Intérieur
Ennemi des théories et des sujets pompeux, Bonnard s'intéresse au thème de l'intimité au début des années 1890, probablement sous l'influence de Vuillard. Ses intérieurs, avec ou sans personnages, ne décrivent aucun fait remarquable mais renvoient à des situations psychologiques ou sentimentales comme la tendresse maternelle, la solitude, l'incommunicabilité entre les êtres, l'érotisme.
L'éclairage artificiel et les cadrages renforcent l'impression d'enfermement des personnages. Posés le plus souvent par ses proches - sa mère, ses neveux, sa compagne - les protagonistes de ces huis clos ressemblent aux créatures énigmatiques au bord des ténèbres du théâtre symboliste de Maeterlinck, dont Bonnard était familier. Bonnard invente des dispositifs sophistiqués pour traduire le vertige de la pensée et des sens, comme le paravent pour séparer les amants - Marthe et lui-même - dans l'Homme et la Femme.
Son point de vue dans l'espace est souvent mobile, tantôt en surplomb, tantôt en contre-plongée, comme pour mieux surprendre son modèle. Le jeu des miroirs dans l'admirable composition intitulée La Cheminée renvoie à l'énigme du regard. Qui regarde qui ? Le modèle regarde son reflet dans la glace et le reflet de son reflet dans un miroir placé derrière lui. Le spectateur contemple les deux et s'interroge sur le tableau placé dans le fond.
Ultra-violet
En juin-juillet 1909, Bonnard effectue son premier long séjour à Saint-Tropez, invité par le peintre Henri Manguin, un ami de Signac, Cross et Matisse. Il éprouve alors, comme il l'écrit à sa mère, un "coup des Mille et une Nuits". "La mer, les murs jaunes, les reflets aussi colorés que les lumières...." l'éblouissent.
La Côte d'Azur, avec son atmosphère hédoniste proche de l'idéal antique de l'Arcadie, est un paradis pour les peintres. Bonnard y revient presque chaque année, louant des villas à Grasse, Saint-Tropez, Cannes et au Cannet avant d'acheter, en 1926, une petite maison qu'il baptise Le Bosquet sur les hauteurs du Cannet, avec une vue panoramique sur la baie.
Le cadrage large de ses paysages transforme la perspective en dispersant les plans comme pour reproduire tous les angles de la vision sur une même surface. Ces "aventures du nerf optique", que Bonnard retranscrit sur la toile, introduisent une impression de surréalité où le temps paraît suspendu. On ne s'étonne pas d'y voir bientôt s'animer des déesses, des nymphes et des faunes. Les compositions peintes par Bonnard dans le Midi se parent de toutes les nuances de jaune. Elles s'introduisent dans les intérieurs, sur les murs, les accessoires et dans les corbeilles de fruits. Leur vibration atteint son zénith avec la floraison du mimosa derrière la baie de l'atelier. L'effervescence de cette couleur solaire s'opposa à la présence irradiante d'un bleu intense virant à l'ultra-violet.
Pierre Bonnard (1867-1947) appartient à une génération d'artistes qui ont succédé à l'impressionnisme sans le connaître. Son modèle en peinture est Gauguin, sa passion, l'estampe japonaise qu'il découvre à l'occasion d'une exposition organisée à l'Ecole des beaux-arts de Paris au printemps 1890.
Pendant cette décennie, il développe un style essentiellement décoratif où les motifs s'emboîtent et se plient dans un réseau complexe de lignes en arabesques et de taches de couleurs vives. La perspective sans profondeur précipite les formes en surface, ramenant les plans au même niveau. Cette vision synthétique et le format vertical de ses panneaux décoratifs évoquant des kakemono lui valent le surnom de "Nabi très japonard" (Félix Fénéon).
"Quand on s'approche de son œuvre, quand on commence à le comprendre, on reçoit des coups de pinceau en plein cœur".
Dina Vierny
A la fin des années 1880, en réaction contre l?académisme et l?imitation illusionniste du réel, un groupe d?artistes se faisant appeler « les Nabis » veut abattre la frontière entre beaux-arts et arts appliqués. Les plus connus sont Bonnard, Vuillard et Maurice Denis. Isabelle Cahn, co-commissaire de l?exposition « Les Nabis et le décor », revient sur le parcours de cette exposition exceptionnelle qui réunit une centaine de peintures, dessins, estampes et objets d?art et présente aux visiteurs des ensembles décoratifs aujourd?hui dispersés.
« Les Nabis et le décor. Bonnard, Vuillard, Maurice Denis, ? » du 13 mars au 30 juin 2019 au Musée du Luxembourg.
Cette exposition est organisée par la Réunion des musées nationaux - Grand Palais et les musées d?Orsay et de l?Orangerie, Paris.
« Les Nabis et le décor. Bonnard, Vuillard, Maurice Denis, ? » du 13 mars au 30 juin 2019 au Musée du Luxembourg.
#ExpoNabis
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