Une dystopie policière qui me laisse un peu sur ma faim.
2097 à Tetamanu, archipel des Tuamotu, Polynésie. Rupert promène son chien sur la plage de l'île paradisiaque qu'il a acquise avec son épouse et quatre couples d'amis, quand il remarque à l'horizon un détail qui le chagrine. Détail qui révèle une énormité : un homme blond se dirige rapidement vers l'île en bateau. Il accoste, abat Rupert et son chien, avant de faire le tour des bungalows.
Comment cela est-il possible dans un monde où le seul moyen de locomotion utilisé est la téléportation, gérée par un système omniscient? PANGAIA sait tout : le système régule les flux de téléportation, sait précisément où se trouve et où se déplace chaque Terrien, gère en temps réel le taux d'occupation de chaque lieu sur la planète et le respect des espaces privés.
PANGAIA, programme informatique créé somme toutes par nous autres humains, et géré par une poignée d'entre eux. PANGAIA qui peut téléporter en secret ceux qui « nuisent au repos du monde ». C'est Pitchipoi, la déportation dans un espace clos correspondant au territoire du Kazakstan des assignés, c'est-à-dire des gens jugés trop dangereux pour la démocratie ou trop attachés à leurs racines territoriales, qu'ils revendiquent (ce qui va à l'encontre des bases de la nouvelle démocratie terrienne).
Car nous ne sommes ici pas seulement dans un polar, comme les précédents romans de
Michel Bussi. Ici, il nous plonge dans une dystopie policière et part du postulat d'une unique avancée technologique qui va tout bouleverser. Nous sommes en 2097, donc. le monde a évolué. Les hommes ne se déplacent plus que par téléportation. Comme le stipule la constitution de 2058 : « Une seule Terre, un seul peuple, une seule langue ». Représenté par un seul président, Galiléo Nemrod.
Tout le monde est fiché, tous les déplacements contrôlés. Ceux qui refusent de se plier à cette surveillance discrète mais permanente vivent en exclus (tu te rappelles les gens qui n'ont pas voulu être vaccinés contre la Covid? Pareil : soit tu plies, soit tu n'as accès à rien).
Il n'y a plus de frontières, plus de pays. Chacun peut se déplacer à l'autre bout du monde en une fraction de seconde. Même chose pour les marchandises. Plus d'appartenance religieuse, plus d'appartenance nationale. Plus de guerres, des richesses mieux partagées.
La société est ultra connectée et aseptisée. Dans ce contexte, l'insécurité est devenue une notion toute relative. Les problèmes environnementaux et sociétaux que nous connaissons sont un lointain souvenir : plus de voitures, de bateaux, d'avions, les routes ne sont plus utiles. Plus besoin de carburant polluant. Plus de pandémies. Respect de la nature et des lieux (chaque lieu de la planète est soumis à un taux d'occupation strict). Quand on veut acheter un produit, on peut visionner les articles des boutiques sur son mur comme sur un écran. L'article sélectionné est téléporté à l'acheteur.
La notion de propriété a évolué. Il y a l'espace privé de chacun. Tous les espaces qui ne sont pas privés appartiennent à tout le monde, donc on ne peut être propriétaire que de l'endroit où l'on vit au quotidien. Par contre, on peut choisir de vivre n'importe où.
Les hommes vivent dans une démocratie universelle : chaque décision est soumise au vote en temps réel de chaque Terrien. Ces décisions ne sont validées que si la majorité a voté pour.
C'est dans ce contexte que s'inscrit le récit. Alors quand ce brave Rupert, avant d'être froidement abattu, a vu ce bateau approcher de son espace privé, il s'est vite rendu compte qu'il y avait un problème …
L'enquête est confiée au commandant Artem Akinis et son équipe, Mi-Cha Kim, une jeune Asiatique super sexy et ultra connectée, et Babou Diop, un Africain préférant les enquêtes à l'ancienne et réticent à l'omniscience technologique.
Leur chemin va croiser celui de Lilio de Castro, un journaliste révolutionnaire et arriviste, qui espère mettre le doigt sur les secrets du président et qui va tout faire pour prouver ses hypothèse. Il va entraîner malgré elle Cléo, une jeune institutrice solitaire et très discrète, un brin naïve et utopiste, dans sa course effrénée.
Je dois avouer que la partie anticipation de ce roman ne m'a pas convaincue, même si certains abords font envie. J'ai du mal aussi avec quelques clichés qui apparaissent ici et là.
Quant à l'enquête,
Michel Bussi fait ce qu'il sait très bien faire : les chapitres s'enchainent, chacun amenant une pierre à l'édifice, distillant le mystère et le suspens, en alternant les points de vue, ce qui apporte un rythme soutenu. Cela est parfaitement maîtrisé.
Michel Bussi nous offre là nombre de pistes de réflexion, au niveau technologique, politique, environnemental, sociétal. Aussi sur la face cachée des bons sentiments affichés. Sur le besoin d'appartenance et de reconnaissance. Sur notre éventuelle capacité à nous construire et à évoluer sans réelles racines, sans identité territoriale. A être, sans tous les marqueurs établis à ce jour. A trouver son identité propre en dehors des conventions imposées depuis des siècles.
C'est un roman sans prétention, pas le meilleur de l'auteur à mon sens, mais qui m'a fait passer un bon moment les doigts de pieds en éventail sur la plage!
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