Sur la couverture, ce petit personnage mignon semble nous prévenir : « En ouvrant ce livre, vous allez retrouver le temps de votre enfance, de votre innocence perdue » Les illustrations de Sempé sont naïves et expressives, totalement en symbiose avec les textes de René Goscinny. Les aventures de ce Petit Nicolas sont racontées à la première personne, avec la candeur et l'innocence d'un enfant d'école primaire. le style d'écriture est volontairement enfantin et cette astuce nous permet de retomber en enfance, de sentir et d'éprouver les sensations des bancs de l'école, avec les disputes, les bagarres, les insolences, les bêtises et les punitions à la pelle. Les personnages, avec des prénoms à coucher dehors, sont tous bigarrés, haut en couleurs, souvent caricaturaux et tellement drôles. Et même si l'école décrite ressemble plus aux écoles des années 50-60, l'humour et les gags n'ont pas pris une ride, et la fraîcheur de cette série semble éternelle.
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« le petit Nicolas » ça se lit à tout âge ou plutôt ça se relit. Enfant, on s'identifie à Nicolas et à sa bande de chouettes copains, on s'imagine partager leurs parties de foot endiablées (« A propos, quelqu'un a pensé à prendre le ballon ? »), se moquer avec eux du surveillant le Bouillon (« Regardez-moi dans les yeux ! ») et taper sur le nez de ce sale chouchou d'Agnan (« Tu peux pas me taper, j'ai des lunettes ! »). Adolescent, on rigole de tout ce que Nicolas ne saisit pas ou déforme innocemment et des quiproquos en série que crée sa naïveté d'enfant. Adulte enfin, on se met à la place de sa maîtresse débordée, de son père vantard, de sa maman dépassée, de son voisin trop curieux et on en rit deux fois plus fort !
Les deux expositions sur Goscinny organisées coup sur coup à Paris m'ont donné envie de me replonger dans l'univers drôle et tendre créé par ce grand touche-à-tout. Pour la petite anecdote, ma grande tante apprenait à ses étudiants étrangers à lire le français avec « le Petit Nicolas ». Quand ils commençaient à pouffer dans leur coin, elle savait qu'ils commençaient à bien se débrouiller. Certes, l'école et le monde dans lesquels évolue Nicolas fleurent bon les années 50, mais le réalisme et l'humour avec lesquels Goscinny décrit l'enfance n'ont pas vieilli d'un poil. Comme un vieux bonhomme de son âge a réussi à se mettre avec tant de brio à la place d'un gamin de huit ans, ça me dépasse complétement… Et impossible d'imaginer « le Petit Nicolas » sans les dessins naïfs et légers de Sempé – raison pour laquelle je ne verrai jamais le film, bien qu'il ne soit pas, a priori, catastrophique. Je pense que je vais me faire une moyenne d'un tome par mois, histoire de bien terminer l'année 2017 et de débuter celle de 2018 dans la bonne humeur.
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(édité par erreur en critique le 13/01/2014 et redirigé dans citation)
Dans mon équipe, on n’arrivait pas à se mettre d’accord, jusqu'au moment où Eudes a dit qu’il viendrait nous donner des coups de poing sur le nez à nous aussi : alors, on s’est placés.
Agnan a dit Rufus : « Siffle ! » et Rufus, qui jouait dans mon équipe, a sifflé le coup d’envoi. Geoffroy n’était pas content. Il a dit : « C’est malin, nous avons le soleil dans les yeux ! Il n’y a pas de raison que mon équipe joue du mauvais côté du terrain ! »
Moi, je lui ai répondu que si le soleil ne lui plaisait pas, il n’avait qu’à fermer les yeux, qu’il jouerait peut-être mieux comme ça. Alors, nous nous sommes battus. Rufus s’est mis à souffler dans son sifflet à roulette.
« Je n’ai pas donné l’ordre de siffler, a crié Agnan, l’arbitre c’est moi ! »
Ça n’a pas plu à Rufus qui a dit qu’il n’avait pas besoin de la permission d’Agnan pour siffler, qu’il sifflerait quand il en a envie, non mais tout de même. Et il s’est mis à siffler comme un fou. « Tu es méchant, voilà ce que tu es ! » a crié Agnan, qui a commencé à pleurer.
« Eh, les gars ! » a dit Alceste, dans son but.
Mais personne ne l’écoutait. Moi, je continuais à me battre avec Geoffroy. Je lui avais déchiré sa belle chemise rouge, blanche et bleue, et lui, il disait : « Bah, bah, bah ! Ça ne fait rien ! Mon papa, il m’en achètera des tas d’autres ! » Et il me donnait des coups de pied dans les chevilles. Rufus courait après Agnan qui criait : « J’ai des lunettes ! J’ai des lunettes ! » Joachim, il ne s’occupait de personne, il cherchait sa monnaie, mais il ne la trouvait toujours pas. Eudes, qui était resté tranquillement dans son but, en a eu assez et il a commencé à distribuer des coups de poing sur les nez qui se trouvaient le plus près de lui, c’est-à-dire sur ceux de son équipe. Tout le monde criait, courait. On s’amusait vraiment bien, c’était formidable !
