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« Je ne sais pas si tu penseras à me téléphoner. Et, à cette heure-là, je ne sais pas où t'atteindre. Je n'ai rien à te dire de précis, d'ailleurs, sinon cette vague qui me porte depuis hier et ce besoin de confiance et d'amour que j'ai en toi ». En lisant ces mots écrits par Albert Camus à Maria Casarès en juin 1944, je me suis dit ‘'Dieu merci, les téléphones portables n'existaient pas à cette époque'' ; sinon aurait-elle existé, cette correspondance entre un immense écrivain et l'une des comédiennes les plus brillantes de sa génération (pour mémoire : Albert Camus a reçu le Prix Nobel de Littérature en 1957 et Maria Casarès fut pensionnaire de la Comédie Française puis du TNP et a joué les premiers rôles dans des classiques du cinéma tels que ‘'Les enfants du Paradis'') ?

« Oh, mon amour
Mon doux, mon tendre, mon merveilleux amour
De l'aube claire jusqu'à la fin du jour
Je t'aime encore tu sais
Je t'aime »
Ces paroles de Jacques Brel me sont revenues en mémoire à de nombreuses reprises en lisant les lettres de Maria Casarès et Albert Camus ; les termes sont souvent quasiment les mêmes.

Une liaison commencée le jour du débarquement allié, le 6 juin 1944 et rapidement interrompue par le retour en France de la femme de l'écrivain (« Je n'ai qu'à me détourner de cette part de ma vie qui me limite. Ce sont des mots que je ne prononcerai pas, parce que j'ai donné ma parole et qu'il y a des engagements qu'on ne peut pas rompre, même si l'amour n'y est pas » (AC, 21/07/1944).
Une liaison reprise en juin 1948 à la faveur d'une rencontre inopinée (« Je ne te demande qu'une chose, c'est de me regarder comme je te regarde et que cela ne s'achève jamais plus » MC, 06/08/1948)
Une liaison à laquelle la mort accidentelle d'Albert Camus mettra un terme le 4 janvier 1960… l'écrivain avait-il une prémonition concernant cet accident de la route qui lui sera fatal : « J'arrive mardi par la route (…) On pourrait déjà convenir de diner ensemble mardi. Disons en principe, pour faire la part des hasards de la route. » (AC, 30/12/1959) ?

Un amour d'une décennie et demie, exprimé parfois de manière répétitive,
- de la passion des débuts : « J'ai en même temps dans le sang une impatience qui me fait mal, une envie de tout brûler et de tout dévorer, c'est mon amour pour toi. » (AC, 01/07/1944)
- à une passion non dénuée d'attente compte tenu du peu de temps que leur laissent leurs carrières respectives : « Ta lettre t'a rendue enfin présente ici. Toutes ces épaisseurs de travail entre nous (le tien et le mien) finissent par nous faire vivre comme des ombres. J'ai parfois l'impression que tu vis dans la pièce à côté, derrière un gros mur. (…) J'aime ta vie telle que je la sens de l'autre côté, mais on a parfois envie d'embrasser ce qu'on aime. » (AC, 23/12/1959), « J'attends ton retour pour te raconter, te parler, te dire, aimer, rire ensemble » (MC, 25/12/1959).


Outre cet amour entre deux acteurs importants de la vie artistique française de la deuxième moitié du 20e siècle, le grand intérêt de cette correspondance est tout ce qu'elle révèle de la vie littéraire, théâtrale et cinématographique des années 50.

