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Critique de DogtorWoof


Ainsi s'achève cet été 2016, et avec lui le cycle "Camus" de mes lectures.
J'ai lu (et relu) l'ensemble de son oeuvre dans un temps réduit, pour cerner l'essentiel de son message, de ces cycles et de ses combats.

J'ai écrit des critiques individuelles pour les différentes oeuvres, cette critique est une synthèse globale de l' "expérience Camus".

Cette édition présente l'ensemble des oeuvres théâtrales, des essais et des romans de Camus dans un ordre chronologique.

On commence donc par ses essais de jeunesse : L'envers et l'Endroit, puis Noces.

Nous rentrons ensuite de plein pied dans le cycle de l'Absurde avec le mythe de Sisyphe, Caligula, l'Etranger. Ces oeuvres, souvent présentées comme pessimistes, sont le cri d'un coeur noble, gorgé de soleil et de l'optimiste le plus pur. "Abandonner tout espoir, ce qui n'a rien à voir avec le désespoir". Donner un sens à sa vie au delà du mythe, de la punition, faire naître l'art de l'absence de sens, marquer de nos couleurs un monde muet qui ne répond pas à notre appel déchirant, voilà les thèmes qui m'ont enivré et curieusement apaisé.

J'aborde ensuite le cycle de la Révolte avec la Peste, les Justes et l'Homme révolté. La révolte, comme conséquence directe de la sensation d'absurde. La révolte collective de la Peste, la révolution des Justes, les dangers du nihilisme, la nécessité d'imposer des limites. L'Homme peut agir au niveau moyen qui est le sien, et il ne faut pas accepter la fatalité, comme conséquence du nihilisme de Nietzsche. Toute entreprise plus ambitieuse se révèle contradictoire. Camus redore l'image du Nietzsche solitaire dont les propos ont été détournés dans l'Allemagne nazie avec une habileté remarquable, tout en analysant avec la pertinence la plus pragmatique toutes les conséquences de la construction de l'übermensch du philosophe allemand.

La Chute. Oeuvre transitoire, drapée d'absurde, de révolte et d'une culpabilité lancinante, miroir de nos narcissismes déçus.

Puis, le Cycle de l'Amour, inachevé, que je ne commenterai donc pas.

L'oeuvre de Camus est passionnante bien sûr, mais elle est aussi touchante, magnifiquement écrite, parfois redondante (en particulier dans la nostalgie parfois pesante d'Oran et de ses plages, qui touchent l'auteur mais lassent par moment le lecteur) et inégale mais soyez sûrs qu'elle est humaine.

J'ai toujours aimé l'été. Surtout le soir, puis la nuit, quand les étoiles crépitent fort dans le ciel et que la fatigue ne se montre que très tard. C'est la période des longues marches à la mer, à la campagne, des soirées entre amis, du retour à ce qu'on est, au delà du travail ou des responsabilités. C'est avec un lyrisme transfixant que Camus assemble ces idées de bonheur simple, de la beauté de la mer, du soleil et de la vie.

J'ai toujours joui de l'absence de sens, c'est surtout que je n'en ai jamais eu vraiment besoin. Ressentir l'absurde est un formidable moteur de création, d'adoration du prochain et de tolérance. Mais ce que j'appelle maintenant "Absurde" était pour moi, avant la lecture de Sisyphe, cette amère mais discrète saveur d'un vide débordant, d'une redondance épuisante, d'efforts si vains. Quel étonnant apaisement on trouve à entreprendre sans espérer.
Nous ressentons tous l'Absurde, nous ne lui donnons simplement pas le même nom. Cet essai est une belle manière de s'accorder sur cette dissonance ressentie par l'Homme au bord du gouffre, ivre de suicide et pourtant si indéracinable de la vie. Elle nous permet de donner le même nom à cette sensation que dans l'absence de sens, créer donne une forme au destin.

Camus n'est pas, comme on a pu le dire, un "philosophe pour classes de terminale". Il faut lire et relire ses textes pour en comprendre tout la portée et on y découvre une surprenante profondeur, Camus constate mais Camus propose, des règles de vie philosophique, des clefs pour être heureux, individuellement et en société. Il n'était pas un commun intellectuel, fils de riche, agrégé comme il en pullulait parmi ses contemporains. Son approche est inédite, à contre-courant de la pensée de l'époque. Il propose un regard lucide, amoureux de la vie et des Hommes, dans les temps obscurs de la guerre, des totalitarismes, des massacres de masse. Il est capable d'un grand travail historique et littéraire pour appuyer ses propos, qui sont sans-cesse illustrés par des exemples concrets, c'est ainsi qu'il disserte de Sade, Nietzsche, Breton et les surréalistes, Kierkegaard avec une belle objectivité philosophique. Camus, c'est l'éloge de la tempérance au temps des tempêtes.

"Et si je ne devais en lire qu'un?"

Il faut lire l'Etat de Siège. Aucun ensemble de mots ne ressemble plus au coeur de Camus que cette pièce. Tant pis pour les critiques de l'époque.
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