C'est une grande fresque historique qui fait penser aux romans de
Henri Troyat,
Ken Follett,
Kate Mosse..
Trois ans pour écrire cette oeuvre magistrale qui nous fait partager la vie de deux familles italiennes pendant toute la période fasciste, de 1915 à 1945.
L'auteur,
Jean-Pierre Cabanes, avocat de formation, a pu rencontrer des descendants de responsables fascistes italiens. La documentation, considérable, est l'un des points forts de ce roman.
Et les personnages qui sont particulièrement étonnants; deux hommes au centre du récit, qui, au départ, n'avaient aucune chance de se rencontrer: Lorenzo Mori, jeune officier de Vérone, amoureux de Julia qui va être promise à un autre mariage. Nino Caldérone, jeune sicilien de Castellaccio, qui se voit évincer de ses terres par un propriétaire foncier sans scrupules..
La première guerre va amener ces deux personnages à se rencontrer et ce sera l'occasion aussi pour Lorenzo de rencontrer Mussolini alors simple sous-officier.
Lorenzo comme Nino feront partie du commando des "Arditi" combattants d'exception.
Le retour à la vie civile sera particulièrement difficile pour nos deux héros, Lorenzo a perdu une main au combat et Nino a été défiguré.
Le destin qui les attend après la guerre est étonnant:
Lorenzo va suivre la trajectoire ascendante de Mussolini et devenir son confident, son homme à tout faire..
Nino va revenir dans sa Sicile natale, y découvrir que sa fiancée, Carmela, est sur le point d'épouser un académicien connu, Cavalcanti. Lui-même est donné pour mort... Il restera donc dans l'ombre et rejoindra les rangs de la célèbre Cosa Nostra, y faisant une "carrière" éclatante puisqu'il va devenir un parrain redoutable.
Quelques années plus tard, Lorenzo sera affecté en Sicile en tant que prefetissimo et aura l'occasion de retrouver son ancien camarade de combat.
Lorenzo aura une carrière spectaculaire auprès de Mussolini. Il deviendra héros de guerre pendant l'expédition en Ethiopie puis général de la Milice, chargé des relations internationales, il interviendra pendant la guerre civile d'Espagne et assistera à la bataille de Stalingrad..
Les femmes ne sont pas en reste dans ce roman-fleuve: Carmela est une femme impressionnante, une sorte de maîtresse-femme qui gère son domaine agricole sicilien de main de maître. Plus tard elle deviendra éditrice et connaîtra un grand succès dans cette activité. C'est une femme libre avant l'heure puisqu'elle sera la maîtresse, entre autres, du célèbre gendre de Mussolini, Ciano.
Difficile pour les hommes de se mesurer à une telle femme: le cas de son malheureux mari Cavalcanti, sera éclairant. Après avoir honteusement exploité la vie privée de sa femme pour "nourrir" ses livres, il sera "remercié" définitivement.
Et puis il y a Laura, la fille de Lorenzo. Elle va s'affronter à son père puisqu'elle va tout faire pour lutter contre le fascisme.
Ce livre est aussi un roman de l'"engagement", un thème plutôt oublié dans ces dernières années.
Les personnages ont ici la force de leurs convictions, prêts à renverser des montagnes et à risquer leur vie, parce qu'ils sont convaincus de la justesse de leurs idées.
Un livre magnifique qui nous fait aimer encore plus l'Italie et qui donne un éclairage intéressant sur cette période trouble de l'histoire italienne.
Il est particulièrement intéressant de découvrir la maîtresse de Mussolini, Margherita Sarfatti, qui donne l'impression de "mener la danse" dans ce livre.
Les événements historiques évoqués comme l'enlèvement et le meurtre du député Matteoti sont particulièrement bien rendus.
Bref c'est l'histoire comme on aime...
Un roman-fleuve dense et foisonnant, parfait pour ces durs temps de confinement....