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"Mayacumbra", dernière page, dernier mot, clap de fin, livre refermé, silence… Un silence fait de mots, les mots d'Alain Cadéo. Ils continuent de résonner, de courir, de sautiller. Dans ce dernier roman de l'auteur, j'ai retrouvé toute la poésie de ses précédents écrits et plus encore, un roman aux allures de conte initiatique.

Comme dans un conte, en effet, le héros, Théo vingt-sept ans, semble mener une quête. D'où vient-il ? de loin. Où va-t-il ? Très haut. "Ailleurs", "là-bas", étaient mes deux credo, mon moulin à prières, ma grinçante crécelle faisant trembler, grincer les dents de la maisonnée." Que fuit-il ? Que souhaite-t-il ? Sur son chemin semé d'embûches, il rencontre des personnages pour le moins marginaux, aussi originaux que les noms dont ils sont affublés : Solstice,Cyrus, Lorino, Biribine, Rolombus… Il tombe amoureux d'une femme, jolie mais déjà mariée, au prénom qui chante et sent le bonheur : Lita. Tous sont là, près de lui, dans sa recherche d'on ne sait quoi. Et le volcan endormi, à l'abri duquel il a installé sa cabane, veille : "Théo est enfin sûr d'avoir gagné la confiance de la Corne de Dieu. Cette énorme masse minérale vit et respire au même rythme qu'eux… C'est une complicité. Ils n'ont plus de secrets, aucune zone d'ombre. L'homme, l'animal, la pierre, la chair, ne font qu'un. Théo est fier d'être l'ami, le familier, le camarade d'un géant." Et son âne Ferdinand, compagnon de grimpette, est là aussi "… avec ses flancs qui battent comme une cornemuse…"

Lire un roman d'Alain Cadéo, c'est se noyer dans un tourbillon d'expressions finement choisies, s'immerger dans un dédale de phrases ondulantes, se laisser couler au milieu de personnages lunaires, traverser des paysages paradisiaques, écouter un volcan gronder. Ses mots sont une berceuse, ses digressions loin de gêner transcendent le texte et mêmes les quelques grossièretés parfois utilisées ajoutent quelques aspérités vivantes à la poésie de la langue. Lire un roman d'Alain Cadéo c'est accepter de dévaler ses écrits au rythme de sentiers cabossés, de boire à une source d'eau fraîche sur le chemin, c'est tout oublier pour suivre son tempo, c'est côtoyer des êtres blessés qu'il ausculte au plus profond de l'âme, c'est se fondre dans l'irréel d'une histoire aux accents d'authenticité.

"Un livre… c'est comme un dessert… ou mieux une tablette de chocolat… S'il est bon tu peux le goûter n'importe où… il t'emporte… T'es même pas obligé de le finir… Un bon livre, ça se croque tout seul, par petits bouts, le reste se devine… Et toi, tu salives, tu anticipes, tu cours derrière tes images." Mais moi, "Mayacumbra", je l'ai fini. Je l'ai goûté, je l'ai croqué, j'ai salivé. Mais j'ai refusé d'anticiper, j'ai refusé de deviner, je suis allée au bout. Je n'ai pu m'arrêter, emportée par le rythme, le chant des mots, les odeurs du plateau. Et je n'ai pas regretté. Comment imaginer le fabuleux bouquet final de ce feu d'artifice qu'est "Mayacumbra" ?

Un véritable coup de foudre, un bijou préservé dans un écrin aux couleurs d'améthyste – décidément, j'aime beaucoup les couvertures des Editions La Trace – et sublimé par la très belle préface de Sylvie le Bihan.