Elle révèle également un écrivain à la santé fragile et en proie à la solitude (« Viens au-devant de moi, donne-moi la main, ne me laisse pas seul » 1944) que la fougue de Maria Casarès ne pouvait qu'attirer et stimuler : « Tu es entrée, par hasard, dans une vie dont je n'étais pas fier, et de ce jour-là quelque chose a commencé de changer. J'ai mieux respiré, j'ai détesté moins de choses, j'ai admiré librement ce qui méritait de l'être. Avant toi, hors de toi, je n'adhérais à rien. Cette force, dont tu te moquais quelquefois, n'a jamais été qu'une force solitaire, une force de refus. Avec toi, j'ai accepté plus de choses. J'ai appris à vivre. C'est pour cela sans doute qu'il s'est toujours mêlé à mon amour une gratitude immense. »
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Il y a en moi la cinéphile et la littéraire et cette dernière doit bien avouer qu'elle n'ai pas une des plus pures aficionado d'Albert Camus.
Bien sûr, je le trouve brillant et j'admire la limpidité d'eau de source de son style. Oui, j'ai lu "L'Etranger" et "La Peste", j'en reconnais le génie, les qualités et j'ai même adoré "Les Justes"... Mais cette syntaxe blanche, ce style dépouillé, cette nudité de la phrase... Cela me laisse dubitative et ne me touche que trop peu. Moi, à l'école des Albert, je suis plutôt Cohen, Cohen et son lyrisme, Cohen et sa langue si opulente, si sensuelle... Quant à la philosophie... Oui c'est lumineux et d'un humanisme un peu désespéré qui me touche. Je suis certes plus camusienne que sartrienne mais je n'en suis pas non plus férue.
La cinéphile en revanche... Maria Casarès, les yeux et le jeu de Maria Casarès... Dans "Les Enfants du Paradis" évidemment et "Les Dames du Bois de Boulogne" aussi. Et puis sur scène, quelle tragédienne elle devait être... Une nouvelle Rachelle!

Il y a aussi deux lectrices qui s'opposent dans ma petite tête de gémeaux littéraire: celle qui se questionne et s'offusque presque qu'on puisse publier après leur mort des écrits qui n'étaient destinés qu'à un-e seul-e. C'est un peu comme les romans inachevés, les journaux… Cela m'interroge, me gêne un peu... Après tout, ce n'est pas parce qu'on a fait profession d'écriture et qu'on a des lecteurs et des exégètes par centaines qu'on doit tout leur donner, tout leur offrir, tout leur dévoiler… Et l'intimité, la vie privée, le secret? Qui dit qu'ils auraient été d'accord tous ces littérateurs, ces artistes?
Et il y a la curieuse, peut être un peu voyeuse qui finit par troquer ses grands principes moraux, piégée par la tentation.
Enfin, j'adore les correspondances, l'épistolaire (surtout quand il n'est pas roman), l'expression de l'intime et de l'amour, les histoires d'amour aussi et leur récit, leur lumière, le feu clair qu'elles répandent et parfois aussi leur amertume. Les lettres d'amour sont souvent les plus belles, qu'importe l'amour qu'elles disent et écrivent.
Très sincèrement, je n'ai pas réussi à trancher sur cette question d'éthique et je ne suis pas très à l'aise à l'idée d'avoir lu des journaux, des textes inachevés ou, comme c'est le cas ici, des correspondances, mais j'ai craqué et j'ai dévoré la correspondance de ces deux lumières du XX°siècle. Mea culpa.
Oh... Attendez, je mens... "Dévorer" n'est pas le verbe exact car un peu effrayé par le volume de cette abondante correspondance (quinze ans de lettres et autant d'amour fou!) j'avais décidé de scinder ma lecture et de m'offrir le plaisir de quelques lettres chaque soir. Au fil des missives, je les ai trouvées si belles que j'ai délibérément pris mon temps. Faire durer le plaisir. Mes mille et une nuits à moi.