« Arrêtez, les gars ! » a crié Alceste de nouveau.
Alors Eudes s’est fâché. « Tu étais pressé de jouer, il a dit à Alceste, eh bien, on joue. Si tu as quelque chose à dire, attends la mi-temps ! »
Le Petit Nicolas de Sempé et Goscinny Editions Denoël.
Le Petit Nicolas a paru en librairie
Ça y est ! Ils en ont fait un livre ! Mes deux papas, René Goscinny qui m'aide à écrire mes histoires, et Sempé qui fait mes portraits, sont allés dans une maison qui s'appelle Denoël et qui fait des livres, et puis ils ont parlé des tas de fois et ils ont fait un chouette livre avec mes histoires.
Dans le livre, il y a mes histoires, c'est un recueil, ils m'ont dit, et il y a aussi mes copains, Alceste, le gros, Eudes, Rufus, Agnan, Geoffroy, la maîtresse, le directeur, le bouillon, M. Blédurt qui est notre voisin, papa et maman qui sont les plus chouettes du monde, et ça se vend dans toutes les librairies.
Nicolas.
(extrait du 53ème numéro du journal "Pilote" paru dans les kiosques le 27 octobre 1960)
Un souvenir qu’on va chérir
Ce matin, nous sommes tous arrivés à l’école bien contents, parce qu’on va prendre une photo de la classe qui sera pour nous un souvenir que nous allons chérir toute notre vie, comme nous l’a dit la maîtresse. Elle nous a dit aussi de venir bien propres et bien coiffés.
C’est avec plein de brillantine sur la tête que je suis entré dans la cour de récréation. Tous les copains étaient déjà là et la maîtresse était en train de gronder Geoffroy qui était venu habillé en Martien. Geoffroy a un papa très riche qui lui achète tous les jouets qu’il veut. Geoffroy disait à la maîtresse qu’il voulait absolument être photographié en Martien et que sinon il s’en irait.
Le photographe était là, aussi, avec son appareil et la maîtresse lui a dit qu’il fallait faire vite, sinon, nous allions rater notre cours d’arithmétique. Agnan, qui est le premier de la classe et le chouchou de la maîtresse a dit que ce serait dommage de ne pas avoir arithmétique, parce qu’il aimait ça et qu’il avait bien fait tous ses problèmes. Eudes, un copain qui est très fort, voulait donner un coup de poing sur le nez d’Agnan, mais Agnan a des lunettes et on ne peut pas taper sur lui aussi souvent qu’on le voudrait. La maîtresse s’est mise à crier que nous étions insupportables et que si ça continuait il n’y aurait pas de photo et qu’on irait en classe. Le photographe, alors, a dit : »Allons, allons, allons, du calme, du calme. Je sais comment il faut parler aux enfants, tout va se passer très bien. »
Le photographe a décidé que nous devions nous mettre sur trois rangs ; le premier rang assis par terre, le deuxième, debout autour de la maîtresse qui serait assise sur une chaise et le troisième, debout sur des caisses. Il a vraiment des bonnes idées le photographe.
Les caisses, on est allé les chercher dans la cave de l’école. On a bien rigolé, parce qu’il n’y avait pas beaucoup de lumière dans la cave et Rufus s’était mis un vieux sac sur la tête et il criait : « Hou ! Je suis le fantôme ». Et puis, on a vu arriver la maîtresse. Elle n’avait pas l’air contente, alors nous sommes vite partis avec les caisses. Le seul qui est resté, c’est Rufus. Avec son sac, il ne voyait pas ce qui se passait et il a continué à crier : »Hou ! Je suis le fantôme » et c’est la maîtresse qui lui a enlevé le sac. Il a été drôlement étonné, Rufus.
De retour dans la cour, la maîtresse a lâché l’oreille de Rufus et elle s’est frappé le front avec la main. « Mais vous êtes tout noirs » elle a dit. C’était vrai, en faisant les guignols dans la cave, on s’était un peu salis. La maîtresse n’était pas contente, mais le photographe lui a dit que ce n’était pas grave, on avait le temps de se laver pendant que lui disposait les caisses et la chaise pour la photo. A part Agnan, le seul qui avait une figure propre, c’était Geoffroy, parce qu’il avait la tête dans son casque de Martien, qui ressemble à un bocal. « vous voyez, a dit Geoffroy à la maîtresse, s’ils étaient venus tous habillés comme moi, il n’y aurait pas d’histoires. » J’ai vu que la maîtresse avait bien envie de tirer les oreilles de Geoffroy, mais il n’y avait pas de prise sur le bocal. C’est une combine épatante, ce costume de Martien !