Lien : https://memo-emoi.fr
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L'absence de chapitres voulue par l'auteur, donne d'emblée un rythme particulier, ressemblant à l'horizon qui s'étire devant les yeux de Théo.
Le Capitan, ce vent au nom de personnage fanfaron et pleutre des comédies à l'ancienne en est le Maestro et donne une dimension presque mystique à cette histoire.
C'est dans ce décor que Théo a décidé de s'installer :
« Alors cesser de fuir. le Monde est une partie de cache-cache jouée d'avance. le planqué, retranché, encaverné, immobile, tout comme celui qui sort, qui court, s'évertue à se perdre, seront tous les deux bien vite nus, tétanisés sous l'oeil rond de la Terre et des Lunes qui ne nous lâchent pas. »
Il n'a que 27 ans et il s'invente une vie dans une quête de sens, de cohérence.
Mayacumbra c'est où vous avez décidé quand vous le voulez, nous avons tous un Mayacumbra.
S'éloigner du monde c'est souvent mieux le retrouver.
Il s'est construit une cabane très habitable à flanc de volcan. Il a tout fait lui-même, de ses mains, avec pour aide son fidèle compagnon l'âne Ferdinand.
Plus bas se côtoient le peuple de la forêt et un village fait de bric et de broc autour d'une épicerie générale comme cela se faisait au Canada avec les pionniers.
Ces villageois sont bigarrés, ils ont tous un passé, des secrets…
Raymond un curé déjanté, Giacomino l'errant, Cyrus et la mère Talloche les épiciers, Solstice le garagiste et ami de Théo, Balthazar le manchot et Lita femme de Moreno et maîtresse de Théo.
C'est une peinture haute en couleurs bien incarnée, que nous dessine l'auteur.
Portraits où alterne la caricature et la finesse. Souvent drôles mais surtout attachants.
Tous vivent là, dans un paysage de rêve malgré ou grâce à la rudesse des lieux.
C'est un paysage de tous les possibles, c'est un horizon qui s'ouvre…
Il ne faut pas croire que laisser tomber la pelisse du passé se fait avec simplicité et facilité.
Les angoisses sont là ; la proximité du volcan est comme les battements du coeur, un mystère, un essentiel.
Les petites phrases qui lui signifiaient qu'il n'était jamais au bon endroit, au bon moment sont les antiennes du cauchemar.
Il faut se réinventer.
Ici, dire que la nature est un personnage à part entière n'est pas une métaphore.
J'ai aimé ses couleurs, les sautes d'humeur, ses soubresauts, sa beauté comme sa cruauté, car la vie est tout cela.
L'amour omniprésent, prégnant comme une évidence, simple et compliqué.
Une philosophie ?
Et soudain, la nature change avertit celui qui est attentif.
Lita le sent, elle qui vient de la forêt et vit au village.
L'histoire bascule.
Alain Cadéo joue avec ses mots de contrebande pour notre plaisir de lecteurs.
Car tous font sens qu'ils vous invitent à la poésie ou à la philosophie, vous y trouverez la vie, celle où l'humain a de l'importance.
L'auteur est allé encore plus loin dans sa singularité, faisant de son écriture une empreinte, trace profonde et durable dans l'esprit de ses lecteurs.
Lire sa prose c'est voyager dans un ailleurs aussi lointain que proche car c'est en nous que sont les clefs de l'énigme.
Western à la française, la conquête s'ouvre sur de vastes horizons et creuse les profondeurs de l'âme.
De belles observations sur le langage qui est mouvant, sur la littérature et ce qu'elle a à offrir.
C'est dans ces creux que se bâtit la réflexion vagabonde du lecteur.
Un beau roman d'aventure mâtiné de poésie avec pour destrier JJ Rousseau.
Le but ne serait-il pas de nous faire connaître : « La joie, ce n'est pourtant rien d'autre que de suivre, d'accompagner le Monde, ce maître aquarelliste. Ce n'est rien d'autre que, libres et ivres de couleurs, légers, nous laisser imprégner de toute sa palette. Sans l'ombre d'une défense, sans un soupçon d'a priori, sans l'idée même de profit. C'est être au coeur conscient de la lumière, là où vibre, tremble, bouge, danse, oscille, vit , meurt, apparaît, disparaît. »
©Chantal Lafon-Litteratum Amor 7 novembre 2019.
