Citations sur Le Premier Homme (248)
Obscur à soi-même
Eh! oui, c'était ainsi, la vie de cet enfant avait été ainsi, la vie avait été ainsi dans l'île pauvre du quartier, liée par la nécessité toute nue,au milieu d'une famille infirme et ignorante avec son jeune sang grondant, un appétit dévorant de la vie,l'intelligence farouche et avide,et tout au long un délire de joie coupé par les brusques coups d'arrêt que lui infligeait un monde inconnu,le laissant alors décontenancé, mais vite repris,cherchant à comprendre, à savoir,à assimiler ce monde qu'il ne connaissait pas (...) se préparant (...) à se trouver à sa place partout,parce qu'il ne désirait aucune place,mais seulement la joie,les êtres libres,la force et tout ce que la vie a de bon,de mystérieux et qui ne s'achète ni se s'achètera jamais.Se préparant même à force de pauvreté à être capable un jour de recevoir l'argent sans jamais l'avoir demandé et sans jamais lui être soumis
(Gallimard, 1994,p.255)
Les vacances aussi ramenaient Jacques à sa famille,du moins dans les premières années. Personne chez eux n'avait de congés, les hommes travaillaient sans répit, tout au long de l'année. Seul l'accident de travail,quand ils étaient employés par des entreprises qui les avaient assurés contre ce genre de risques,leur donnait du loisir,et leurs vacances passaient par l'hôpital ou le médecin. (Gallimard, 1994,p.236)
Chaque livre,en outre,avait une odeur particulière selon le papier où il était imprimé, odeur fine,secrète, dans chaque cas,mais si singulière que J. aurait pu distinguer les yeux fermés un livre de la collection Nelson des éditions courantes que publiait alors Fasquelle.Et chacune de ces odeurs,avant même que la lecture fût commencée, ravissait Jacques dans un autre univers plein de promesses déjà (tenues) qui commençait déjà d'obscurcir la pièce où il se tenait, de supprimer le quartier lui-même et ses bruits, la ville et le monde entier qui allait disparaître totalement aussitôt la lecture commencée avec une avidité folle,exaltée, qui finissait par jeter l'enfant dans une totale ivresse dont des ordres répétés n'arrivaient même pas à le tirer.( Gallimard, 1994,p.228)
Le Fils
Au lycée, la porte d'honneur était ouverte, des plantes en pots garnissaient du haut en bas les côtés de l'escalier monumental que les premiers parents et les élèves commençaient à gravir, les Cormery étant naturellement largement en avance,comme le sont toujours les pauvres qui ont peu d'obligations sociales et de plaisirs,et qui craignent de n'y être point exacts.(p.231 / Gallimard, 1994)
Le Fils
Jacques avait toujours le coeur serré en les regardant certains soirs.Il n'avait connu jusque-là que les richesses et les joies de la pauvreté. Mais la chaleur, l'ennui, la fatigue lui révélaient sa malédiction, celle du travail bête à pleurer dont la monotonie interminable parvient à rendre en même temps les jours trop longs et la vie trop courte.(p.248 / Gallimard,1994)
Le Fils
Oui,il était un homme,il payait un peu de ce qu'il devait, et l'idée d'avoir diminué un peu la misère de cette maison l'emplissait de cette fierté presque méchante qui vient aux hommes lorsqu'ils commencent de se sentir libres et soumis à rien.(Gallimard, 1994,p.252)
Annexes
Alger,ce 30 avril 1959
Mon cher petit,
(...)
Je crois donc bien connaître le gentil petit bonhomme que tu étais, et l'enfant bien souvent,contient en germe l'homme qu'il deviendra.Ton plaisir d'être en classe éclatait de toutes parts. Ton visage manifestait l'optimisme.
(...)
Germain Louis
Annexes
La noblesse du métier d'écrivain est dans la résistance à l'oppression,donc au consentement à la solitude.(Gallimard, 1994 p.322)
Annexes
En Somme, je vais parler de ceux que j'aimais. Et de cela seulement. Joie profonde.
(Gallimard, 1994,p.312)
Annexes
Je veux écrire ici l'histoire d'un couple lié par un même sang et toutes les différences. Elle semblable à ce que la terre porte de meilleur, et lui tranquillement monstrueux.Lui jeté dans toutes les folies de notre histoire ;elle traversant la même histoire comme si elle était celle de tous les temps. Elle silencieuse la plupart du temps et disposant à peine de quelques mots pour s'exprimer ;lui parlant sans cesse et incapable de trouver à travers des milliers de mots ce qu'elle pouvait dire à travers un seul de ses silences...La mère et le fils...
(Gallimard, 1994,p.308)