Albert Camus et Maria Casarès se sont aimés d'amour fou quinze années durant, jusqu'à la mort de l'écrivain et malgré son épouse légitime et ses enfants. Quinze années d'une histoire solaire, passionnée dans laquelle on entre par ces lettres comme par effraction.
De cette correspondance généreuse, de ces lettres échangées à un rythme fiévreux je retiens une peinture profonde, incarnée de la vie intellectuelle parisienne et française des années 40 et 50, un pan de l'histoire du théâtre et du cinéma qu'éclaire pour nous Maria Casarès. Je retiens également la lumière qui émane de chaque ligne d'Albert Camus, la profondeur et la clarté de sa pensée, sa constante quête du bonheur, son idéalisme, ses désespoirs, sa pensée, sa sensibilité.
Enfin, je retiens surtout cet amour fou qui s'exprime dans chacune des phrases, cet amour qui transcende et qui élève l'autre, le soutient dans ses projets, ses idées, ses idéaux même...
Cet amour déchirant qui se nourrit d'instants trop brefs, d'absences, d'encre et de papier autant que de peau et de baisers. Cet amour lumineux et angoissé, fiévreux, incandescent comme on croit qu'il n'en existe pas et qui révèle les deux amants à eux-mêmes dans toute leur clairvoyance avec un lyrisme et une flamboyance qui frôle parfois l'érotisme car si cette correspondance -sublime- est un témoignage précieux de la vie culturelle de son époque elle est avant tout amoureuse et dit autant le désir que le bouillonnement intellectuel de ses émetteurs.
Une correspondance comme un éblouissement.
Un bouleversement du coeur et de l'âme.



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Chaque lettre de cette longue correspondance entre Albert Camus et Maria Cassarès dévoile un peu le monde intérieur immense de ces deux êtres humains, sensibles, au grand talent littéraire et artistique. Nous retrouvons en eux un reflet de nous-mêmes. Chaque homme aurait souhaité écrire les lettres d'amour écrites par Albert à Maria et chaque femme aurait rêvé d'écrire les lettres que Maria a écrites à Albert.

La transparence et la limpidité, la sincérité des mots et du verbe reflète la transparence et la sincérité de leurs sentiments, qui ne sont pas toujours purs ni beaux ni joyeux mais des sentiments également de colère, de tristesse, de dépression, de jalousie et de rancune, même si l'amour finit par toujours l'emporter.

Ici, les mots et les phrases volent très haut dans le ciel littéraire, non pas que les amoureux en question se soient aimés plus que d'autres amoureux sur terre mais parce que Maria aussi bien qu'Albert ont pu explorer et exprimer avec leur plume les profondeurs du coeur et de l'âme humaine.
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Ce livre est un bijou d'une richesse inestimable. On ne remerciera jamais assez Catherine Camus d'avoir accepté de publier cette si belle correspondance.
Rarement j'ai lu des mots aussi beaux, rarement j'ai vu des sentiments aussi forts que ceux qui unissaient Albert Camus et Maria Casarès. J'étais émue, éblouie à chaque page, je voulais retenir chaque mot, chaque phrase et m'en imprégner autant que je le pouvais.
J'avais peur de me lasser de ces 1200 pages de lettres mais ici on suit leur vie comme une véritable histoire et j'ai eu du mal à les lâcher après ces quinze années de correspondance.
Quel bonheur pour les admirateurs de Camus de voir ce côté de l'auteur, d'avoir une véritable retranscription de dix années de sa vie, son travail, ses pensées. Un incroyable coup de coeur pour moi, à lire pour tous les amoureux de poésie et d'amour.
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Magnifique échange épistolaire entre deux belles et grandes âmes...

L'amour est décidément une folie fabuleuse! Et quel malentendu! Car ne faudrait-il pas plutôt dire les amours: il aime comme un homme aime, elle aime comme une femme aime...

