Depuis que je vis dans la capitale, je vois beaucoup de choses que je ne percevais pas auparavant. J'ai vu des Parisiens jamais sortis de leur capitale qui prennent des selfies devant un arbre en fleurs du Jardin des Plantes comme si c'était un événement exceptionnel ou qui se pressent devant une vache au salon de l'Agriculture. Je me surprends à rêver aux nuits assez sombres pour voir les étoiles et malgré tous mes efforts, je vois mourir les plantes que j'essaie de faire pousser sur mon balcon. Je me suis mise à acheter du bio, du fermier avec d'autant plus de rage que celui-ci n'est pas directement accessible et je me suis surprise à trouver ça drôle de devoir laver en profondeur des légumes achetés directement chez le producteur parce que, oh surprise, il reste pas mal de terre dessus. J'ai compris
Marcovaldo, son côté pauvre diable maladroit à la Charlot et son rapport assoiffé à la nature parce qu'enfermés en ville, nous sommes tous un peu
Marcovaldo.
En vingt nouvelles, suivant chacune le rythme des saisons, l'auteur développe l'impossible retour à la nature du citadin. D'un ton léger, qui rappelle les petites BDs humoristiques des journaux, avec leurs histoires qui finissent toujours mal, elles racontent l'aliénation de l'individu, dans la veine d'un réalisme social italien alors en expansion (les premières nouvelles sont écrites en 1952, les dernières en 1963, et elles sont diffusées dans la presse. le recueil est publié pour la première fois en 1966). Mais elles ne le font que par touches, et sacrifient volontiers un propos sur la société à un instant de poésie. En outre,
Marcovaldo ne change jamais ; pour le pire, mais aussi pour le meilleur : en conservant ce regard si particulier qu'il a pour les choses, peut-être sera-t-il toujours là, maladroit mais immuable, quand la ville s'effondrera et que la nature reprendra ses droits.
A ce titre, on est sans doute en droit de se demander : est-ce la reconnaissance post-mortem de l'oeuvre de
Calvino qui fait passer l'ouvrage d'une édition pour enfants à une pour adulte ? Ou l'étrange acuité qu'a pris son sujet au fil des ans ?
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