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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Le “livre” de Pandore

« Souvent femme varie, bien fol est qui s'y fie. » Cette fameuse maxime du roi François Ier pourrait, à juste titre, figurer en exergue d'“auto-da-fé”, unique roman d'Elias Canetti incontestablement placé sous le signe de la folie.
Peter Kien, sinologue d'un immense renom et gardien d'un trésor livresque de 25 000 ouvrages, va voir sa tranquille existence de philologue bouleversée de fond en comble, mise cul par-dessus tête à cause d'une femme qui n'est autre que Thérèse, sa pieuse domestique dont l'unique soin est de choyer les précieux livres du professeur.
Car ce grand savant – qui se rassasie bien plus de mots que d'une nourriture solide –, vit exclusivement pour sa bibliothèque. Et tout ce qui porte jupon ou qui contient en soi le germe d'un possible émoi sexuel, est une véritable abjection pour celui qui « n'est pas un homme » ainsi que n'aura de cesse de le claironner Thérèse par la suite.

Pour quelle raison la douce et patiente domestique en viendra-t-elle à prononcer ce jugement sans appel ? Parce qu'un jour Kien, pensant accommoder les choses au mieux, aura la funeste idée d'épouser cette femme afin qu'elle puisse se livrer tout entière à son rôle de ménagère et de protectrice de ses livres chéris.
L'habit ne fait pas la nonne et Kien s'en apercevra bientôt. En passant l'anneau au doigt de cette furie, c'est une véritable boîte de Pandore qu'il ouvrira… Et, dès lors, des événements catastrophiques vont pleuvoir en masse sur la pauvre tête du professeur ainsi qu'une pluie de feu. Peter Kien, “l'asexué”, va payer au prix fort sa paisible existence passée et, si l'on ose dire, “expier” littéralement son rejet des femmes et de la sexualité. Il semblerait d'ailleurs qu'Éros lui-même ait décidé de lui décocher maintes flèches empoisonnées afin de lui faire amèrement payer son affront. Détaché de tout ce qui n'est pas science ou métaphysique, Kien va être brutalement rappelé au monde. le “pur esprit” va sentir (à son insu), qu'il a bel et bien un corps, jusque-là tranquillement ignoré.

Roman fou et indescriptible, “auto-da-fé” est un “éloge de la folie” qui devient insoutenable réalité. Au sein de cet ouvrage, raison et déraison se livrent une guerre sans merci, dont seule la déraison sortira victorieuse. Elias Canetti manie un humour tragique qui n'est pas sans rappeler le génie d'un Kafka. Tous les personnages qui se coudoient abruptement dans ces pages, vivent uniquement nichés dans leurs propres fantasmes, nourrissant eux-mêmes copieusement leurs folles chimères – ce qui n'est pas sans entraîner plusieurs malentendus fantastiques et d'une grande bouffonnerie !

« All the world's a stage » ainsi que le proclamait le grand Shakespeare ; et les histrions de cette cauchemardesque “comédie humaine” semblent créer leurs rôles de toute pièce au fur et à mesure que se déroulent leurs déraisonnables péripéties. Est-il seulement une morale à ce récit “plein de bruit et de fureur” ? Très certainement aucune.
À moins de forger la suivante par pure boutade : « Soyez une brute à la sexualité débridée ou bien ne vous mariez jamais ! »

Il se peut qu'au sortir de ce roman vous ayez le tournis tant cette histoire semble marcher la tête à l'envers. Et ce signe serait de fort bon augure car un grand livre a toujours soin de déboussoler son lecteur.

Thibault Marconnet
14/07/2014
Lien : http://le-semaphore.blogspot..
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De la déconnexion du monde provoquée par la passion du savoir. Premier roman de Canetti, écrit pour exorciser ses propres démons.
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Selon le célèbre proverbe africain quand un vieillard meurt, c'est une bibliothèque qui brûle. Un tel dicton semblerait bien obscur à Peter Kien pour qui l'holocauste de l'humanité toute entière ne saurait racheter la disparition d'un seul ouvrage chéri des milliers que contient sa collection de sinologue mondialement connu. La quarantaine, sec comme un sarment de vigne, techniquement un miracle de mémoire et de connaissance livresque, mais somme toute un vieux garçon, rigide et froid, Kien n'a pour véritable compagnie que la pensée des sages d'orient. Un jour le voilà pris d'une lubie, lui le célibataire endurci, d'interpréter de façon singulière certains préceptes de Confucius, pour s'engager dans les voies périlleuses du mariage. Inquiet pour l'avenir de sa bibliothèque, il décide d'épouser sa domestique, de dix-sept ans ans son aînée, après huit ans de service dans ce canyon de livres. Être un puits de connaissance n'est pas forcément synonyme de clairvoyance : la dame est une mégère, d'une vanité qui confine à la naïveté, d'une mesquinerie qui n'a d'égale que ses prétentions à la respectabilité bourgeoise. Elle est convaincue que le savant est riche et elle va s'employer à dénicher le magot. Deux autres personnages tout aussi antipathiques, le concierge, une brute épaisse, policier à la retraite qui passe son temps à épier les démarcheurs et quémandeurs imprudents qui s'aventureraient dans l'immeuble pour les rosser d'importance, comme il se flatte de l'avoir fait avec son épouse et sa fille, comme tout père de famille qui se respecte, ainsi qu'un vil nain déjeté, proxénète à la petite semaine et escroc de métier, vont tâcher eux aussi de faire leur beurre en menaçant la vénérable bibliothèque du pédant d'une fin ignomignieuse dans les combles poussiéreux d'un vulgaire mont-de-piété de quartier.

Auto-da-fe est un petit bijou burlesque, où les personnages symbolisent ce que la vie peut avoir d'absurde et d'étriquée quand chacun se cantonne à la courte vue de ses intérêts propres, sourd à toute autre considération, prenant ses désirs pour des réalités. C'est aussi un miracle ou une anomalie, puisqu'il s'agit du seul roman d'un intellectuel de tout premier plan, renommé pour ses réflexions sur les mécanismes humains et les modes de fonctionnement psychosociaux.
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Je ne sais ce qui m'a retenue si longtemps loin de ce monstre littéraire qu'est Auto-da-fé (peut-être des souvenirs douloureux de versions allemandes trop difficiles pour mes facultés d'alors ?). J'ai passé la journée plongée dans cet unique et miraculeux roman de Canetti (que je compte découvrir davantage les prochains temps)...

La suite sur mon blog :
Lien : http://www.delitteris.com/in..
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La folle histoire d'un sinologue de renom, de sa bibliothèque de 2500 volumes et de Thérèse, sa gouvernante devenue sa femme. On pense à Kafka, à Joyce et à Musil. le chef d'oeuvre du prix nobel de littérature 1981.....
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Auto-da-fé d'Elias Canetti est un livre de fous, au sens propre comme au sens figuré : livre de fous par la construction de ses personnages, pratiquement jamais physique mais totalement mentale, par la narration des élucubrations, des folies des hommes et femmes en présence.
...

Lien : http://edencash.forumactif.o..
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