Ces lettres ont, je trouve, quelque chose de paradigmatique: elles situent l'homme et la femme dans leur rapport à l'autre et au langage. Il me semble que Maria Casarès est bien plus proche des Fragments d'un discours amoureux de Barthes que Camus: elle est bien plus libre que lui de tout discours de/sur l'amour. Camus veut la conquérir, il veut être assuré de la posséder et pour ce faire cherche à l'enfermer dans un amour construit de mots: chez lui le langage est instrument de conquête et de contrainte délicates: de pouvoir, ne lui en déplaise; tandis que Maria Casarès, elle, se sert seulement des mots, chez elle ils sont de simples outils pour dire son sentiment, elle ne cherche pas à retenir Camus dans un discours sur eux, elle n'a aucun désir de les y réduire... En somme: de les y faire mourir.

Il y a quelque chose d'agaçant et même de mortifère dans l'amour un peu souffreteux et insistant de Camus, et sans doute de tout homme... Camus quémande, son amour est intéressé, on le sent bien, c'est une sorte de réduit pour enfermer la femme qu'il aime, et lui avec, comme on enfouit une richesse (presque au sens matérialiste). Maria Casarès n'est-elle pas destinée à combler en lui un vide, quant, chez elle, l'amour, loin de traiter une blessure/une avidité, est un partage qui augmente la vie?

Je referme ce livre en me disant encore un peu plus qu'il faut décidément beaucoup de courage pour aimer une femme quand on est un homme, car d'elle on ne conquiert jamais rien; et autant de courage, sinon plus, pour aimer un homme quand on est une femme, car de lui on n'est jamais entendue que comme petite chose adorable, idéalement: une possession. Mais ce courage chez l'un et l'autre, c'est justement l'amour.






