La romancière britannique Kate Mosse salue la Galerne et présente son nouveau roman, "La Cité de larmes" (Sonatine éditions) qui plonge le lecteur au coeur des tourments de l'Histoire de France pendant les Guerres de Religion.
Les morts laissent une ombre derrière eux, l’espace où ils vécurent résonne encore de leur écho. Ils nous hantent, sans jamais s’effacer ni vieillir comme nous le faisons. Ce n’est pas seulement leur futur que nous pleurons, c’est aussi le nôtre.
Un libraire, Bernard Joubert, avait été emprisonné avec lui. Accusé de vendre des ouvrages séditieux et hérétiques, il avait défendu l'idée, lorsque les inquisiteurs le questionnaient, qu'il était possible d'être un bon catholique et de vendre des œuvres de littérature et de théologie reflétant des points de vue différents. Sa défense : sans comprendre ce que prèchaient les réformateurs, il était impossible de raisonner avec eux et ,donc ,de remporter le débat. Dans la connaissance résidait le pouvoir .
Il n'y a pas de secrets dans un village. Même si le temps érode les souvenirs, quelqu'un finit toujours par parler. Convaincu par une pièce dans sa main, un bâton sur son dos, la courbe d'un sein sous une chemise d'été. A mesure que passent les années, les histoires censées rester cachées et celles connues de tous se confondent. Tout et tout le monde peuvent être achetés. Une information, une áme, une promesse d'avancement ou un pot-de-vin. Un lettre remise contre un sou .Une réputation détruite pour le prix d'une miche de pain. Et quand l'or et l'argent ne suffisent pas, il y a toujours la pointe d'un couteau . Le courage est un ami volage.
Non, Meredith ne comprenait pas qu'on puisse considérer que l'avenir était d'une certaine façon déjà écrit. C'était absurde, et bien trop fataliste à son goût. Une manière de ne pas assumer pleinement sa propre vie, de s'en remettre à une instance supérieure, et non à soi-même, pour mener sa barque.
Alaïs se rapprocha. La lumière des chandelles dansait dans sa prunelle.
« L'histoire commence en terre d'Egypte, il y a de cela plusieurs milliers d'années. C'est l'histoire véridique du Saint-Graal. »
Alaïs se tenait sur les murs de la citadelle de Montségur, silhouette gracile et esseulée dans son épais manteau d'hiver. La beauté lui était venue avec le passage des ans. Si mince qu'elle fût, la grâce se reflétait dans son visage, son port de tête, son maintien. Elle regarda ses mains : dans la lumière matinale, elles semblaient bleutées, presque translucides.
Des mains de vieille femme.
Alaïs sourit. Vieille, non. Plus jeune que son père quand la mort l'avait emporté.
Alaïs n'avait jamais quitté les terres du vicomte Trencavel et, partant, avait grand-peine à se représenter les grandes ville du Nord, comme Paris, Amiens ou même Chartres, ville où sa mère avait vu le jour. Pour elle, ce n'était que des noms sans couleur ni saveur, aussi rudes que la langue qui s'y parlait, la langue d'oïl. Mais même sans le comparer, elle ne pouvait imaginer plus beau pays que celui, pérenne et intemporel, de la région de Carcassonna.
L'Histoire est écrite par les vainqueurs, les menteurs, les plus forts et les plus résolus. La vérité se découvre souvent dans le silence et les lieux tranquilles.
Ce que nous appelons civilisation est juste une façon pour l'homme d'essayer d'imposer au monde naturel ses propres valeurs. Les livres, la musique, la peinture, toutes ces constructions qui ont tant occupé nos compagnons de ce soir cherchent à capturer l'âme de ce qui nous entoure. Une façon de donner du sens, d'ordonner nos expériences humaines en quelque chose de mesurable, de maîtrisable.
Avril 1912,
Église Saint-Pierre et Sainte-Marie
Marais de Fishbourne
Sussex
Mercredi 24 Avril
Minuit.
Dans le cimetière de l’église Saint-Pierre et Sainte-Marie, des hommes se rassemblent en silence, au bord des marais noyés de brume. En attente, aux aguets.
Car, selon la croyance, la vieille de la Saint-Marc, les esprits de ceux destinés à mourir durant l’année à venir apparaissent.