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Citations sur Vie du chien Horla (8)

Le chien Horla ne supportait pas les absences de son maître. Tous les témoignages concordent sur ce point. Littéralement, il en devenait fou. Plus rien n'importait pour lui que l'attente, une attente de tous les instants. Le moindre bruit lui faisait dresser l'oreille, puis la tête, dans une tension sans doute épuisante de tout l'être : comme si le degré le plus extrême de la concentration et du voeu avait pouvoir d'extraire du silence une voix, du vide une présence, un apaisement du néant.

p. 94
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Tout se mélange. Il n’y a pas la vie d’un côté, la mort de l’autre. Il n’y a pas ici la raison, et la folie sur cette autre rive, en face, bien séparée. Il n’y a même pas la santé, qui un beau jour s’arrêterait d’un coup, pour faire place à la maladie. Très avant dans le territoire du chagrin, le bonheur a encore ses enclaves, ses bons moments, ses rémissions.
La folie et la mort sont des contrebandières. Elles ne cessent de franchir les frontières. Elles vont et viennent, ce sont des passe-murailles, des Latude, des Robert Houdin. Elles empruntent les miroirs, elles connaissent des sentiers dans la montagne, elles ont leurs barques au bord des fleuves, parmi les roseaux gris dans la lumière. On les voit cheminer dans les trains mal éclairés du soir, couverts de graffitis, et leurs vitres embuées. Elles voyagent sur des rafiots de nuit. Elles débarquent dans des criques. On les reconnaît à de soudains fléchissements de la phrase, à des mots qui se dérobent, des creux sournois dans la présence.
Très tard, il y a encore des jours heureux - c’est déjà de l’autre côté. Il y a de jolies promenades, mais c’est au pays des ombres.
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On sentait bien qu’ils étaient pour lui un mystère [en parlant de son autre chien Homps, un bleu de Gascogne qui semble ne pas du tout comprendre l'intérêt que Hapax et Horla attachent à une balle ou un bâton], mais un de ces mystères mystérieux entre tous, de ceux qui ont le moins de chance d’être jamais percés : un mystère dont on ne se soucie pas, qui ne vous intrigue en rien et dont la solution vous est indifférente.
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Ce chien noir-là était tout de même trop aimable. Que serait un Horla qui lècherait toutes les mains ?
Par chance il y avait des bois, ce fut dit, non loin du pigeonnier. Le dernier arrivé de la petite meute les pratiquait assidûment. Il aimait à s'y cacher. Toutefois il voulait aussi qu'on le retrouvât. Aussi s'asseyait-il en leur sein, mais pas très loin du bord. De là il regardait les champs, attendant qu'on vienne le chercher. C'était une sorte de jeu. Son pelage noir, lorsque la nuit montait de la terre, se confondait avec l'obscurité, qui peu à peu gagnait les taillis. Bientôt il n'avait plus de corps. Et lorsqu'on s'approchait de la lisière de la petite forêt, on voyait seulement deux yeux fixes, très lumineux, dorés, suspendus dans le vide, et qui brillaient entre les branches.
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Mais même au sein de la présence il y a des trous, des manques, des gouffres qui se creusent, l'évidence d'un défaut, d'une inadéquation. C'est vrai entre les hommes, c'est vrai entre les hommes et les femmes, c'est encore bien plus vrai entre les hommes et les chiens. Soudain quelque chose ne passe pas : on a beau être là tous les deux, on ne parvient pas à être ensemble. (p. 99)
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Cependant l'historien, ici, ne voudrait pas mélanger les époques. Et toujours le danger est de forcer le trait. Autant et plus que les deux autres H., Horla fut un jeune chien insupportable – insupportable même, et surtout, et presque exclusivement, pour ce maître qu'il allait tant aimer. Il ne faisait que des bêtises. Mais il n'était pas facile de démêler ce qui, dans ces bêtises, précédait l'amour qu'on a dit, l'ignorait encore, le défiait, le contredisait, le pressentait ou bien en procédait déjà.
C'était un chien qu'on ne pouvait pas laisser seul, même en la compagnie des autres chiens. Il mettait la maison sens dessus dessous – lui ou un autre, bien-sûr : mais il y a de bonnes raisons de penser qu'il prit plus que sa part aux considérables désordres dont cette première période fut marquée.
Chaque fois que le maître devait s'absenter il trouvait en rentrant son logis bouleversé, ses papiers déchirés, ses vêtements en loques, les meubles saccagés et tout ce beau désastre parachevé par les peu savoureuses signatures, largement étalées, qu'il a bien fallu évoquer plus haut, aussi délicatement qu'on a pu. Pour tâcher de circonscrire leurs méfaits, il lui arrivait d'enfermer ses chiens dans une seule pièce, la plus étroite. Mais la catastrophe, d'être plus concentrée, n'en était que plus accablante. (p. 43)
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C'était une vision effrayante, ces deux yeux sans corps dans les bois. Et lui semblait prendre plaisir à l'offrir, puisque d'aller s'asseoir là-bas était devenu de sa part une habitude, que ne partageaient pas les autres chiens. Donc il pouvait bel et bien faire peur. Ainsi furent levées les dernières hésitations. Excès de gentillesse ou pas, il allait être le Horla.
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Cependant c'était l'année des H, on s'en est sans doute avisé. Le maître avait toujours aimé les trois nouvelles de Maupassant qui dans leur titre ont le nom Horla. À vrai dire, c'est le nom lui-même qui lui plaisait surtout. Deux fois il désigne un être surnaturel, un succube d'une espèce ou d'une autre, qui vide l'eau des carafes de la table de chevet, la nuit, et voyage sur un grand voilier, à l'instar de Nosferatu. La troisième fois c'est un aérostat. Dans un cas comme dans l'autre, le Horla est assez inquiétant. Un Horla qui ne ferait pas peur, on l'imagine assez mal. Et malgré le goût qu'il avait pour les deux syllabes de ce mot le maître n'eût jamais imaginé d'appeler Horla son chien blond. Mais un chien noir de la tête aux pieds ?
Ce chien noir-là était tout de même trop aimable. Que serait un Horla qui lècherait toutes les mains ?
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