Modestie …
Modestie ! Modestie !
N’oublions pas ceci :
nous sommes tous éminemment comestibles
sauf les vieillards très durs à longue barbe blanche
(que ferait-on de cette barbe en un banquet ?
la griller ?)
Et il y a les pieds qui tous sentent des pieds
Les yeux verts, les yeux bleus ont le goût
d’eau profonde
et que dire de la croustillance des oreilles
cartilages, osselets ?
Ô têtes d’hommes sur plat à barbe
bien présentées
pour être dégustées, fin festin d’araignées !
Ô beaux cerveaux pensifs sinuant de circonvolution
en circonvolution
pour produire belle, sublime poésie !
Et vous, cerveaux de musiciens aux ondes scintillantes
et vous, pinceaux, palettes, brosses,
encore très noire des calligraphes
Ô vous, peintres fouillant dans les couleurs,
le noir profond,
pour parapher le monde !
Je n’ai jamais entendu…
Je n’ai jamais entendu le bruit que fait la peau en poussant
mon cœur est peu à peu devenu un gros oignon
ma patrie est de plus en plus circonscrite
la société m’a fait cadeau d’un ciré hermétique
et pourtant
je voudrais entendre le bruit que fait la peau en
poussant
Celui qui frappe la peau du tambour le sait-il ?
Que faire pour occuper des mains…
Que faire pour occuper des mains
pendant toute une vie ?
Sinon modeler de la terre
des poèmes, des notes
et du charnel aussi
C’est pourquoi il faut les garder
de toutes les atteintes
et la nuit les cacher
au plus profond du lit
Préserver à tout prix
l’extrême pointe de nos doigts
là où est le toucher
ce Finistère de nos corps
Feux et miroirs…
Feux et miroirs
Réduit à cette merveilleuse chose qu’est un squelette
tu vis enfin ta vie de minéral
tu es désormais et propre et net et filiforme
Dans la somptueuse argile de la planète Terre
tes viscères se sont dissous
Plus de cœur en proie à l’infarctus
plus d’humeurs, plus de douleurs intercostales
Pour toi le paradis, l’extension totale
le grand Bond en avant
Pour moi l’amour loufoque
l’amour qui porte fleurs, fruits et astéroïdes
Feux et miroirs
La nuit…
La nuit j’entends craquer ma colonne vertébrale
il semblerait que mes muscles défaillent
aurais-je par hasard des os à croissance continue ?
J’entends ma colonne vertébrale que dépècent mes muscles
et quelques petits nerfs lancent leur cri de guerre
dans mes nuits presque blanches
Je n’oublie pas que j’ai toute une armée dans le corps
qui ronge et qui piaffe
Je n’oublie pas la chute sourde des années
un tremble au bord de la rivière n’est pas plus effrayé