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Aujourd'hui, Saint-Valentin. Je viens de terminer la lecture de cette formidable correspondance, avec, n'ayant aucune honte à l'avouer, les larmes aux yeux. Depuis un mois, ces deux-là m'accompagnaient. Quel vide désormais !
J'imagine avec effroi le vertige ressenti par Maria devant le gouffre creusé par l'annonce de la mort tragique de son cher Albert. Son amant avec lequel elle avait vécu sans cesse, par pensée, par la correspondance ou la présence physique auprès d'elle. Sans jamais cesser de l'aimer.
L'amour qui unit ces deux prestigieux amants n'est jamais à mettre en doute. Alimenté par de longues périodes de frustration, il s'épanouit lors de leurs retrouvailles. Un amour qui se nourrit de ces échanges épistolaires et d'une complicité érotique partagée dans leurs chairs. Ni Maria ni Albert, tout en restant plutôt pudiques, n'hésitent à décrire leur désir. C'est un amour indestructible, et la confiance qu'ils avaient l'un est l'autre dans leurs sentiments n'a jamais faibli.
Ces lettres, quelle somme ! Nul doute que nombre de commentateurs de tous poils vont s'en emparer pour les analyser, les comparer, les critiquer. C'est vrai qu'elles resteront une mine pour les biographes, les historiens du théâtre, les amoureux de Maria Casarès, les admirateurs et, je le pressens, les détracteurs d'Albert Camus.
Nous suivons les déplacements de chacun d'eux quasiment au jour le jour. Nous pourrions aligner les séjours successifs de l'un et l'autre, tant en France qu'à l'étranger (et ils bougent beaucoup) et mesurer ainsi leurs « périodes » ensemble et répondre à la question : combien de jours ont-ils vécu ensemble, somme toute ? J'en connais qui se feront une joie de répondre à cette question.
Le Camus qui écrit à son amante n'est pas celui que le public connaît. C'est un homme confronté à la maladie, aux aléas du quotidien, aux affres de la création et à l'instabilité de sa situation familiale. C'est un homme amoureux qui cherche désespérément un équilibre pour sa vie personnelle. C'est un homme, tout simplement. Et si nous ignorions quel intellectuel il était, un homme ordinaire.
En revanche, nous découvrons Maria Casarès, une femme extraordinaire, franche, spontanée, naturelle, intelligente, indifférente à sa célébrité, ce qui ajoute à son charme, généreuse en tout, et fidèle à l'indestructible amour qui l'habite pendant douze ans (quinze ans et demi auxquels je retranche la coupure de trois ans et demi).
Dernière lettre du 30 décembre 1959 : Camus écrit : « Bon. Dernière lettre. »Certains y voient comme une prémonition. Il n'en est rien ici. Cette formule revient souvent dans ses lettres : 7 septembre 1948 ; 3 janvier 1949 ; 11 juillet 1950 ; 11 mars 1951 ; 24 août 1951 ; 12 décembre1954 ; 23 avril 1957, donc presque à chaque fois qu'il écrit à Maria avant leurs retrouvailles, sous-entendu : « Dernière lettre avant de nous retrouver ». Aucune prémonition ce 30 décembre 59. (Sa lettre à Catherine Sellers datée du même jour commence aussi par « Voici ma dernière lettre »)
En revanche, l'évocation de la mort est souvent présente dans les missives de l'année 1959 :
Le 2 juillet : « Non, la mort ne sépare pas, elle mêle un peu plus au vent de la terre les corps qui s'étaient déjà réunis jusqu'à l'âme. Ce qui était la femme et l'homme tournés l'un vers l'autre devient le jour et la nuit, la terre et le ciel, la substance même du monde — on peut s'oublier dans la vie, se détourner, se séparer, la vie est oublieuse — mais la mort est cette mémoire aveugle qui n'en finit pas — pour ceux qui veulent, qui consentent à mourir ensemble. »
Le 14 décembre : « Je te suis pas à pas, jusque dans la tombe et au-delà — à moins que je ne t'y précède. Qu'importe ! Un seul coeur aura battu en nous qu'on entendra encore, nous disparus, dans le mystère du monde. »
Quel style, pour un homme aux préoccupations ordinaires ! Bon. Je retire « ordinaire ».
Où l'on apprend leur détestation des pays nordiques et de la Belgique en particulier. Lettre du 8 octobre 1954 : « Aussitôt la frontière passée, dès le douanier belge, la vulgarité commence et l'ennui. Étrange peuple, vraiment, né de rien, semble-t-il et voué à d'épaisses tâches. Depuis mon départ, je n'ai pas vu non plus qu'en Hollande ou en Belgique un seul beau visage ». Plus loin, Maria Casarès enfonce le clou : « Voir la Belgique et mourir »
C'est sans doute de l'humour méditerranéen ! Je pourrais personnellement leur en vouloir et chercher à me venger. Après avoir écrit « le Belge égaré en Ariège », qui m'empêcherait d'écrire « L'Algérien égaré en Belgique » ? Hum…, humour belge !