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Ouvrir « Mayacumbra » pressentir la solennité, bien au-delà d'une première de couverture, plénitude des cimes. « A l'origine dans l'aube mouvante, quelques troncs noirs étranglent encore la lumière fade de la vallée. » L'incipit est un accueil chatoyant. Boucles verdoyantes, poétiques, liturgie du verbe. Alain Cadéo est cette entité universelle. Offrant à l'hôte de ses pages l'opportunité rare d'un voyage initiatique. Les mots rentrent en scène, en alliance avec l'auteur qui, subrepticement, à pas veloutés devient le guide du minéral, du régénérant. Il dépose, habile et sage, les gouttes de cette rosée grammaticale, épiphanie des grandeurs. La beauté est déjà là. Majuscule d'un pictural, révérence pour Giono, Pagnol, Bosco, à ces observateurs du frémissement existentiel. Alain Cadéo est un pèlerin. Délivrant son aura de Babel, posant cette pierre mémorielle, en gestuelle d'humilité. le don d'écriture est salvateur. le lecteur prend son bâton, marche vers le hameau « Mayacumbra » Idiosyncrasie d'une micro société. Les habitants sont des paravents contre les affres du vrai monde consumériste et superficiel. Dans cet espace où se côtoient les fardeaux lourds d'un passé renié, les espérances et les solidarités. La philosophie s'élève cosmopolite, hédoniste, cynique. On aime plus que tout le subtil des noms des protagonistes : Théo, Solstice… qui gravitent dans cette histoire. Des clins d'oeil malicieux, petits cailloux semés, éclats de rire intenses. La tonalité de la trame veloutée, épicurienne est une boîte de crayons de couleurs. « Sa foi est illimitée. Il a même construit une petite chapelle en pierres, table ronde, dans laquelle il se love comme un loir. « Mayacumbra » est un refuge parabolique. Un antre où tous sont une farandole, un feu de St Jean. Un lieu vivifiant où le liant est cet apôtre contrant l'énigmatique volcan « La Corne de Dieu » et ses sauts d'humeur. Les soudés d'un même destin s'observent, s'entraident. « Un seul être suffit à mettre tout en place. Pierre angulaire de ce nouveau monde. Lita justifie tout. » La voici la belle enfant, l'amoureuse de Théo, celle qui déploie son magnétisme, emportant la palme de la pureté jusqu'au plus extrême des chemins. Théo, 27 ans, dont l'âge est un secret, est le fil rouge de cette histoire. Cet homme fuyant ses démons, le mercantilisme, vivant seul, au plus près de « La Corne de Dieu » avec son âne Ferdinand, ses mystères et son amour fou pour Lita. Les pages s'accrochent aux étoiles, à l'authenticité, à la beauté d'un volcan imprévisible. le summum est là. « Celui qui ne connaît pas cette joie de veilleur, caché de tous, retenant sa respiration, identifiant le moindre bruit, dans de très longues nuits d'amour à la lisière des mondes, ne sait rien de la joie cristalline que l'on peut éprouver à rester puissamment attentif, sous l'acupuncture glacée des étoiles. Théo construit sa maison. « Il veut que chaque bloc autonome soit à lui seul une vivifiante architecture. Ce qu'il cherche à obtenir c'est cet assemblage de force… Un point d'orgue, un centre de gravité… » Macrocosme, refuge alloué à l'ex-voto emblématique. Tout est beau dans cet entre monde, dans cet aller-retour entre les personnages que l'on aime de toutes ses forces. « Ainsi chacun avec ses propres mains a le pouvoir de mettre au monde ce qui le hante le plus… le crâne humain est un chantier en friche, un mortier d'alchimiste. » Ce récit est transcendant. Ecoutez l'attentive délicatesse des regards qui se croisent, les bruissements des feuillages sentimentaux. L'éclatante ferveur d'un volcan, symbiose d'un travail à polir pour s'affranchir. L'honnêteté du verbe placé dans son axe le plus juste, aux voix de « Mayacumbra » prières laïques, encre d'une lave qui se donne en oraison. Dire à Alain Cadéo le pouvoir ésotérique de son écriture de lin et de saveurs. Combien cet éclat de lumière est une mappemonde humaniste, sociologique et sentimentale. Les voix de ses seigneurs sont un écho vibrant pour le lecteur qui défie le chimérique et se prend à vouloir atteindre lui aussi ce lieu de transhumance intérieure. Ce récit est un secret à garder pour les jours sans. Son pouvoir de séduction est magistral, tout se passe en invisibilité. « Mayacumbra » est un baume au coeur. Publié par les Editions La Trace qui nous prouvent une nouvelle fois leur haute qualité éditoriale. Edifiant, rare, culte.
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