquatch ou encore Yeti, cet homnidé géant, velu et dégageant une odeur nauséabonde, à mi chemin entre le grand singe et l'homme ...
La construction du roman le rend très addictif : en effet, l'auteur entrelace habilement deux récits : celui de Kate avec des extraits de son journal et celui de l'auteur lui-même, à travers les interviews de Frank McCray (le frère de Kate) et de la ranger-Chef Josephine Schnell, tout en glissant d'autres documents utiles (comme des interviews des habitants de Greenloop d'avant le drame ou des extraits de livres divers autour du Big Foot). C'est habile car cela permet d'une part, de suivre l'évolution des personnages avant et après la catastrophe, et d'autre part, de vivre au plus près les évènements en alternant les points de vue et la temporalité de l'histoire.
A travers cette fiction,
Max Brooks fait également passer quelques messages, le principal étant que la Nature n'est pas inoffensive et que le retour à la Nature tel qu'il est prôné par certains "écolo-bobos" est une utopie qui peut se révéler dangereuse. Non, la Nature n'est pas bienveillante, les animaux sauvages répondent à des besoins basiques, dont le premier est de se nourrir (avec ce qu'ils trouvent !) et les cougars qui ressemblent à de gros chats gentils ne sont pas des animaux de compagnie (cf chapitre 21 avec les pumas de Boulder)... La critique de notre société avec ses dérives consuméristes est également très présente dans ce livre :
Max Brooks ne fait pas de cadeaux à certains de ses personnages, notamment Tony et Yvette (Monsieur roule en Tesla, les livraisons se font par drones), tels qu'ils sont décrits, à la limite de la caricature, incapables de se remettre en question, égoïstes et lâches ...
Comme dans plusieurs ouvrages apocalyptiques, le thème de l'effondrement de la société (ici c'est une micro-société mais on devine sans peine les effets de l'éruption du Mont Rainier sur Seatle ou Tacoma) est parfaitement mis en avant et son corolaire, notre adaptabilité à la survie. En introduisant le Big Foot dans le jeu,
Max Brooks pousse la réflexion à l'extrême : ce ne sont pas les plus forts qui peuvent survivre mais bien ceux qui sauront s'adapter (ou "dévoluer") ... mais à quel prix ?
Un excellent thriller qui sort des sentiers battus (sans jeu de mots !) et que je recommande.