Où l'on apprend que « le Premier Homme » devait comporter « cinq à six cents pages, au moins » (lettre du 18 septembre 1959), que sa rédaction ne commence guère qu'en mai 59 (lettre du 22 mai : « J'ai démarré le chariot embourbé ». Ce seront 144 pages manuscrites qui seront trouvées le 4 janvier 1960.
À la différence de Maria Casarès, Camus s'exprime peu sur son travail ni sur ses fréquentations, par pudeur, peut-être par précaution. Il cultive une sorte de secret, comme s'il avait cloisonné sa vie. J'imagine assez bien une grande maison où les portes de chaque pièce sont soigneusement maintenues closes. Dans la chambre « Correspondance avec Maria », personne n'entre.
À l'inverse, Maria raconte tout : son emploi du temps, ses projets, ses rencontres. Elle n'hésite pas à donner son avis sur ses lectures, les spectacles qu'elle voit (ça, Camus le fait aussi parfois), les gens qu'elle fréquente. Nous vivons avec les acteurs, les metteurs en scène, le public des admirateurs, partageons ses succès, ses extinctions de voix. Elle ne cache ni ses douleurs, ni ses efforts pour grossir un peu, ni les attentes de son désir. Une femme dont tous les hommes tombent amoureux, forcément. Elle, la tête froide, reste compréhensive et souriante, sauf avec les importuns qu'elle écarte sans ménagement. Je suis persuadé qu'elle est restée fidèle à son bel amant tout au long de ces douze années d'un amour d'abord passionné et douloureux, puis fort et serein, sûr de lui, indestructible, éternel.
Il faut saluer la publication de cette correspondance, et même si notre époque est friande de ce genre de dévoilement, celle-ci, entre Maria et Camus (nom et prénom volontairement omis) restera, plus qu'une révélation, le témoignage rare d'un amour sublimé.
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Le livre est juste derrière moi. J'ouvre, au hasard
« Et que pour sentir son coeur, il faut le mystère, l'obscurité de l'être, l'appel incessant, la lutte contre soi-même et les autres. Il suffirait alors de le savoir, et d'adorer silencieusement le mystère et la contradiction - à la seule condition de ne pas cesser la lutte et la quête »
Maria et Albert ont été amants de 1944 à 1959.
Leur amour est lumineux, leur correspondance éblouissante
« Mon Cheri. Je te quitte.Je me tais.
Cet amour que j'ai pour toi et qui rit.
Je t'attends »
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Quelle somme et surtout quel bonheur de lecture!!
Plus de 1200 pages de correspondances enflammées, furieuses, tendres, difficiles, tristes...Tous les sentiments y passent mais surtout, par ces échanges ici rassemblés, nous sommes le témoin d'un amour sincère et beau, qui nous autorise à entrer et connaitre le quotidien de 2 immenses célébrités, de part leurs personnalités, leurs oeuvres artistiques et leurs engagements. On vit leur passion, leurs tourments, leur sensibilité, leurs doutes, c'est passionnant et parfois troublant tant leur entente est incroyable et fusionnelle.
Cet ouvrage n'aurait jamais vu le jour sans le travail et la volonté de la fille d'Albert Camus, Catherine, qui nous offre ce merveilleux cadeau et si des hésitations elle a eu avant de se lancer, je peux lui confirmer que ce fut une formidable offrande qu'elle a fait aux lecteurs que nous sommes et à L Histoire littéraire et artistique en règle générale car tout le talent est là.
Bravo, merci et ce livre continuera d'habiter sur ma table de chevet tant je prendrai plaisir et relire au hasard une lettre quand l'envie me prendra...
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Je remercie Babelio et les Editions Gallimard qui m'ont permis de découvrir cette Correspondance Camus-Casarès grâce à l'opération Masse Critique.
Albert Camus et Maria Casarès se sont rencontrés en 1944 et une histoire d'amour a commencé, vite interrompue par le retour d'Algérie de Francine Camus, épouse de l'écrivain. le hasard les remet en présence en juin 1948 et à partir de ce moment, jusqu'à la mort de l'écrivain en 1960, tout en étant souvent séparés, ils ne se quitteront plus. Les 865 lettres, télégrammes, cartes postales, qui sont réunis dans cet ouvrage témoignent d'un amour absolu et d'une complicité jamais démentie malgré les chagrins, les déceptions et l'éloignement. Les sentiments évoluent, certes, et c'est assez poignant de lire au travers des échanges le mouvement amoureux : du besoin de fusion passionnée des premières années à l'amour lucide et la tendresse attentive des dernières lettres.
