Je connais le talent de
Michel Bussi pour avoir déjà lu quelques autres de ses romans, notamment «
N'oublier jamais » et «
Un avion sans elle ». Et pourtant, je suis tombée dans le piège comme une débutante… C'est là où réside la force de l'écrivain, cette faculté à toujours surprendre le lecteur, même averti.
«
Mourir sur Seine » fait partie des premiers romans de
Michel Bussi. Edité en 2008, le livre est disponible désormais en format poche. J'ai eu le plaisir de le découvrir en avant-première grâce à Babelio et les éditions des Falaises.
Dans ce roman, nous retrouvons l'importance accordée au passé comme dans ses autres livres. En effet, les premières pages s'ouvrent sur une scène familiale en bord de Seine, datée de 1983. Puis, le lecteur fait un bond de 25 ans. L'action du roman se déroule en 2008. Cependant, même si le lecteur a tendance à l'oublier, les événements de l'année 1983 revêtent une importance capitale.
La force du livre repose à la fois sur le décor, le choix des personnages et l'intrigue. Nous sommes dans un vrai polar avec une enquête criminelle qui se révèle corsée et un serial killer prêt à tout. Il y a aussi le contexte qui apporte beaucoup à l'histoire. L'action se déroule pendant l'Armada 2008 de Rouen. Il s'agit d'une manifestation populaire, la deuxième plus importante en France après le Tour de France. Elle a lieu tous les quatre ou cinq ans et dure une dizaine de jours. L'esprit de l'Armada est bien retranscrit à travers les nombreuses descriptions. de grands voiliers venus des quatre coins du monde se rassemblent. Rouen devient ainsi pour quelques jours le point de rassemblement de toutes les nationalités. On perçoit également l'attachement des habitants pour cette manifestation. D'autre part,
Michel Bussi fait honneur à Rouen en déroulant l'action de son livre en son sein. A travers ce roman, j'ai vraiment découvert une ville pleine de ressources.
Les personnages se révèlent assez nombreux dans ce roman (peut-être trop nombreux ?). Cependant, les deux personnages principaux me paraissent bien choisis car charismatiques. Il y a d'abord Gustave Paturel, le commissaire débordé, père divorcé de deux jeunes enfants, et Maline Abruzze, une journaliste de 36 ans, ancienne reporter qui travaille désormais en local. Cette jeune femme porte bien son prénom (inventé par ses soins) car elle est vive d'esprit et elle n'a pas froid aux yeux. J'ai apprécié son côté célibataire qui s'assume. Cependant, le texte a tendance à s'arrêter un peu trop souvent sur ses formes et son décolleté. Cela en devient parfois un peu gênant (ex. : « Avec un peu d'attention, Sudoku pouvait repérer si Maline portait ou non un soutien-gorge. […] Elle n'en portait pas ! » p.345). D'autres personnages, plus secondaires, apportent un vrai souffle au récit, notamment le policier roumain Ovide Stepanu dont les thèses originales se vérifient très souvent. Grâce à ses manies, l'histoire gagne en clin d'oeil humoristique. Au contraire, le personnage d'Olivier Levasseur, riche, irrésistible, sûr de lui, fait malheureusement écho au Christian Grey de « 50 nuances ». Mais comme dans tout bon livre qui se respecte, il faut bien une petite amourette. Maline et Olivier forment un couple tout trouvé.
Mais revenons à notre enquête. Les fils sont difficiles à démêler. Grâce aux indices et aux nombreuses hypothèses échafaudées, le lecteur peut jouer au Sherlock Holmes. C'est toujours appréciable lorsque le noeud de l'intrigue s'avère difficile à dénouer. le roman ne manque pas de rebondissements, d'autant plus que le récit flirte avec le surnaturel. En effet, les meurtres sont commis sur de jeunes marins, tous à la recherche d'un trésor enfoui dans la Seine. Nous côtoyons le monde mystérieux de la piraterie représenté par le charismatique Ramphastos, un ancien conteur et pirate anarchiste devenu ivrogne. Dans le roman, il est question de légendes et d'histoires vraies sur la piraterie. Assez fascinant, même pour ceux qui ne s'intéressent guère au monde sous-marin. D'autre part, les références à
Victor Hugo, enterré près de Rouen, et à son histoire intime, trouvent dans le récit une vraie pertinence. le lecteur fait une pierre deux coups en lisant ce roman : il se divertit et se cultive.
Enfin, j'ai été sensible au goût de la formule de l'auteur, avec par exemple, cette phrase qui clôture un chapitre : «L'Armada, c'est Rouen qui revit ! Et un marin qui meurt… ». de quoi faire oublier les petites coquilles relevées ça et là (p.386 ou p.438).