Citations sur Petit éloge du désir (83)
Assomption de l’altérité. Tu attaches deux significations au mot Désir : d’une part il désigne l’appétit qui gît en soi, nous disposant à la rencontre intime d’un autre corps, mouvement vital, premier _ énergie pure. D’autre il représente le mouvement qui fait distinguer et élire, et qui partant de soi se dirige vers un autre choisi pour lui-même, pour ce qu’il est d’autre, différent de soi ou de quiconque, et désiré, c’est à dire, aimé pour son altérité même. Et ce désir serait-il fugace, il n’en est pas moins distinction et élection – tu trouves une très humaine et noble beauté à cette élévation d’autrui.
Désir et mélancolie : comme le recto et le verso d'une feuille, inséparables.
Desnos, une dernière fois : " Par les océans tropicaux et les mers boréales, précédé de son étrave invisible, vogue le steamer AMOUR qui renaît sans cesse de ses naufrages".
Saint Augustin : " Celui qui se perd dans sa passion est moins perdu que celui qui perd sa passion".
Tu le désires passionnément, c'est à dire que ton être est entièrement accaparé par cette ardente rencontre qui ne laisse aucun espace vacant en toi, et pourtant tu n'ignores pas qu'un tel désir finira . Il s'épuisera. Tu en as le coeur secrètement étreint.
Mais, de même que la langue ne sait restituer l'effluve d'un parfum, dans la jouissance le cri, le pleur, la mélodie et le râle se substituent aux mots, car de ceux là tant seraient nécessaires, si nombreux et proférés en un si bref instant, pour dire tout ce qu'on sent, en soi et vers l'autre que la gorge leur préfère ce chant brisé où ils se concentrent et se bousculent inarticulés.
Laisser monter le désir en soi, lancer ses fins tentacules vers lui, les reprendre - poulpe timoré - hésiter (mais n'es tu pas déjà attrapée ?), puis se laisser envelopper par les siens.
Parce qu'une fois que tu y consentiras ... ce sera la battue dans les taillis du rêve.
Qu' est ce qui en toi à vu si clair en lui? Comment savais tu que tu aimerais son corps, sa voix, sa manière ?
L'as tu choisi dans une sorte de prescience ou bien, au contraire ton désir de lui sest il façonné a son contact, apprenant à s'accorder à ses particularités, à en jouir?
Mais c'est toujours ainsi avec le réel, tu ne sais pas si l'univers se contente si bien parce que vous êtes fait de la même étoffe, invente au même creuset, ou si ton désir de vivre procede de ce lent et délicieux appareillement de ton être et du monde -- de ton être et de cet homme.
C'est cette expression si fréquente, se sentir vivante, qui te frappe. Elle confirme que le désir ne se réduit pas à une concupiscence charnelle mais qu'il est expérience métaphysique, celle d'une façon d'être au monde élargie, amplifiée, anoblie. Quand on le perd, le sentiment d'être en vie diminue, on ressent par anticipation ce que doit être (tu l'imagines et l'espères) l'humeur des personnes très âgées, n'ayant plus assez de désir de vivre pour vivre, ayant usé la masse d'énergie qui nous constitue à la naissance, au point qu'elles souhaitent alors se fondre dans le delta de leur existence - le fleuve personnel rejoignant la vaste mer du tout.
Qu’est-ce qui, en toi, a vu si clair en lui ? Comment savais-tu que tu aimerais son corps, sa voix, sa manière ? L’as-tu choisi dans une sorte de prescience, ou bien au contraire ton désir de lui s’est-il façonné à son contact, apprenant à s’accorder à ses particularités, à en jouir ? Mais c’est toujours ainsi avec le réel, tu ne sais pas si l’univers te contente si bien parce que vous êtes faits de la même étoffe, inventés au même creuset, ou si ton désir de vivre procède de ce lent et délicieux appareillement de ton être et du monde — de ton être et de cet homme.