Au moment d'en faire un commentaire, je me sens assez démunie car comment aborder un recueil d'écrits qui n'étaient à l'origine pas destinés à être publiés ? Il me semble donc inopportun de parler de l'écriture et du style des deux épistoliers. Il s'agit d'une intimité qui est dévoilée aux yeux du lecteur et, pour ma part, je me suis souvent sentie indiscrète face à ces échanges.
Ces deux "monstres sacrés", et que l'on me pardonne cette image rabâchée, descendent de leur piédestal pour se fondre dans la foule des êtres qui vivent une passion contrariée. Camus se montre un amoureux exigeant, parfois égoïste, dépressif et déchiré entre le devoir de rester près de son épouse malade et l'amour qu'il voue à Maria. Cette dernière paraît sacrifier beaucoup à l'homme qu'elle aime : elle accepte le partage, renonce à la vie commune, se contente de journées volées au travail, le sien et celui de son amant. Je n'ai pu m'empêcher de rêver à ce qui serait advenu si Albert avait quitté Francine pour Maria...
Pour moi, le réel intérêt de cette correspondance se situe plutôt, d'une part, dans le tableau de la vie culturelle de l'époque que les lettres décrivent et, d'autre part, dans les évocations du métier d'écrivain et de celui de comédienne. Les doutes de Camus quant à son oeuvre, ses difficultés ponctuelles d'écriture, l'appropriation des personnages par Casarès, jalonnent ces quinze années et prennent progressivement, dans les lettres, le pas sur les déclarations d'amour et de manque. Les portraits de comédiens et comédiennes, directeurs de théâtre, metteurs en scène... de l'époque parsèment cette correspondance. Peu bienveillants avec leurs collègues écrivains ou acteurs-trices, (surtout avec les plus brillants d'entre eux comme Vilar, Barrault, Planchon, Cuny...), les deux épistoliers ont souvent la dent dure et la raillerie facile ! C'est là aussi une facette de leur personnalité que l'on découvre et je ne peux pas dire que ce soit la plus reluisante ! Mais il paraît que le milieu du théâtre est féroce...
Le prosaïsme de la vie quotidienne, les lectures communes, les emplois du temps détaillés, les sorties, les promenades, les moments de vacances... tout ce qui fait une vie, en définitive, est fidèlement et précisément retranscrit comme pour vivre ensemble malgré tout, même à contretemps. C'est véritablement une vie de couple, un partage de tous les instants dans la plus grande sincérité qui se dessine en filigrane de ces lettres. Mais était-il indispensable de toutes les publier ? Elles n'ont pas toutes le même intérêt et certaines n'en recèlent à vrai dire pas beaucoup, concentrées qu'elles sont sur la difficulté de vivre séparés et sur les effets de cette séparation.
Le système de notes de bas de page permet de situer chaque personne citée dans le corps des missives. Ce travail est précis et détaillé sans être pesant. Lorsque cela s'avère nécessaire, chaque lettre est brièvement contextualisée. J'aurais aimé souvent en savoir plus mais le paratexte aurait alors été trop lourd.
A l'issue de cette lecture in-extenso de la Correspondance Camus-Casarès, je reste perplexe et je m'interroge : je suis déçue mais pour quelle raison ? A quoi m'attendais-je que je n'ai pas trouvé ? Est-ce les fragilités, voire les faiblesses, que fait apparaître Camus qui m'ont décontenancée en détruisant un personnage que j'avais érigé au rang de mythe ? Est-ce cette écriture répétitive, souvent peu flamboyante pour écrire le sentiment amoureux qui m'a frustrée ? Peut-être que j'imaginais des héros et que j'ai trouvé un homme et une femme ? Simplement. Superbement.
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Des pages de lettres qui se succèdent, qui se croisent, pour conjuguer l'absence, des mots doux, forts, tremblants, charnels & vibrants qui s'enlassent afin de survivre au manque.
Intimement bouleversante, passionnée et passionnante, la correspondance de ces deux amants magnifique résonne longtemps dans le coeur.
Le caractère si personnel et universel à la fois de ce que ces deux là s'écrivent est fascinant, les mots s'alternent d'une subtilité, d'une élégance inouïes.
Un peu plus de 1300 pages, ça pourrait être un mausolée, mais tout le contraire, une source de jouvence.

Si le temps est gris, du café, un plaide et ce recueil est le meilleur moyen de faire passer le temps !
Sinon, les gens qui terminent cet ouvrage & reprennent leur vie comme si de rien n'était, va falloir qu'on me les présente hein, mystère de la science les sans-coeurs là !

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