Nous sommes revenus après nous être lavés et peignés. On était bien un peu mouillés, mais le photographe a dit que ça ne faisait rien, que sur la photo ça ne se verrait pas.
« Bon, nous a dit le photographe, vous voulez faire plaisir à votre maîtresse ? » Nous avons répondu que oui, parce que nous l’aimons bien la maîtresse, elle est drôlement gentille quand nous ne la mettons pas en colère. « Alors, a dit le photographe, vous allez sagement prendre vos places pour la photo. Les plus grands sur les caisses, les moyens debout, les petits assis. » Nous, on y est allés, et le photographe était en train d’expliquer à la maîtresse qu’on obtenait tout des enfants quand on était patient, mais la maîtresse n’a pas pu l’écouter jusqu’au bout. Elle a dû venir nous séparer, parce que nous voulions être tous sur les caisses.
« Il y a un seul grand ici, c’est moi ! » criait Eudes et il poussait ceux qui voulaient monter sur les caisses. Comme Geoffroy insistait, Eudes lui a donné un coup de poing sur le bocal et il s’est fait très mal. On a dû se mettre à plusieurs pour enlever le bocal de Geoffroy qui s’était coincé.
La maîtresse a dit qu’elle nous donnait un dernier avertissement, après ce serait l’arithmétique, alors, on s’est dit qu’il fallait se tenir tranquilles et on a commencé à s’installer. Geoffroy s’est approché du photographe, « c’est quoi, votre appareil ? » il a demandé. Le photographe a souri et il a dit : « C’est une boîte d’où va sortir un petit oiseau, bonhomme. » « Il est vieux votre engin, a dit Geoffroy, mon papa il m’en a donné un avec parasoleil, objectif à courte focale, téléobjectif et bien sûr des écrans… » Le photographe a paru surpris, il a cessé de sourire et il a dit à Geoffroy de retourner à sa place. « Est-ce que vous avez au moins une cellule photoélectrique ? » a demandé Geoffroy. « Pour la dernière fois, retourne à ta place ! » a crié le photographe qui tout d’un coup, avait l’air très nerveux.
On s’est installés. Moi, j’étais assis par terre, à côté d’Alceste. Alceste c’est mon copain qui est très gros et qui mange tout le temps. Il était en train de mordre dans une tartine de confiture et le photographe lui a dit de cesser de manger, mais Alceste a répondu qu’il fallait bien qu’il se nourrisse. « Lâche cette tartine ! » a crié la maîtresse qui était assise juste derrière Alceste. Ça l’a tellement surpris, Alceste, qu’il a laissé tomber la tartine sur sa chemise. « C’est gagné » a dit Alceste, en essayant de racler la confiture avec son pain. La maîtresse a dit qu’il n’y avait plus qu’une chose à faire, c’était de mettre Alceste au dernier rang pour qu’on ne voie pas la tache sur sa chemise. « Eudes, a dit la maîtresse, laissez la place à votre camarade. » « Ce n’est pas mon camarade, a répondu Eudes, il n’aura pas ma place et il n’a qu’à se mettre de dos à la photo, comme ça on ne verra pas la tache, ni sa grosse figure. » La maîtresse s’est fâchée et elle a donné comme punition à Eudes la conjugaison du verbe : « Je ne dois pas refuser de céder ma place à un camarade qui a renversé sur sa chemise une tartine de confiture. » Eudes n’a rien dit, il est descendu de sa caisse et il est venu vers le premier rang, tandis qu’Alceste allait vers le dernier rang. Ça a fait un peu de désordre, surtout quand Eudes a croisé Alceste et lui a donné un coup de poing sur le nez. Alceste a voulu donner un coup de pied à Eudes, mais Eudes a esquivé, il est très agile, et c’est Agnan qui a reçu le pied, heureusement, là où il n’a pas de lunettes. Ça ne l’a pas empêché, Agnan, de se mettre à pleurer et à hurler qu’il ne voyait plus, que personne ne l’aimait et qu’il voulait mourir. La maîtresse l’a consolé, l’a mouché, l’a repeigné et a puni Alceste, il doit écrire cent fois: « Je ne dois pas battre un camarade qui ne me cherche pas noise et qui porte des lunettes. » « C’est bien fait » a dit Agnan. Alors la maîtresse lui a donné des lignes à faire, à lui aussi. Agnan, il a été tellement étonné qu’il n’a même pas pleuré. La maîtresse a commencé à les distribuer drôlement, les punitions, on avait tous des tas de lignes à faire et finalement, la maîtresse nous a dit : « Maintenant, vous allez vous décider à vous tenir tranquilles. Si vous êtes très gentils, je lèverai toutes les punitions. Alors, vous allez bien prendre la pose, faire un joli sourire et le monsieur va nous prendre une belle photographie ! » Comme nous ne voulions pas faire de la peine à la maîtresse, on a obéi. Nous avons tous souri et on a pris la pose.
Mais pour le souvenir que nous allions chérir toute notre vie, c’est raté, parce qu’on s’est aperçu que le photographe n’était plus là. Il était parti, sans rien dire.
*
Alceste m’a dit : "Viens avec moi, j’ai quelque chose à te montrer, on va rigoler." Moi, j’ai tout de suite suivi Alceste, on s’amuse bien tous les deux. (...) "Qu’est-ce que tu veux me montrer, Alceste ?" j'ai demandé. "Pas encore", il m’a dit. Enfin, quand on a tourné le coin de la rue, Alceste a sorti de sa poche un gros cigare. "Regarde, il m’a dit, et c’est un vrai, pas en chocolat !" Ça, qu’il n’était pas en chocolat, il n’avait pas besoin de me le dire, si le cigare avait été en chocolat, Alceste ne me l’aurait pas montré, il l’aurait mangé. (...) "Et qu’est-ce qu’on va faire avec ce cigare ?" j’ai demandé. "Cette question ! m’a répondu Alceste, on va le fumer, pardi !" (...). Comme le cigare était à lui, c’était lui qui commençait, aspirait en faisant des tas de bruit et il y avait beaucoup de fumée. Le premier coup, ça l’a surpris, Alceste, ça l’a fait tousser et il m’a passé le cigare. J’ai aspiré, moi aussi, et, je dois dire que je n’ai pas trouvé ça tellement bon et ça m’a fait tousser, aussi. "Tu ne sais pas, m’a dit Alceste, regarde ! La fumée par le nez !" Et Alceste a pris le cigare et il a essayé de faire passer la fumée par son nez, et ça, ça l’a rudement fait tousser. Moi, j’ai essayé à mon tour et j’ai mieux réussi, mais la fumée m’a fait piquer les yeux. On rigolait bien. On était là à se passer le cigare, quand Alceste m’a dit : "Ça me fait tout chose, je n’ai plus faim." Il était vert, Alceste, et puis, tout d’un coup, il a été drôlement malade. Le cigare, on l’a jeté, moi, j’avais la tête qui me tournait et j’avais un peu envie de pleurer (...). Je suis rentré à la maison, aussi. Ça n’allait pas très fort. Papa était assis dans le salon en fumant sa pipe, maman tricotait et moi j’ai été malade. Maman était très inquiète, elle m’a demandé ce que j’avais, je lui ai dit que c’était la fumée, mais je n’ai pas pu continuer à lui expliquer le coup du cigare, parce que j’ai encore été malade. "Tu vois, a dit maman à papa, je t’ai toujours dit que cette pipe empestait !" Et, à la maison, depuis que j'ai fumé le cigare, papa n’a plus le droit de fumer la pipe.
L’inspecteur s’est approché de la maîtresse et il lui a serré la main. Vous avez toute ma sympathie, Mademoiselle. Jamais, comme aujourd’hui, je ne me suis aperçu à quel point notre métier est un sacerdoce. Continuez! Courage! Bravo! Et il est parti, très vite, avec le directeur.
Nous, on l’aime bien, notre maîtresse, mais elle a été drôlement injuste. C’est grâce à nous qu’elle s’est fait féliciter, et elle nous a tous mis en retenue!
“Ça me semblait incroyable. Gisèle Halimi, déjà au téléphone, elle m'a fait quasiment rougir” se souvient Annick Cojean, l'invitée de cet épisode, scénariste de la bande dessinée Une farouche liberté - Gisèle Halimi, la cause des femmes (Steinkis).
Journaliste, grande reporter au Monde et Prix Albert-Londres en 1996, Annick Cojean a co-écrit Une Farouche Liberté (Grasset), ouvrage autobiographique de Gisèle Halimi, avocate franco-tunisienne qui s'est battue toute sa vie en faveur des droits des femmes avant de l'adapter en bande dessinée.
Depuis son appartement à Saint-Germain-Des-Prés, au côté de Sophie Couturier, co-scénariste de la bande dessinée, elle remonte le fil des combats de l'icône féministe.
L'histoire d'Annick Cojean et Sophie Couturier a été recueillie au micro de Camille Bichler.
Ce podcast a été produit par Johanna Bondoux pour le Festival International de la Bande Dessinée d'Angoulême et parrainé par l'Institut René Goscinny (www.institut-goscinny.org/).
Montage et Mixage : Adrien Leblond
Assistante de production : Morgane Mabit
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